Limousin et autres régions L’enjeu du service public

samedi 13 mars 2010.
 

Cinq ans après la fronde des élus et des citoyens creusois, la politique de casse des services publics se poursuit, détricotant les solidarités, creusant les inégalités territoriales. À rebours de cette logique, la liste « Limousin, terre de gauche » (Front de gauche, NPA, Alternatifs) prône la constitution de « pôles publics » régionaux.

Le train ne s’arrête plus à Évaux-les-Bains. Il a été remplacé par un autocar, après la suspension, au printemps 2008, du trafic sur la ligne Montluçon-Ussel. Au grand dam des citoyens et des élus de la commune de 1 500 habitants, qui craignent que les curistes ne désertent cette station thermale, la seule du Limousin. « La fermeture de cette ligne a porté un coup au centre thermal et au potentiel de développement économique qu’il recèle, mais aussi à tout l’Est creusois », soupire le maire, Bernard Campos. Avant d’évoquer la menace de suppression d’une classe, ou encore la fermeture de la perception, au terme d’un « regroupement », depuis le 1er janvier, avec celle de Chambon-sur-Voueize. Ici, comme dans tout le département de la Creuse, la casse des services publics nourrit un douloureux sentiment d’abandon. Et continue de susciter la colère, cinq ans après le mouvement de démission des élus creusois et la grande manifestation de Guéret.

Ce vendredi, dans la salle des jeunes d’Évaux-les-Bains, l’Association de défense et de développement des services publics pour les Combrailles auditionne les candidats aux élections régionales de la liste « Limousin, terre de gauche » (PCF, PG, NPA, Alternatifs). Lui-même militant communiste et candidat, le responsable de l’association, Bruno Noble, expose la revendication de réouverture de la ligne ferroviaire. Puis témoigne de « l’amertume » et de « la lassitude » des défenseurs des services publics.

« Il n’y a plus, sur le canton, qu’un seul bureau de poste de plein exercice. Demain, il pourrait fermer à son tour. C’est une chaîne sans fin. Il est difficile, dans ces conditions, de continuer à mobiliser. Nous avons besoin d’élus plus nettement engagés à nos côtés », insiste-t-il. Dans la salle, les participants acquiescent, puis questionnent Laurence Pache, chef de file dans la Creuse (PG) et Christian Audoin, tête de liste régionale (PCF). « Seuls, malgré notre mobilisation, on rame », dit une femme. « Ils sont en train de mettre par terre tous les acquis de 1945 », renchérit une autre. Plus grinçant, Mohammed Kasmi, responsable d’une structure éducative, épingle « une gauche qui a déçu et redéçu ». « On laisse le secteur associatif porter seul les luttes. Cela ne donne pas envie de mettre un bulletin dans l’urne », prévient-il, volontiers provocateur. « Il y a de bonnes raisons de ne plus y croire. Mais s’abstenir revient à renforcer ceux qui nous matraquent », réagit aussitôt Daniel Dexet, conseiller général communiste.

Méthodiquement, Laurence Pache met à nu « la logique de concurrence libre et non faussée, celle du traité de 
Lisbonne, qui accélère le désengagement de l’État sur les services publics ». À sa suite, Christian Audoin égrène les propositions de la liste unitaire qu’il conduit, avec la constitution de « pôles publics » pour répondre aux besoins en matière de transports, d’environnement, de financement de l’économie. « Faire réussir la gauche implique une nouvelle politique avec, au centre du jeu, la justice sociale, l’intérêt public et l’équité territoriale », résume-t-il.

À la tête d’un Front de gauche élargi au NPA, le directeur du quotidien progressiste l’Écho du centre se plaît à souligner « l’originalité limousine » et les vertus d’une formule politique qui n’avait pas au départ, avoue-t-il, ses faveurs. Au terme de discussions compliquées mais franches, l’attelage semble avoir trouvé sa cohérence, suscitant l’intérêt et la curiosité. « Avec 20 régions sur 22 acquises à la gauche, on aurait pu instaurer un rapport de forces. Ce ne fut pas le cas. L’hégémonie du PS n’est pas une bonne chose », tranche Claude Guerrier, conseiller régional (PCF) sortant.

Le soir même, les candidats enchaînent avec une réunion publique à La Courtine, sur le plateau de Millevaches, dont Christian Audoin préside le parc naturel régional. Philippe Breuil, conseiller régional du canton, figure de la fronde des élus creusois en 2004, déplore les « inégalités territoriales » qui font du département « le parent pauvre de la région ». Comme René Rouland, conseiller général de Crocq, Philippe Breuil a quitté le PS, et soutient aujourd’hui la liste « Limousin, terre de gauche ».

Un rassemblement qui, à l’examen des résultats des élections européennes (6,9 % pour le NPA et 10,1 % pour le Front de gauche), dispose d’un beau potentiel électoral. « On a laissé de côté les intérêts de boutique pour tenter de bâtir une nouvelle offre politique, nourrie des luttes sociales », se réjouit Joël Lainé, du NPA, en admettant à demi-mot que la « crispation » de son parti a privé d’autres régions de cette expérience.

Sur le marché de Guéret, les socialistes ne dissimulent pas leur agacement. « C’est comme un ami qui vous laisse tomber », se lamente Nady Bouali, secrétaire de la section PS. Avant d’agiter, sans y croire vraiment, l’épouvantail d’une droite qui, cependant, n’est jamais pas parvenue à conquérir le Limousin.

Rosa Moussaoui


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