Le deuxième tour en Limousin joue, en concentré géographique et en résumé politique, la forme d’équilibre de la gauche pour l’avenir

samedi 27 mars 2010.
 

Je rentre du limousin. De la gare d’Austerlitz, j’ai marché vers Bercy où il a été convenu de se retrouver avec Marie Georges Buffet, Pierre Laurent, Martine Billard et les dirigeants du Parti de gauche pour un tractage. Une pause sympathique pour finir cette campagne et clore cette semaine si frustrante.

Quelques uns de mes plus proches amis s’ennuyaient à mourir au meeting des socialistes au Zénith à Paris. Une salle molle et trop bien parfumée. Les nôtres ont, pour l’essentiel, négligé l’assemblée générale des copropriétaires de la gauche officielle. Peu, très peu de communistes dans la salle, encore moins de pégistes ! De toute façon il fallait donner ses listes pour être dans un des parcs réservés aux importants visibles. On n’était pas au courant. Mais à quoi bon ! Il y a déjà les singes savants du MJS pour faire « l’ambiance jeune » au premier rang devant ! Après le détournement de sens donné à notre rassemblement pour le deuxième tour des régionales contre la droite, mes amis franciliens ne voulaient plus dire un mot. Donc Pierre Laurent parla pour nous tous. Il le fit bien et mieux que tous les autres qui vinrent à parler entre les spots publicitaires de Noël Mamère pour 2012. Europe écologie peut dire ce qu’elle veut et Aubry baptiser sa rencontre avec le Parti Communiste et les Verts comme elle veut, je sais que nous n’avons pas voté pour cela dimanche dernier. Les 10% de voix de l’autre gauche n’ont pas voté quitus du passé ni chèque en blanc pour l’avenir ! Nous nous regroupons pour assurer la défaite de la droite au deuxième tour des régionales. Pas pour négocier le premier tour de la présidentielle de 2012.

Au Zénith, nous n’étions pas chez nous. Ils ne nous aiment pas et nous le leur rendons bien. Entre eux et nous il y a le Languedoc Roussillon, le Limousin et la Picardie ! Il y a l’étrange Michel Vauzelle, à qui j’ai offert de venir donner le coup de main, qui le refuse, puis s’amuse à réduire dans sa profession de foi le Front de Gauche au seul parti communiste. Il y a ce Bartolone qui explique, aux médias qui l’interrogent, mon absence à ses simagrées par le fait que je « boude » ou mieux que je suis « jaloux ». De telles méthodes, de tels personnages montrent si vite ce qu’ils pensent de vous, qu’il est même impossible de faire semblant de pas l’avoir vu. De toutes façons, la pudeur interdit de faire la fête avec la famille des coupables. Bref, les miens, baillant d’ennui, m’adressaient des sms plein d’envie ayant eu écho de l’ambiance survoltée de Limoges. Et moi, depuis la tribune, sur place en limousin, j’observais les deux mille personnes tassées serrées qui entonnaient « Ma France ». « Que je chante à jamais celle des travailleurs ! » Bien dit, Jean Ferrat. Ici en Limousin se prolonge de façon imprévue, davantage subie que choisie, une démonstration politique essentielle à gauche. J’y étais à ma place, de cœur et d’esprit, mille fois mieux qu’au Zénith des tartufes.

Mais d’abord la scène ! Tous ces gens ! Jamais, m’a-t-on dit, on en avait vu tant ici ! En voici assis par terre, debout dans les allées, entourant la tribune sur les trois côtés ! Drapeaux, applaudissements, rires et clameurs de toutes parts et à tous propos quand bien même nous les orateurs n’apprenons nous rien de neuf a ceux qui nous écoutent ! Pourtant tout a été convoqué en quarante huit heures ! Et deux cent mètres plus loin à vol d’oiseau, se tient le meeting de François Hollande, mal et peu fréquenté. Mais personne ici ne songe à faire la comparaison. La vérité est qu’il s’agit d’un autre monde qui ne fait guère envie quand il ne fait pas pitié.

Quel ramassis cette gauche officielle ! Pour avoir son os à moelle en bouche, la liste Europe Ecologie a capitulé sans condition. Les traditionnels donneurs de leçon de morale en politique et autre verbeux des « nouvelles exigences des citoyens » se sont montrés tels qu’ils sont : des clochards déclassés qu’un siège et son indemnité tiennent comme chien en laisse. Le maitre a parlé. Et le représentant des comités contre la LGV a été viré de la liste par ses propres amis. Il faut intégrer ce type d’information pour comprendre à quel point notre gauche commence par un haut le cœur de dégout. Mais ce n’est pas seulement cela. Je l’ai déjà décrit me semble-t-il : c’est toute une gauche des catacombes qui a le sentiment de revenir dans la lumière du soleil de la politique visible.

