LUTTER POUR L’ÉMANCIPATION !! (Manifeste de la LCR)

lundi 19 mars 2007.
 

Notre combat est celui de toutes celles et tous ceux qui souffrent de l’exploitation capitaliste et des diverses formes d’oppression. Il vise à en finir avec le capitalisme et l’ordre bourgeois. Cette exigence peut paraître utopique, après les défaites et les désillusions subies au cours du siècle passé, la monstruosité totalitaire qu’a représenté le stalinisme, perversion du socialisme. Mais le capitalisme est toujours là et n’a pas résolu ses contradictions. Plus que jamais, la socialisation mondialisée de la production et des échanges, les progrès scientifiques et techniques se heurtent à l’anarchie des marchés, de l’appropriation privée des richesses, au parasitisme de la finance. Tout semble indiquer que le capitalisme n’est pas plus aujourd’hui que dans le passé capable de maîtriser un développement socialement juste et écologiquement soutenable.

Quelles sont les forces sociales aptes à porter une alternative ?

Comment favoriser leur convergence ?

La force sociale du prolétariat : faire tourner toute la société

Être prolétaire, c’est être contraint de vendre sa force de travail. Le prolétariat a progressé à un rythme dépassant tout ce qui avait été imaginé par les pionniers du marxisme. Bas niveau de salaire, conditions de travail, précarisation, chômage, c’est le lot commun de la grande majorité des salariés.

En même temps, des processus profonds émiettent cette immense force sociale. Ecart entre les conditions de vie des couches supérieures et inférieures du prolétariat, effets du chômage de masse et de la précarisation de la condition salariale, qui accentuent au sein du prolétariat une concurrence voulue et organisée d’en haut.

Mais il faut aussi prendre la mesure de l’expérience historique accumulée, des traditions de confrontation politique démocratique, de la montée générale du niveau d’éducation au cours du dernier demi-siècle dans toutes les catégories de la société et, d’une manière spectaculaire, dans les catégories les plus exploitées, ouvriers et employés.

D’une part, le renouvellement et l’accentuation des contrastes au sein du prolétariat, et de l’autre le rapprochement des conditions de vie, d’éducation et de travail. D’un côté, les déchirures de la société dans un individualisme non solidaire, l’emprise accrue du règne de la marchandise, de l’autre la croissance numérique du prolétariat comme de son potentiel démocratique. La question centrale devient celle de la convergence des combats au sein du prolétariat lui-même, de son organisation, de sa capacité à prendre en main la direction de ses organisations, son propre destin et celui de toute la société.

Pluralité des dominations

La classe prolétarienne est constituée de groupes déterminés à des titres divers par leur genre sexuel, leur nationalité, les données régionales, les religions, les cultures…

Le rapport d’exploitation n’épuise pas les oppressions à combattre, ni ne les résume. L’émancipation humaine est un combat multiforme à long terme. C’est ce qui rend indispensable l’autonomie de chaque mouvement social, mais aussi la recherche de leur solidarité contre les diverses oppressions. La solidarité, telle qu’elle se retrouve par exemple dans les forums altermondialistes, se renforce aussi en réponse à la pénétration de la logique du capital dans tous les pores de la société. Au-delà, chaque individu a une multiplicité d’appartenances, qui peuvent varier selon les moments de la vie et les choix proposés. Nous nous battons pour que chacune et chacun puisse vivre la vie qui lui paraît souhaitable, dans le respect du droit des autres à en faire autant. Nous cherchons à agir à la fois au plan collectif des inégalités sociales et sur celui des besoins d’émancipation de l’individu. Loin de s’opposer à l’émancipation collective, l’émancipation individuelle relève du même combat dans sa diversité

La force émancipatrice de la jeunesse

La jeunesse a ses propres divisions internes. Mais elle est aussi, collectivement, la cible principale de l’offensive sécuritaire, raciste, sexiste, moraliste et religieuse. Massivement scolarisée dans l’enseignement secondaire et maintenant aussi dans l’enseignement supérieur, elle est aussi massivement précarisée, très souvent salariée pendant les études.

Si bien que ses mobilisations sont de plus en plus nettement celles de « précaires en formation », se rapprochant de celles des salariés. C’est dans la jeunesse que l’on trouve le plus d’envies et d’espoirs d’inventer le monde nouveau et solidaire où chacune et chacun pourrait s’accomplir. Libre des échecs du passé, elle est la plus apte à inventer des pratiques sociales émancipatrices s’opposant à la marchandisation du monde.

Pour une alternative féministe

La moitié de l’humanité, les femmes, vit une situation d’oppression qui se combine, sous des formes diverses, à d’autres facteurs de discrimination  : la classe sociale, la nationalité, l’origine culturelle, l’âge, etc.

Les oppressions de genre et de classe notamment se renforcent l’une l’autre. Leur imbrication est telle qu’il est difficile d’envisager qu’on puisse s’attaquer à l’une sans s’attaquer à l’autre. Rien ne peut remplacer donc le combat féministe.

Nous ne privilégions aucun modèle familial par rapport à un autre, à condition que soit respectée l’égalité entre les hommes et les femmes et que soient proscrits tous les rapports de violence entre adultes et enfants ou entre adultes. Nous sommes favorables à des mesures législatives qui instaurent l’égalité entre hétérosexuels et homosexuels.

C’est pourquoi les couples homosexuels doivent pouvoir se marier et adopter un enfant, s’ils le désirent.

Avec le désengagement de l’Etat, les inégalités se sont renforcées entre hommes et femmes et également entre femmes. Elles représentent 80 % des travailleurs pauvres en raison du temps partiel imposé ; à travail égal, elles sont toujours moins payées que les hommes et peu nombreuses dans les postes de responsabilités. Par ailleurs quelles que soient les évolutions de la législation, partout dans le monde, les femmes accomplissent un surtravail non rémunéré. En France, elles fournissent 80 % du travail domestique.

