Profs en colère : « On est face à un mur » (3 articles)

vendredi 27 novembre 2009.
 

1) Postiers et profs manifestaient ce mardi dans les rues de Paris. Les uns contre le changement de statut de la Poste, les autres contre les suppressions de poste dans l’Education et la réforme de la formation des enseignants. Ambiance Article de Libération

Petite ambiance aujourd’hui dans la double manif qui se déroulait à Paris. D’un côté, les enseignants, soutenus par les étudiants et les lycéens, venus protester contre les 16.000 suppressions de postes en 2010 et la réforme de la formation des enseignants. Et de l’autre, les postiers, dans la rue contre la privatisation de la Poste. Les deux cortèges ont fait un bout du boulevard Montparnasse ensemble avant de reprendre leurs distances.

« Allez faut se bouger, faut les faire reculer. Venez manifester l’école est en danger », scande en cadence un groupe d’enseignants derrière leur banderole « IUFM en lutte ». Son autocollant craquelé « l’Ecole est un métier qui s’apprend » collé sur son anorak depuis des mois, une maître de conférence à l’IUFM de Créteil explique : « On est face à un mur. On a changé de ministre, mais le projet de réforme est toujours le même. Luc Chatel a débarqué avec son paquet déjà ficelé et ne nous écoute pas ! Tout le monde est contre, même les directeurs d’IUFM ou la Conférence des présidents d’université (CPU) qui ne sont pourtant pas des révolutionnaires ! »

Que prévoit cette réforme ? « Il y a plein de choses qui ne vont pas. Par exemple, les étudiants qui auront réussi leur concours se retrouveront directement devant une classe à la rentrée, sans réelle formation. C’est irresponsable », renchérit une autre, qui préfère garder l’anonymat « parce que notre combat a du mal à être compris dans l’opinion publique. »

« Une génération sacrifiée »

Les lettres IUFM marquées au feutre bleu sur les joues, Rachel, 23 ans, s’apprête à passer le concours de professeur des écoles : « On est la génération sacrifiée. Je vais passer l’ancien concours. Si je le réussis, je serai instit en septembre sans aucune formation. Mais, si je le rate, c’est pire : il faut que je me tape deux années d’étude (master 1 et 2) pour pouvoir repasser le concours puisque avec la réforme, il faut un bac +5. Super ! », lance-t-elle, avec une énorme boîte de conserve pendue autour du cou -et la baguette qui va avec- déterminée à faire du bruit.

Beaucoup ont ressorti des pancartes déjà utilisées « puisque les revendications ne changent pas ». On retrouve : « Ecole en danger » ; « L’école doit-elle payer pour le train de vie de notre monarque ? » Des ballons blancs géants : « A Vitry comme à Neuilly, un même droit à l’éducation ».

Quelques pas plus loin, un petit groupe de conseillers d’orientation, venus dénoncer les suppressions de poste : « Chez nous, c’est une embauche pour six départs à la retraite. Notre profession est en voie de disparition », lâche Nadine, « une ancienne ». Avec sa collègue Catherine, elle dénonce : le saupoudrage « quand on suit 1.200 élèves chacun, forcément... », la précarisation de la profession « avec le recours aux vacataires pour trois ou quatre mois ». Et la logique des réformes : « Les profs sont incités à orienter eux-mêmes leurs élèves. Or, il n’est pas bon que ce soit la même personne qui note et oriente. Il faut une tierce personne, un autre regard... »

Quand les profs rencontrent les postiers

15h30, le cortège des profs rejoint celui des postiers. Mais de là à dire qu’ils manifestent main dans la main... Un syndicaliste, perché sur son camion, tente au micro : « Tiens puisque je vois le cortège de l’éducation, eux aussi sont victimes de suppressions de poste. Mais nous, c’est pire : un départ sur cinq pas remplacé et un sur sept en Ile-de-France ! » Et voilà une dizaine de militants CFDT, repérables à dix mille grâce à leur gilet orange fluo, qui s’essaient au chant : « On n’est pas là pour demander la lune mais pour défendre nos emplois. Et pour crier une certitude : il en manque du pouvoir d’achat...( sur l’air du tube d’Indochine, évidemment, ndlr) Y a trop longtemps qu’on nous plume, faudrait pas qu’on attrape froid. »

On croise Roger et Jean, guichetiers à la Poste dans une agence parisienne : « On espérait une plus forte mobilisation. Avec la votation citoyenne, on était bien partis, mais là, voilà, les postiers ne se bougent pas face au rouleau compresseur en face », commence l’un. « De toute manière, à l’intérieur de la Poste, on ne se sent plus fonctionnaire... on est déjà soumis à la pression, aux sanctions disciplinaires. »

Par MARIE PIQUEMAL

2) 8000 personnes ont manifesté à Paris, les media n’en disent rien

Source : Dépêche Reuters

Pour le premier mouvement national des enseignants depuis la rentrée, le taux de grévistes a été de 31% à 40% dans le premier degré et le secondaire, selon la SNUipp-FSU et le SNES-FSU.

Le ministère de l’Education a fait état de 13,39% de professeurs grévistes dans les écoles maternelles et primaires et de 12,26% dans les collèges et lycées publics.

A La Poste, la grève a été de moindre ampleur que le 22 septembre, date à laquelle 22% à 40% des personnels avaient cessé le travail pour protester contre le changement de statut de l’entreprise publique.

Selon la direction de La Poste, la grève à l’appel des syndicats CGT, Sud, CFTC, FO et CFDT a été suivie mardi par 15,53% des personnels. La Fédération CGT des activités de postes et télécoms (Fapt) avance une estimation autour de 30%.