Raison pour laquelle Alain Krivine lui-même, qui parlait aussi ce soir là, fut emporté par l’ambiance. Ses compliments pour la soirée, son appel à prolonger la démonstration sonnaient comme du bon pain de la part de quelqu’un qui a utilisé toute son influence et son intelligence à faire le contraire , y compris ici, en s’opposant de toute ses forces à cette union de l’autre gauche qui est à l’origine de la puissance du mouvement qu’il avait sous les yeux hier soir. A tout pêcheur miséricorde ! Si le cours d’anti capitalisme élémentaire qu’il nous a brillamment présenté péchait un peu par abus de couleurs sombres et d’absence de perspectives, chacun pourtant fut content d’Alain. Moins, il est vrai, ses propres camarades locaux qui s’ébahissaient de le voir parler devant deux mille personnes en sens contraire de ce qu’il professait parmi les siens il y à peine quinze jour de cela. Est-ce l’annonce d’un tournant politique du NPA ? Ce serait tant mieux. Mais je n’y crois guère. J’ai été tellement échaudé ! Sur le quai de la gare le lendemain matin je l’ai retrouvé comme d’habitude, prompt a agonir les communistes et leur parti, rabâchant les formules les plus éculées sur le lien organique du PC avec le PS et les autres sornettes sur la dépendance du PC à ses élus. Aucun changement d’analyse, alors même qu’il vient d’avoir la démonstration du contraire sous les yeux. Mais Krivine est plus têtus que les faits !

Et maintenant du bonheur ! Maints parmi nous voyaient se rendre visible et concrète une force politique dont nous étions certains de l’existence mais qui restait comme une matière cachée du champ politique à gauche. La voici ! Elle existe. Le coup de schlag des faces de pierre du PS de la haute Vienne vient de lui donner sa consistance définitive. En ne cédant pas aux chantages, en refusant de se disperser comme on le lui ordonnait, et, pour finir, en se maintenant au second tour pour s’en remettre à la décision des électeurs, l’union de l’autre gauche a fait cristalliser une réalité bien plus grande que l’addition des partis qui la compose. Dès lors, le résultat final, celui de dimanche, va trouver une portée bien au-delà de la région qui va le formuler. Au premier tour nous avons fait vivre le droit à l’autonomie de notre gauche. Au second nous étions disponibles sans ambigüité pour nous mettre au service commun de la défaite de la droite. Cyniquement les socialistes ont voulu commencé cette deuxième période par une domestication.

Le regroupement de la gauche vu par les socialistes se résume à un alignement pur et simple sur le « vainqueur » du premier tour. Autrement dit, à partir du deuxième tour il n’y a plus qu’une gauche et un programme, et c’est le PS qui incarne le tout. Que dis-je le PS ! Ici, en Limousin, il s’agit du cœur de son appareil, la petite poignée autour du Maire de Limoges qui fait la pluie et le beau temps. Comme l’a dit, à l’occasion du conseil fédéral socialiste de la haute vienne, le doberman du maire de limoges au petit garçon qui fait office de président de région : « toi tu te tais, et tu fais ce qu’on te dit ». Le reste des socialistes de la région paieront l’ardoise. Et ça passe mal. Dans la presse locale, Robert De Merlia dont tout le savoir faire politique est concentrée dans la mâchoire, écumant de rage, me couvre d’injures. Dans les départements de la Creuse et de la Corrèze des élus socialistes et divers gauche de tous niveaux, maires conseillers généraux, prennent publiquement position contre les diviseurs et appellent à voter pour la liste du Front de gauche et du NPA !

Ceux qui ne le font pas, il est vrai, auront du mal à convaincre les électeurs attachés à l’union des gauches, à l’avenir, de l’intérêt qu’il y aura à voter pour eux au premier comme au deuxième tour. Ainsi François Hollande fait une belle bêtise en faisant du zèle pour aider les basses manœuvres du maire de Limoges. Il serait plus judicieux d’aider la gauche unitaire. Surtout un an avant des cantonales quand on dirige une majorité départementale qui tient à un siège et, par-dessus tout, dans un département où les communes à plus de 20% de Front de gauche sont si nombreuses dorénavant. Mais je sais que de toute façon les dégâts sont faits. Rendez vous compte que, par-dessus le marché, le président de région, socialiste, a appelé les électeurs du Modem (3,2%) à voter pour sa liste !!! Et comme, de plus, à la radio, François Hollande a rappelé que le Modem restait un partenaire possible dans sa vision de l’élection présidentielle, on voit que le vote du Limousin est riche en contenus divers. Même si évidemment tous n’apparaissent pas clairement à la conscience de chacun, tout de suite.

Ce deuxième tour en Limousin joue donc, en concentré géographique et en résumé politique, la forme d’équilibre de la gauche pour l’avenir. Est-il possible de combiner unité et diversité ? Peut-on marier union face à la droite et indépendance mutuelle à gauche ? Non répondent les socialistes. Leur doctrine : « au premier tour vous vous défoulez et au deuxième vous nous obéissez. » C’est là une terrifiante machine à faire de l’abstention et des défaites.. Le vote pour notre liste en Limousin a donc la signification d’un refus positif à cette impasse !


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