« Il faut affirmer le clivage droite-gauche » (Henri Weber)

mardi 31 octobre 2006.
Source : Libération
 

Henri Weber est secrétaire national du PS, député européen, engagé avec Laurent Fabius pour l’investiture socialiste aux présidentielles.

Laurent Fabius est toujours scotché au plancher des sondages. Qu’est-ce qui l’empêche de décoller ?

Si Moïse avait disposé de sondages, les Hébreux seraient toujours esclaves en Egypte, disait le président Truman ! La valeur prédictive des sondages est nulle, a fortiori lorsqu’ils concernent les adhérents du PS dont il n’existe aucun échantillon représentatif... Le résultat du vote en étonnera plus d’un.

Vous voulez dire que Fabius a encore une chance d’être désigné ?

Je sens que les choses commencent à bouger. Laurent Fabius tente avec obstination de donner une expression politique à la résistance du peuple de gauche. Et au fil des débats, on voit bien que des lignes politiques différentes s’expriment.

Comment qualifieriez-vous celle de Ségolène Royal ? De « populiste » ?

Ségolène Royal a dit qu’il y avait beaucoup à apprendre de Tony Blair. A la suite de Bill Clinton, Blair a mis en oeuvre une stratégie de « triangulation », comme on dit en sociologie politique. Mais on peut aussi bien parler de stratégie « attrape-tout » ! Il s’agit de s’approprier les thèmes de l’adversaire, réputés électoralement les plus rentables, et de les amalgamer aux siens propres. C’est ce que fait Royal avec les signaux qu’elles envoient sur l’encadrement militaire, la carte scolaire ou les 35 heures.

Pour Blair et Clinton, cela a été une tactique gagnante...

Oui, mais nous sommes en France, où l’on assiste à une double radicalisation. A droite mais aussi à gauche : on l’a vu avec la protestation contre le CPE, aussi bien qu’aux régionales de 2004 ou lors du référendum en 2005. Or, Royal brouille le clivage droite-gauche et c’est la divergence stratégique majeure avec Fabius. Nous pensons qu’il faut au contraire affirmer ce clivage et l’incarner.

La proposition de jurys populaires brouille-t-elle ce clivage ?

C’est en tout cas une bonne illustration de la manière de faire de Royal, qui trouble de plus en plus les socialistes. Deux jours après la sortie d’une étude indiquant qu’une majorité de Français juge leurs élus corrompus, elle fait cette proposition, qui n’a jamais été débattue au sein du PS. Nous sommes en total désaccord avec cette pyramide de jurys populaires, de la commune jusqu’au conseil des ministres.

Vous concentrez vos attaques contre Ségolène Royal. Dominique Strauss-Kahn vous conviendrait-il mieux ?

C’est une autre ligne politique, celle de l’acclimatation en France du modèle social-démocrate de l’Europe du nord. Cela consiste, par exemple, à privilégier le contrat sur l’action de l’Etat. Ce n’est pas ce que nous pensons, pas plus que nous sommes d’accord sur les « nationalisations temporaires » : elles consisteraient à socialiser les pertes et à privatiser les profits !

Propos recueillis par Jean-Dominique MERCHET

Ven, 27/10/2006 -


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