Internationalisation et État-nation au XXIe siècle

lundi 22 février 2010.
 

La crise financière mondiale actuelle nous en dit long sur la « diversité hétéroclite » de « l’État actuel » au début du XXIe siècle. Car, tandis que presque tous les États jouissent d’une égalité formelle, certains États sont considérablement plus égaux que d’autres. Ces États (et les forces qu’ils représentent) sont capables de déplacer les coûts de gestion de crise sur d’autres États ou d’autres forces sociales, préparant le terrain pour reproduire les mêmes erreurs.

L’intégration croissante du marché mondial depuis le milieu des années 1970 (à la fois comme cause et comme conséquence de la crise de cet ordre économique et politique) a sapé la capacité des États nationaux de l’époque de continuer à gérer « à l’ancienne » leurs espaces économiques nationaux. Les inquiétudes qui en ont résulté pour l’avenir des États nationaux ont conduit à une réorganisation majeure des configurations économiques et politiques plus adaptées, en termes néolibéraux, au contrôle accru des travailleurs et autres forces subalternes et à la création d’un impérialisme du libre-échange de plus en plus dirigé par la finance.

Cette réorganisation politico-économique signifie que les débats des années 1980 sont maintenant largement dépassés. L’intégration du marché mondial ne remet pas en question l’État en général mais des États spécifiques avec des pouvoirs particuliers. Et les États peuvent être repensés et réorganisés pour faciliter, ou limiter, de nouvelles formes d’accumulation à l’échelle mondiale. Ainsi, nous voyons le transfert de certains pouvoirs de l’État national, vers le haut, à des structures supranationales, ou, vers le bas, à des autorités régionales ou locales, ou, latéralement, à des réseaux internationaux.

Nous assistons aussi à un repli de l’utilisation politique de l’autorité souveraine vers des marchés, vers des partenariats et vers le « tiers secteur » dans l’atteinte des objectifs de l’État. Enfin nous voyons des tentatives pour intégrer le marché mondial et gérer ses contradictions par le biais de nouveaux régimes internationaux. Ce rééquilibrage des États nationaux ne les touche pas tous également. Certains ont plus de pouvoir que d’autres pour influencer le transfert des pouvoirs, l’équilibre entre l’autorité souveraine, les forces du marché, les partenariats public-privé et les réseaux sociaux pour concevoir les nouveaux régimes internationaux.

L’internationalisation crée de nouvelles hiérarchies des États ainsi que de nouvelles formes d’intégration au marché mondial. Le défi pour les forces sociales progressistes est de savoir comment développer des alliances économiques, politiques et sociales à travers plusieurs échelles afin de neutraliser les États nationaux impérialistes les plus puissants et de créer des mouvements transnationaux capables de fournir une approche alternative à la mondialisation, approche qui serait fondée sur les droits économiques et la justice sociale.

par Robert Jessop, professeur à l’université de Lancaster (Grande-Bretagne)


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