Les zones humides, valeurs sûres de la biodiversité

mercredi 17 février 2010.
 

Un temps mise sous cloche, la nature est de plus en plus considérée comme un support de services, parfois économiques. Une tendance qu’illustre à la perfection l’intérêt porté aux zones humides.

L’année 2010 est celle de la biodiversité et cette dernière n’a pas fini de la ramener. Le 2 février dernier, la planète fêtait la Journée mondiale des zones humides. Une célébration parmi d’autres pour rappeler la fragilité et l’importance de nos écosystèmes. Mais qui, peut-être, raconte mieux qu’aucune autre l’évolution en train de s’opérer dans la relation de l’homme à son écosystème. Les motivations de la bienveillance du premier à l’égard du second évoluent, et avec elles la façon de l’exercer. Celle qui visait à mettre l’environnement sous cloche pour mieux le protéger se défile peu à peu au profit d’une vision que l’on pourrait qualifier d’utilitariste si le mot ne sonnait pas mesquin. De mise en réserve, la nature est en train de passer à support de services, et si les zones humides illustrent pile-poil le phénomène, c’est sans doute parce que leur utilité apparaît évidente.

Elles sont, de fait, le seul écosystème à bénéficier d’une convention internationale – la convention de Ramsar – qui, en 1971, en donnait une définition visant à les protéger. Les zones humides « sont des étendues de marais, de fagnes, de tourbière, d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris les étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas 6 mètres ». Bref, tout ce qui fait que la terre patauge et héberge de la vie, depuis l’étang jusqu’au marais salant, en passant par le fleuve et son estuaire. Une reconnaissance qui consacrait leur fonction biologique, quand elles abritent une diversité animale – oiseaux, batraciens, coquillages ou insectes – et végétale des plus vastes. Est venue s’y ajouter, au fil des temps, la reconnaissance des services rendus à la communauté  : services hydrauliques, quand elles permettent une régulation des flux et contribuent à l’alimentation en eau potable  ; services culturels et sociaux, quand elles sont lieux de loisirs et de détente  ; et, au final, services économiques, quand elles sont profitables au tourisme, indispensables à la production de sel, de poisson ou d’osier, voire quand elles remplacent parfois efficacement un système d’épuration des eaux de par leurs vertus filtrantes.

L’idée qu’il peut être plus rentable de les conserver que de les détruire a peu à peu fait son chemin. À l’heure où lutter contre leur déclin est devenu une priorité mondiale – mise en concurrence avec le développement urbain et agricole, 50 % des zones humides résiduelles des pays développés ont disparu au cours du XXe siècle –, l’argument est de plus en plus utilisé pour les défendre. Internationalement, les études se multiplient qui cherchent à chiffrer la « valeur » à accorder à la nature. « À l’échelle locale, il s’agit de démontrer qu’elles peuvent être utiles au développement, explique Yann Laurans, économiste des politiques publiques environnementales et consultant chez EcoWatt. Certaines parfois parce qu’elles permettront de baisser le coût de l’eau potable, d’autres parce qu’elles seront un rempart contre les inondations ou encore parce qu’elles permettront de créer une base de loisirs, des emplois, de la valeur ajoutée… »

L’argument économique tend ainsi à venir au renfort de la biodiversité. Non sans révéler ses limites quand il est établi que la nature n’est pas toujours rentable. Yann Laurans l’illustre d’une sentence  : « On peut aligner tous les chiffres que l’on veut, une carrière de sable rapportera toujours plus qu’un étang. » Veillons, du même coup, à ne pas jeter à l’eau les autres motivations, mêmes gratuites.

Marie-Noëlle Bertrand


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