Le PCF tente le pari risqué de s’affranchir du PS aux régionales (article Le Monde)

mardi 1er décembre 2009.
 

La ligne

La direction du PCF, Marie-George Buffet en tête, a bataillé depuis un mois pour faire passer sa nouvelle ligne d’alliance au sein du Front de gauche (avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et la Gauche unitaire de Christian Picquet) pour les régionales de mars 2010.

Les résultats des conférences régionales communistes sont une vraie réussite :

17 fédérations régionales ont approuvé la présentation de listes autonomes avec le Front de gauche. Seules quatre fédérations – Champagne-Ardennes, Lorraine, Bourgogne et Poitou-Charentes – ont opté pour une alliance au premier tour avec les socialistes. La Bretagne, elle, a préféré renvoyer sa décision à début janvier, une fois la ligne adoptée par toutes les autres fédérations...

Le vote des militants.

Désormais, c’est aux militants de donner leur avis par une consultation qui doit se tenir les 19, 20 et 21 novembre. Et il semble acquis qu’un vote massif de la base pour une autonomie de leur parti vis-à-vis du PS amplifie ce vent d’indépendance. Les militants pourraient ainsi désavouer la consigne pro-PS de leurs cadres en Bourgogne et en Poitou-Charentes notamment.

Mme Buffet a compris qu’elle ne pourrait pas revenir à une ligne d’alliance avec le PS après l’expérience des européennes, la rencontre avec une autre culture militante – celle des amis de Jean-Luc Mélenchon – et un score qui a permis aux communistes de se prendre à rêver d’exister à nouveau. Ces élections vont marquer un véritable tournant pour le PCF : pour la première fois depuis des années, il va préférer à l’égard des socialistes un discours radical et critique à un rassemblement qui lui assurait une existence dans des régions où il n’en avait plus guère.

En 2004, les communistes étaient partis avec les socialistes dans 17 régions, et avaient ainsi obtenu 185 élus régionaux. A l’issue du vote interne, le PCF pourrait partir sans le PS avec ses amis du Front de gauche dans 19 ou 20 régions.

Le sauve-qui-peut de certains élus

Si la grosse majorité des élus adhèrent à cette ligne du Front de gauche, certains ont compris que cette nouvelle alliance ne leur assurait pas leur réélection. Dans certaines régions, le PCF n’existe que grâce à ses alliances locales avec le PS. C’est ainsi qu’il a obtenu des élus qui font vivre, grâce à leurs indemnités, des fédérations moribondes. C’est le cas notamment en Loire-Atlantique, en Bretagne, Poitou-Charentes ou en Bourgogne, où des élus ont fait savoir qu’ils ne se plieraient pas à la discipline du parti et se présenteraient sur la liste d’union du PS.

En Languedoc-Roussillon, les élus sortants, dont Jean-Claude Gayssot, ex-ministre du gouvernement de Lionel Jospin, sont même prêts à transgresser l’interdit lancé contre George Frêche. Dans un appel aux militants, ils expliquent que "pour laisser toutes les chances à la possibilité de construire une campagne dans l’union la plus large et se donner les moyens de garder la région à gauche", il faut voter pour une union dès le premier tour.

Plus de voix mais moins d’élus

Le PCF peut se retrouver dans une situation paradoxale au sortir des élections régionales : parvenir à faire, avec le Front de gauche, des scores honorables dans certaines régions – Auvergne, Languedoc Roussillon, Nord ou Ile-de-France –, comme le montrent les premiers sondages, mais sortir du scrutin avec un nombre d’élus fortement amoindri.

Les communistes doivent, en effet, partager le nombre de sièges auxquels ils peuvent prétendre avec leurs alliés du Parti de gauche ou de la Gauche unitaire, mais aussi avec les personnalités d’ouverture qu’ils cherchent à attirer. De plus, au soir du premier tour, le PS sera plus enclin à donner la part du lion aux écologistes, qui seront probablement devenus, avec des scores plus importants qu’en 2004, leur allié principal. Les pronostics internes, place du Colonel-Fabien, parient sur une centaine d’élus... "Quelle que soit la stratégie, le parti va trinquer", analyse un cadre.

Et en Ile-de-France ? Marie-George Buffet ne parvient pas à imposer son numéro 2, Pierre Laurent, comme tête de liste en Ile-de-France. Après les signaux envoyés par les élus sortants, un certain nombre de maires de la région ont fait savoir qu’ils préféraient, eux aussi, la candidature du député unitaire Patrick Braouezec. Du coup, alors que les proches de Pierre Laurent, appuyé par le patron de la fédération de Paris, Patrice Bessac, auraient souhaité faire désigner leur poulain comme tête de liste, lors de la conférence régionale les 14 et 15 novembre, Mme Buffet est intervenue pour qu’aucune décision ne soit prise.

Une "commission" est chargée, sous la houlette de Michel Laurent, frère de Pierre et responsable de la région, de trouver un compromis avant une nouvelle conférence le 14 décembre. Une nouvelle offre a été faite à M. Braouezec : qu’il prenne la tête de liste du "93", plus un poste honorifique de porte-parole de la campagne, tandis que Pierre Laurent serait tête de liste régionale. Le député de Seine-Saint-Denis a décliné. "Si la direction ne comprend pas que je suis mieux placé pour faire des voix, je me retirerai de la campagne", prévient-il.

Nombre d’élus locaux sont sur la même longueur d’onde. Un vrai casse-tête pour Mme Buffet alors que la campagne s’annonce difficile. Avec en face, d’autres listes qui auront aussi "leurs" communistes.

Sylvia Zappi


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