Migrants climatiques, vagabonds sans statuts

vendredi 25 décembre 2009.
 

Mal prise en compte, la réalité des migrations climatiques se pose avec acuité. Elle soulève, entre autres questions, celle du statut accordé à ces nouveaux exilés.

On les compte déjà par dizaines de millions, ils pourraient quadrupler d’ici à 2050 mais ils vaquent tel un spectre dans les négociations : sans poids ni visibilité. Les migrants climatiques prendront-ils corps au sommet de Copenhague ? Rien n’est plus flou. Ils sont, pourtant, un fait inéluctable. L’Observatoire international pour les migrations (OIM) avance l’hypothèse de 200 millions de migrants environnementaux d’ici à 2050. Des études évaluent à près de 25 millions – certaines parlent même de 50 millions – le nombre d’individus d’ores et déjà chassés, chaque année, par les marées montantes, les inondations fulgurantes ou les sécheresses répétitives. L’Océanie, l’Afrique et l’Asie sont particulièrement touchées. Elles ne sont pas les seules.

Certaines côtes d’Alaska s’effritent sous le coup de tempêtes violentes et les États- Unis, balayés par des ouragans dont Katrina fut le plus mémorable, ont dû déménager des villes entières.

Toutes les situations ne sont évidemment pas comparables. Elles soulèvent toutefois de nouvelles interrogations, entre autres celle de savoir quel statut accorder aux populations déplacées. Celui de réfugiés climatiques a été avancé, qui permettrait de garantir des droits aux migrants. Mais il ne va pas sans soulever de problèmes.

Un : il nécessiterait de bouleverser le cadre établi en 1951 par la convention de Genève, laquelle réserve l’appellation de réfugié au cas précis de personne « craignant d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »

Deux : la majorité des migrations occasionnées par le climat se font des campagnes vers les villes à l’intérieur d’un même pays, relève le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). « Les migrants sont alors des citoyens à part entière, qui devraient bénéficier des droits et de la protection de leur propre pays », explique William Spintler, porte-parole de l’UNHCR. Cela implique, bien sûr, qu’ils en aient les moyens ou même la volonté.

Trois : certaines situations soulèvent des questions inédites. Jusqu’alors, un réfugié était quelqu’un susceptible de rentrer chez lui une fois la situation de son pays assainie. Que dire des populations dont les îles, par exemple, seront noyées par la mer ?

Quatre : dans un contexte généralisé de durcissement des politiques migratoires, d’aucuns redoutent qu’accorder le statut de réfugiés aux migrants climatiques ne conduise à accentuer la mise en concurrence entre l’ensemble des réfugiés. « Plusieurs pays d’Europe mais également d’Afrique sont de plus en plus tatillons à accorder le droit d’asile aux personnes légitimement amenées à le demander, argumente William Spintler. En 2008, sur 35 000 demandes d’asile, la France n’en a accordé que 8 750… »

D’autres statuts peuvent être proposés – par exemple celui d’apatride, dans le cas des retours impossibles – voire inventé, avance-t-il. « On peut réfléchir à un nouveau régime international qui intègre les personnes obligées de bouger pour cause de changements climatiques mais aussi de pauvreté extrême », quand les deux vont généralement de pair.

Enfin, rappelle-t-il, comme c’est le cas pour toutes les migrations, celles liées au climat se font et se feront principalement du sud vers le sud. Où la question du statut n’est dès lors que la part immergée de l’iceberg, quand l’essentiel du nœud réside dans la capacité matérielle des pays les plus pauvres à accueillir ces nouveaux exilés.

MARIE-NOËLLE BERTRAND


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