Copenhague : La négociation accouche d’un texte sans ambition (Le Monde)

mardi 22 décembre 2009.
 

Il aura fallu deux jours de discussions intenses et directes entre vingt-sept chefs d’Etat ou de gouvernement pour parvenir à un texte au statut juridique flou, dit "Accord de Copenhague". Cette déclaration de trois pages n’était même pas, samedi 19 décembre en début de matinée, formellement adoptée par l’ensemble des participants à la conférence sur le climat de Copenhague.

Son contenu est loin d’être à la hauteur des attentes que la conférence avait soulevées : s’il affirme la nécessité de limiter le réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, le texte ne comporte aucun engagement chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se contentant de prôner la "coopération" pour atteindre un pic des émissions "aussi tôt que possible". L’accord fixe le "but de mobiliser 100 milliards de dollars par an en 2020", ce qui est lointain et ne crée aucune obligation. Quant au protocole de Kyoto, qui engage les pays signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 5 % sur la période 2008-2012 par rapport à leur niveau de 1990, il n’est mentionné qu’accessoirement et sans que soit envisagée sa prorogation au-delà de 2012.

Les quelques 120 chefs d’Etat et de gouvernement venus à Copenhague ne sont donc pas rentrés chez eux les mains totalement vides. Un échec complet a été évité et un texte de compromis a été péniblement adopté. Mais c’est un résultat sans gloire, dont personne ne pourra se vanter auprès de son opinion publique, qui épargne toute contrainte forte aux Etats-Unis et aux grands pays émergents, et qui laisse les pays pauvres presque aussi démunis qu’au début de la conférence.

PRESQUE AUCUNE OBLIGATION

Quelques points positifs ressortent cependant. D’abord, l’accord prévoit un financement à brève échéance de 30 milliards de dollars (21milliards d’euros) pour aider les pays pauvres et valide le mécanisme de lutte contre la déforestation REDD-Plus (pour Reducing Emissions from Deforestation and Degradation)

Surtout, il prévoit que les pays communiqueront "tous les deux ans" les actions de réduction des émissions qu’ils entreprennent. On peut considérer que ce point correspond à un premier pas des pays du Sud – notamment des émergents – vers une participation à un régime général de réduction des émissions, mais sur une base uniquement volontaire et sans que ces actions puissent être sujettes à une vérification internationale.

Ce principe de la vérification, souhaité par les Etats-Unis, a été combattu par la Chine, qui considère qu’il porte atteinte à sa souveraineté. Elle a obtenu gain de cause. En échange, le faible niveau des engagements des Etats-Unis n’a pas réellement discuté.

LA CONFÉRENCE "PREND NOTE" DE L’ACCORD

Le texte entérine le fait que chaque pays fera ce qu’il voudra, sans sanction ni presque aucune obligation (sinon une information tous les deux ans). Il abandonne la philosophie du protocole de Kyoto, qui posait une contrainte de réduction des émissions de gaz à effet de serre à ses participants. Négocié dans sa version finale surtout entre la Chine et les Etats-Unis, l’accord consacre la marginalisation de l’Union européenne. Mais le niveau général d’exigence est drastiquement revu à la baisse, et la concertation internationale réduite au minimum. Cet accord de Copenhague soulève aussi de nombreux problèmes juridiques. Il n’est pas signé et n’a pas caractère de traité. Citant à plusieurs reprises des mécanismes de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), il devrait respecter les règles de celle-ci, notamment une adoption à l’unanimité.

Le premier ministre danois Lars Loekke Rasmussen, président de la conférence de Copenhague, a communiqué le texte à l’assemblée, à 3 heures du matin, samedi. Mais une vive discussion a suivi : plusieurs pays ont critiqué la faiblesse du texte.

Dans la confusion, les négociations se sont achevées par une pirouette diplomatique. La conférence des Nations unies "prend note" de l’accord de Copenhague, mais ne l’entérine pas. Une liste mentionnera les pays favorables et les pays opposés à cet accord. Selon Alden Meyer, directeur de l’Union of concerned scientists cité par l’AFP, le fait de "prendre note" "donne un statut légal suffisant pour rendre l’accord opérationnel sans avoir besoin de l’approbation des parties". Cette expression permettrait de débloquer les fonds évoqués par l’accord, sans qu’il soit pour autant accepté par toutes les parties. Selon la BBC, les implications de l’accord ne sont pas encore connues.

Une décision qui complique une machinerie diplomatique déjà passablement complexe. Les chefs d’Etat et du gouvernement ont peut-être sauvé la face, mais pas le climat. Laurence Caramel et Hervé Kempf


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