Fronde des maires de France à la porte de Versailles

jeudi 19 novembre 2009.
 

Alors que Nicolas Sarkozy est resté cloîtré au palais de l’Élysée, François Fillon a été copieusement sifflé quand il a confirmé la mise à mort de la taxe professionnelle, devant une salle comble de 11 000 élus de toutes tendances.

Ambiance de congrès  ? Pas vraiment. Plutôt style meeting de contestation. Record  ? Celui de la participation  : plus de 11 000 élus. Le congrès des maires de France, qui s’est ouvert hier après-midi, porte de Versailles, à Paris, a pris d’emblée des allures de protestation contre plusieurs projets de la droite sarkozyste  : la réforme des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle étaient au centre des préoccupations. Avec, en toile de fond, une tentative bien légitime de la gauche de préempter ce qu’il faut bien considérer comme de la colère traversant toutes les sensibilités des élus locaux. « Recentralisation », « régression », « dénonciation populiste des élus », « évaporation des communes et des départements »  : le vocabulaire est éloquent.

Déjà très remontés, les maires de droite ne cachaient pas leur sentiment, d’autant plus vivace que l’absence délibérée du président Sarkozy, par crainte d’un accueil houleux, laissait un goût d’abandon et d’incompréhension chez des élus de proximité dont la mission quotidienne est tout sauf facile. La petite phrase de la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, dans un entretien, dimanche dernier, aura laissé des traces  : elle avait déclaré que le gouvernement « n’a pas à organiser les féodalités ». Aussi le PS et les maires de gauche n’avaient pas, hier, passé leur tour  : Martine Aubry, Laurent Fabius, André Laignel et Élisabeth Guigou, notamment, ont distribué à l’entrée un autocollant représentant une cocarde tricolore avec l’inscription « Territoires en danger ». Chaque élu étant invité à le porter sur leur veste lors de l’intervention très attendue du premier ministre, François Fillon, auquel il revenait, in fine, d’apporter la parole de l’exécutif. Le plus étonnant étant que les maires faisaient la queue pour obtenir ce signe distinctif de leur colère, bien au-delà des rangs des élus socialistes.

Visiblement, des majorités d’opposition ont pris forme, hier, à Paris. Très applaudi, le discours du secrétaire général de l’Association des maires, André Laignel, scandant sa démonstration critique d’un « si vous pensez comme moi, alors il faut que le congrès le dise ». Une pétition demandant le retrait du projet de réforme territoriale avait recueilli plusieurs milliers de signatures dès le début de l’après-midi. Certes, les raisons de la colère se recoupent mais ne sont pas identiques. À droite, on ne se satisfait surtout pas de passer pour être à l’origine de l’augmentation des dépenses publiques quand la plupart des élus partagent idéologiquement la réduction des services publics au niveau national. Cette thèse accusatrice lancée par l’Élysée pour stigmatiser les « comportements conservateurs » des élus ne passe donc pas, au point que Patrick Devedjian, ministre de la Relance, a été contraint de préciser, au début des travaux du congrès, que les élus locaux ont eu « une attitude très civique au cœur de la crise », Jean-François Copé, patron des députés UMP, ayant nuancé l’attaque élyséenne  : « Tout n’est pas de la faute des maires. »

Président de l’association des maires, Jacques Pélissard (droite), a, de son côté, avoué que « ce congrès doit permettre que les choses changent ». Dans son intervention, il a refusé « une vassalisation » des collectivités locales et dénoncé « un double langage de l’État ». Reste que la gauche avait beau jeu  : elle a donc enfoncé le clou. Laurent Fabius a souligné que la suppression de la taxe professionnelle allait conduire « à une augmentation de plus de 30 % des impôts locaux pesant sur les ménages », puisque, a-t-il fait valoir, les communes ne peuvent se déclarer en faillite, leur budget devant être obligatoirement équilibré entrer les dépenses et les recettes.

Copieusement sifflé, le premier ministre, François Fillon, a aussi plusieurs fois dû interrompre son discours face aux réactions de la salle. Pour l’essentiel, il a tenté d’apaiser les craintes. En particulier en annonçant quelques mesures fiscales pour l’année 2010. Sans rien dire cependant de leur pérennité pour les années suivantes. Plus généralement, il a souhaité prendre de la hauteur « pour donner le sens des réformes ». Pas de surprises  : il a parlé « d’assainissement des comptes publics ». François Fillon a aussi donné le sens de la suppression de la taxe professionnelle  : faire de nouveaux cadeaux aux entreprises, en particulier les plus riches. Motif  : « Les entreprises en France n’investissent pas assez. »

Dominique Bègles


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message