Bernard Thibault tape du poing sur la table : pas question de remettre en cause le droit au départ à 60 ans

mercredi 27 janvier 2010.
 

Inquiet du climat social, très tendu selon lui, et des projets du gouvernement en matière de retraites, le secrétaire général de la CGT souhaite que les autres centrales réagissent et appellent à de nouvelles initiatives unitaires. Une réunion de l’intersyndicale doit se tenir dans les prochains jours. Il réclame aussi la renégociation des règles d’assurance chômage et de l’ASS.

Comment analysez-vous le climat social aujourd’hui ?

Bernard Thibault. Il y a un grand sentiment d’injustice. Qu’est ce qui a changé avec la crise ? Rien, sauf plus de chômage et de précarité pour les salariés. Les banques vont distribuer 1 milliard de bonus aux traders. Des dirigeants d’entreprise peuvent continuer de gagner des sommes indécentes, cumuler des salaires et des retraites dorées pendant que les licenciements se poursuivent. La critique demeure très forte sur l’action politique, les choix économiques, les réformes. On n’est pas sortis de la crise, mais tout indique pour les salariés que cela va continuer de se dégrader. Si rien ne change, il va falloir se bouger.

Les syndicats sont-ils encore capables de parler d’une seule voix ?

Il y aura une réunion de l’intersyndicale dans les jours qui viennent. Il faut de nouvelles initiatives qui en appellent à la mobilisation des salariés afin d’exercer une pression plus forte. On a fait la démonstration que l’unité syndicale était mobilisatrice, d’autant que l’avenir des retraites s’ajoute aux multiples problèmes liés à l’emploi et au pouvoir d’achat.

La CFDT s’est dite prête à discuter d’un rapprochement des systèmes de retraite du public et du privé. Votre duo avec François Chérèque n’est-il pas au bord de la rupture ?

L’avenir nous le dira. Pour l’heure, il est nécessaire que les syndicats confrontent leurs revendications et leurs propositions afin de permettre aux salariés de se faire entendre. On doit déjà tirer la sonnette d’alarme afin d’éviter une décision brutale du gouvernement. En 1993, le gouvernement Balladur a pris des décrets en plein été ; en 2003, la réforme Fillon a été votée au Parlement en juillet. On peut nous refaire le coup cette année, juste après les élections régionales. L’avenir des retraites d’un pays ne se règle pas avec un lance pierre en quelques semaines. Ça commence déjà ! Il est inacceptable que la Cnav soit consultée par le gouvernement sur un projet de décret qui réduirait d’un ou deux trimestres les droits à la retraite acquis par les apprentis, une filière qu’on dit vouloir revaloriser.

Qu’attendez-vous de la réunion du 15 février fixée par Nicolas Sarkozy ?

Que le président prenne conscience de la situation sociale et accepte d’infléchir sa politique trop à l’écoute des employeurs. Qu’il établisse clairement la méthode et le calendrier pour ce rendez-vous retraite. Nous n’attendrons pas pour autant, la CGT décidera cette semaine d’une campagne nationale sur l’avenir des retraites. Une petite musique se joue en ce moment pour tenter de convaincre les Français que les solutions sont évidentes et incontournables, notamment par le recul de l’âge de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation, donc par la diminution des retraites. Nous avons l’intention de porter le débat sur d’autres terrains.

Martine Aubry a brisé le tabou des 60 ans. Cela vous surprend ?

Le PS semble avoir aussi besoin d’en débattre. Sur un certain nombre de sujets, dont la retraite, je suis convaincu que l’opinion des syndicats compte tout autant, voire plus, que l’opinion des partis politiques.

En vous opposant à l’allongement de l’âge de la retraite, êtes-vous vraiment en phase avec les Français ?

Oui. Beaucoup s’expriment sur le sujet en étant déconnectés de la vie des salariés et sans tenir compte du marché du travail. Le chômage progresse pour les jeunes et pour les plus anciens dont certains vont être condamnés aux minima sociaux avant de pouvoir atteindre l’âge de la retraite. Comment justifier auprès d’eux qu’ils devraient à l’avenir cotiser plus longtemps ? Nous allons donc défendre ardemment le droit au départ à 60 ans. Le vrai sujet, c’est celui de l’emploi et du partage des richesses créées. La réforme des retraites, ça n’est pas qu’une question de financement. C’est d’abord un débat de société et un choix politique.

Quelle est position de la CGT sur la retraite par points ?

On nous dit que la Suède serait une référence. Là-bas, les retraites vont baisser de plus de 4 % si l’Etat n’intervient pas. C’est un système plus individuel, donc plus inégalitaire car chacun acquiert des points en fonction de son parcours professionnel.

Six cent mille chômeurs indemnisés vont être en fin de droits cette année, sans bénéficier de l’ASS ou du RSA. A qui la faute et que faire ?

La CGT a refusé de signer la dernière convention d’assurance chômage car ce scénario était prévisible. Il faut revoir les critères d’indemnisation et les règles de l’allocation spécifique de solidarité (ASS). Si rien n’est fait, ce seront des manifestants virulents qui se feront bientôt entendre, car ils n’auront plus rien pour vivre.


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