Des manifestations se sont en outre déroulées dans plusieurs villes de France

A Paris, quelque 8.000 personnes, selon la FSU, 2.900 selon la police, ont défilé pour la défense de l’Education nationale à l’appel de la FSU, majoritaire, de la Ferc-CGT, de Sud-Education, des organisations étudiante et lycéenne Unef et Fidl, et des collectifs "Sauvons l’université" et "Sauvons la recherche".

La manifestation des postiers a rassemblé dans la capitale 830 personnes selon la police, 3.000 selon les syndicats.

En province, les défilés ont parfois convergé. Ainsi à Nantes (Loire-Atlantique), 1.500 lycéens, enseignants et postiers ont manifesté dans le centre-ville. A Toulouse, 1.500 personnes, selon les organisateurs, 700 selon la police, ont participé au rassemblement pour l’Education nationale.

A Bordeaux, quelque 700 enseignants selon la police, 900 selon les organisateurs, ont manifesté et ont été rejoints par 200 à 300 postiers. Quelque 3.000 enseignants et lycéens, selon la police, ont défilé dans les principales villes de Normandie. "La grève n’est pas majoritaire mais en même temps, on a une base de mobilisation significative", a déclaré à la presse le secrétaire général de la FSU, qui participait au cortège parisien des personnels de l’Education.

"COUP DE SEMONCE" ?

"Je pense que c’est un peu un coup de semonce (...) et le gouvernement ferait bien de l’entendre", a dit Gérard Aschieri.

Les syndicats souhaitent "une remise à plat" de l’ensemble des dossiers : réformes du lycée et de la formation des enseignants, revalorisation des salaires et des carrières, suppression d’effectifs dans l’Education nationale.

"Système éducatif, emploi, salaires, conditions de travail, l’Ecole est asphyxiée : stop ! :", pouvait-on lire sur la banderole de tête du défilé parisien.

Le gouvernement a inscrit dans le projet de budget 2010 16.000 suppressions de postes pour la rentrée prochaine, ce qui porte à 50.000 le nombre de postes supprimés en trois ans.

Le ministre de l’Education, Luc Chatel, a exclu de revenir sur ces orientations.

A La Poste, les personnels étaient appelés à cesser le travail une nouvelle fois pour dénoncer le projet de loi transformant La Poste en société anonyme à capitaux publics en vue de l’ouverture complète du marché postal européen à la concurrence le 1er janvier 2011.

Le texte a été adopté le 9 novembre au Sénat et les députés l’examineront à partir du 15 décembre. L’opposition et les syndicats dénoncent une privatisation déguisée alors que le gouvernement assure que La Poste sera "imprivatisable". L’Etat apportera 2,7 milliards d’euros.

Le mouvement est susceptible d’être reconduit de jour en jour dans certaines régions, selon la Fapt.

"On appelle les salariés à regarder ensemble dès demain matin (mercredi), à partir de la mobilisation d’aujourd’hui et de leurs revendications, quelle forme donner à la poursuite du mouvement", a dit Alain Delecolle, porte-parole du syndicat.

Pour Olivier Besancenot, La Poste est "en danger".

Sophie Louet avec les correspondants de province, édité par Yves Clarisse

3) Toulouse Postiers et enseignants « convergent » mollement vers le Capitole

MANIFESTATION. Le mot d’ordre de la manifestation de ce mardi 24 novembre à Toulouse était « la convergence des luttes ». Disons que les enseignants et les postiers qui y appelaient n’ont pas été très nombreux à converger.

Deux cortèges distincts de l’Éducation nationale et de la Poste se sont toutefois retrouvés Place du capitole. Les enseignants étaient 1500 selon les organisateurs, 700 selon la police.

Un mouvement qui a échoué dans ses revendications l’année précédente ne redémarre pas si facilement à la rentrée suivante.

10h30. Monument aux Morts. Alain Refalo, l’une des figures du mouvement de résistance pédagogique des instituteurs arrive parmi les premiers au point de rassemblement. Malgré les 28 jours de retrait de salaires et la baisse d’échelon qui le sanctionnent, l’instituteur de Colomiers n’applique toujours les mesures imposées par le ministre de l’Éducation. « L’inspecteur d’académie le sait, dit-il. Mais pour l’instant il n’a pas réagi. »

11H00. Blouses blanches, seringues géantes : en tête du cortège qui s’engage sur la rue de Metz, les enseignantes en maternelle Christine, Françoise et Nathalie se sont déguisées en infirmières. Elles vaccinent à tour de bras contre la « grippe RGPP inoculée par le gouvernement de Sarkozy ». RGPP, comme la Révision Générale des Politiques Publiques par laquelle 8.000 postes d’enseignants sont supprimés.

Jean-François Grelier, enseignant à l’institut de formation des maîtres (UIFM) sourit malgré « l’ambiance un peu morose ». « L’an dernier, dit-il, nous avons obtenu un an de sursis sur la mise en place de la suppression de la formation des maîtres. La seule perspective, c’est de gagner encore une année. » Il y a des enthousiasmes plus mobilisateurs.

11H30. les manifestants tournent autour de la place Wilson pour donner le temps aux postiers d’arriver au Capitole. Pour Baptiste, 16 ans, Amandine, 15 ans et Jeremy, 16 ans, « le blocage ou la révolution est la seule solution contre la suppression des sanctions administratives et le flicage organisé du lycée ». Ces trois-là font partie des rares lycéens du cortège. Mais la mobilisation ne serait pas à la hauteur, jugent-ils : « Ceux qui distribuaient des tracts devant le lycée ont préférés aller en cours ».

Á 12 heures, les enseignants ont retrouvé les postiers sur la place du Capitole. Dispersion générale une demi-heure plus tard.

J-M.E


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