Défaite de la droite, rejet du sarkozysme, dynamique de la gauche... (François Miquet-Marty, président de l’institut Viavoice)

mercredi 24 mars 2010.
 

La défaite de la droite, qui garde l’Alsace, perd la Corse et gagne la Réunion, est-elle aussi importante que prévu ?

C’est un véritable désaveu. L’écart entre les voix de gauche et les voix de droite est supérieur à celui des régionales de 2004. Il s’agit d’un vote de rupture fort contre Nicolas Sarkozy : il a été élu sur une rupture et se trouve confronté à un souhait de rupture. C’est au fond une sorte de « 2007 à l’envers », lié aux effets de la crise économique et du désarroi des Français devant l’incapacité des politiques à améliorer leur vie quotidienne.

C’est directement Nicolas Sarkozy qui est mis en cause. Les Français que nous interrogeons n’incriminent ni François Fillon ni les autres membres de l’exécutif. Même si huit ministres étaient têtes de listes régionales, c’est le président de la République qui incarne la politique mise en oeuvre.

Quelles sont les raisons de ce rejet du sarkozysme ?

Il y en a trois principales. Un rejet de la méthode : Nicolas Sarkozy se présente en manager de l’économie française mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Son style est critiqué : trop d’ubiquité, un dynamisme perçu comme une dispersion mais, dans le contexte actuel, ce style apparaît plus anxiogène que rassurant. Enfin, l’électorat, et même l’électorat de droite, ne ressent pas une vision, un cap pour conduire le pays dans les prochains mois. C’est une remise en cause lourde de ce qui fonde le sarkozysme.

Le bon score du Front national dans les 12 régions où il se maintenait en triangulaires est-il une nouvelle surprise ?

Ironie de l’histoire, Nicolas Sarkozy a donné des armes au Front national en réveillant, chez ses électeurs, l’idée que les politiques de droite et de gauche modérées ne sont pas en mesure de résoudre les problèmes des Français. Pire : l’idée que l’UMP et le PS font leur jeu politique entre eux sans se soucier des Français. Il y a aussi la fonction tribunicienne des dirigeants du Front national, la dimension d’incarnation du peuple qu’ont de moins en moins les dirigeants politiques traditionnels. Enfin, c’est le principe de la représentation démocratique qui est remis en cause. Comme avec le phénomène de l’abstention.

De son côté, la gauche confirme, voire amplifie son score. Est-ce le fruit de l’union du PS, d’Europe Ecologie et du Front de gauche ?

On en a peu parlé mais les éléments de rénovation sont bien perçus : Europe Ecologie et le Front de gauche sont des formations nouvelles, le PS engage une partie de sa rénovation. C’est aujourd’hui la gauche qui porte cet aspect, une promesse auparavant davantage incarnée par Nicolas Sarkozy.

Les listes de gauche, conduites par le PS, ont bénéficié de très bons reports de voix, quoique variables d’une région à l’autre. Ils ont été parfaits en Poitou-Charentes mais, par exemple, moins bons en Paca ou en Nord-Pas-de-Calais. Et Jean-Yves Le Drian (PS), en Bretagne, a fortement progressé (sans avoir fusionné avec la liste Europe Ecologie, une exception sur les 22 régions, ndlr). Ce qui confirme, au-delà des alliances, l’importance des leaders régionaux pour créer une dynamique.

D’autre part, 2010 n’est pas 2004. Aux précédentes élections régionales, les résultats de la gauche étaient marqués par la volonté d’effacer la présidentielle de 2002 et le vote utile favorable au PS. Là, il y a une véritable espérance qui s’est cristallisée autour de la gauche. Mais n’oublions pas le score très élevé d’Europe Ecologie. Il y a incontestablement une dynamique à gauche mais pas réductible au seul PS. Le parti socialiste est fondamentalement tributaire de ses alliés de gauche.


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