Après une pause en 2010, pour cause d’élections régionales, la suppression de la taxe pro et la réforme des collectivités vont transférer aux contribuables des charges insupportables.
Soumis aux dures conséquences de la crise, les Français n’ont pas suivi avec attention les aléas du débat sur la réforme des collectivités territoriales et notamment de la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements des entreprises. Avec le vote des budgets dans les communes, les départements et les régions, ils commencent à entrevoir ce qu’elle va signifier : à terme, inéluctablement, une hausse des impôts locaux. 2010 étant une année électorale, le gouvernement a su administrer une dose de tranquillisant en compensant la défunte taxe professionnelle par une contribution exceptionnelle. Pour cette année uniquement. En 2011, le trou d’air dans les finances locales risque d’être vertigineux. Si les élus ont malgré tout cherché à atténuer les conséquences de la crise et pris quelques précautions sur l’avenir en votant des taux de fiscalité stables, ils ont en revanche prédit un avenir plutôt sombre.
Par exemple, le plus gros budget d’une collectivité, celui de la région Île de France, est en augmentation de près de 3 %, dont près du quart consacré aux transports. Mais son président, Jean-Paul Huchon, l’a rappelé, l’État doit 853 millions d’euros depuis 2006 au titre des dépenses de décentralisation non compensées, soit 5 % du montant du budget 2010. Le département du Val-de-Marne a dû se résoudre à des économies : il manque 40 millions d’euros, alors que la dette de l’État continue à se creuser pour atteindre 400 millions d’euros, soit l’équivalent, selon Christian Favier, élu PCF du département, de 20 collèges. Conséquence : les constructions d’établissements scolaires seront échelonnées dans le temps et l’aide aux communes sera modulée en fonction de leur richesse. Même démarche contrainte en Ile et Vilaine où le département abaisse ses aides aux communes, aux associations et aux entreprises.
Car si 2010 marquera une pause pour les feuilles d’impôts locaux, la suite du programme du gouvernement est encore plus menaçante. La fameuse réforme des collectivités va en effet les contraindre à ne financer que la stricte part de leur compétence. Ce qu’on appelle en jargon administratif la « compétence générale ", qui permettait aux collectivités de financer les projets susceptibles de corriger des inégalités territoriales, sociales ou économiques et d’insuffler une dynamique locale.
Demain, les départements seront limités aux dépenses sociales, les régions aux transports, etc. Seulement les communautés d’agglomération et les métropoles (villes de plus de 450 000 habitants) auront la liberté d’intervenir sur des domaines divers. Les conséquences, redoutables, se font déjà sentir pour les associations sociales, culturelles et sportives, qui dépendent aujourd’hui essentiellement des aides des collectivités.
La droite a beau claironner dans les assemblées que les réformes (de la taxe professionnelle et des collectivités) sont de belles opportunités pour les entreprises et donc pour l’économie, grâce aux nouveaux allégements, personne ne peut raisonnablement croire que la baisse des aides et des subventions participe de la croissance du pays. La politique de Nicolas Sarkozy est probante : plus les entreprises bénéficient d’allégements de charges, plus elles délocalisent, plus le chômage augmente. Et pourtant, le grand patronat en demande encore plus. En Île-de-France, le MEDEF se permet de juger le budget de la région en regrettant qu’il ne soutienne pas suffisamment l’action économique et il appelle les élus à chercher d’autres sources de financement pour leurs investissements, par exemple des partenariats publics-privés, en particulier pour les transports. Privatiser la RATP ? Décidément, nos saints grands patrons sont insatiables.
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