Les femmes étrangères sont encore plus pénalisées du fait de codes de statut personnel qui s’appliquent en France dans le cadre d’accords bilatéraux, ou encore du fait des règles du regroupement familial qui les rendent dépendantes économiquement et juridiquement de leur conjoint. Partout dans le monde, les femmes subissent de terribles violences aussi bien dans leur famille que sur leur lieu de travail ou dans la rue. Ces violences existent dans tous les milieux sociaux, elle n’ont rien à voir avec un « coup de folie », et sont l’expression, non de désirs « irrépressibles  », mais d’une volonté de contrôler la vie de l’autre : l’autre (la femme) n’étant pas assimilé à un être libre, libre de ses désirs, de ses mouvements.

Le contexte international est propice à de nouveaux courants idéologiques foncièrement réactionnaires, comme les courants religieux intégristes ou fondamentalistes, qui veulent limiter l’activité des femmes à la procréation et à la sphère familiale, ou des courants néo-libéraux, pour qui tout s’achète et tout se vend. Lutter contre les tabous concernant la sexualité ne peut être assimilé à l’extension du domaine marchand à toutes les activités humaines. A l’inverse, se battre pour le respect de la dignité humaine et contre la prostitution n’implique en rien la nécessité de restaurer les tabous sur la sexualité et l’assignation prioritaire des femmes à la sphère familiale.

Aucune transformation radicale de la société ne pourra voir le jour sans une lutte consciente pour affirmer le droit des femmes à disposer de leur corps – avortement, contraception – et pour remettre en cause les fondements mêmes de la domination masculine : la division sociale et sexuée des tâches entre femmes et hommes, dans toutes les sphères de la société, ou les normes qui façonnent nos relations interpersonnelles. Cela doit s’appuyer sur un mouvement autonome de femmes.

Pour le libre choix de son identité sexuelle

Au libre choix de l’orientation sexuelle, à la liberté de pratique et de relation, il faut ajouter le libre choix de son identité jusqu’au transsexualisme.

Nous refusons la vision restrictive de la sexualité humaine défendue par la morale bourgeoise oppressive. Pour s’y opposer, doit être assurée aux lesbiennes, gay, bisexuel(le)s, transsexuel(le)s la possibilité d’accéder sans restriction au droit organisant la famille, l’état civil, la parentalité, l’héritage, que ce soit pour les couples établis ou les personnes seules. Doivent aussi leur être reconnus le droit à la protection par l’Etat, la garantie de protections légales contre les actes homophobes, contre les propos attentatoires à la dignité, et les diverses formes de discrimination et de stigmatisation, ainsi que le droit d’asile politique pour les personnes LGBT persécutées dans leurs pays d’origine.

Défense de la laïcité

Nous défendons la liberté de culte et d’expression religieuse, au plan privé comme au plan public, comme droit démocratique. Parallèlement, cela conduit au refus de toute ingérence ou influence des religions dans la sphère des institutions publiques et dans leurs choix politiques.

La séparation des Églises et des États en est la condition indispensable, ce qui doit se traduire dans le cas de l’école par l’instauration d’un service public unique et laïc, au lieu que l’État finance sur fonds publics un système privé. Cela ne signifie aucunement que nous sacrifiions au mythe de la neutralité de l’État, et en particulier à celle de son école qui demeure l’enjeu permanent d’une lutte politique et idéologique entre forces antagonistes. La laïcité n’élimine pas cette lutte. Mais elle en éloigne l’influence directe des institutions et références religieuses, ce qui constitue un acquis démocratique fondamental. C’est ainsi qu’au niveau scolaire tout en protégeant la liberté de conscience des élèves doivent être garantis sur tout le territoire la laïcité des locaux et des personnels, celles des contenus du programme des études, comme doit être vérifiée l’obligation du suivi des enseignements correspondants. sonnes seules. Doivent aussi leur être reconnus le droit à la protection par l’Etat, la garantie de protections légales contre les actes homophobes, contre les propos attentatoires à la dignité, et les diverses formes de discrimination et de stigmatisation, ainsi que le droit d’asile politique pour les personnes LGBT persécutées dans leurs pays d’origine.

Contre les dérives sécuritaires

Depuis des décennies, l’obsession sécuritaire gagne du terrain. Justice, police et système carcéral sont le symbole de l’État pénal qui prend le pas peu à peu sur ses fonctions sociales. C’est que l’objectif des réformes sécuritaires n’est pas là. Il se situe principalement à deux niveaux :

* Contenir et contrôler une poche de chômeurs et de précaires, nécessaire au capitalisme pour faire baisser le coût du travail et déréglementer les droits acquis des salariés. C’est pourquoi la pénalisation de la contestation sociale gagne du terrain.

* Détourner l’attention de la population de la véritable insécurité, sociale, et de ses causes, en construisant un discours sur « l’insécurité » et en alimentant les peurs qui vont se transformer en rejet de celles et ceux qui sont différents. A la montée des violences dans certains quartiers laissés à l’abandon, qui frappent les plus pauvres, et à celle de l’insécurité sociale, on prétend répondre par plus de répression, ce qui n’a jamais résolu les problèmes ou même conduit à améliorer la situation.

Combattre les dérives fascisantes

Le FN et les partis comparables ne sont pas des partis comme les autres, mais un danger mortel pour la démocratie, comme pour le mouvement ouvrier et populaire. La dégradation des conditions d’existence de la majorité de la population, la persistance du chômage de masse, les réponses populistes et sécuritaires des classes dominantes, la crise de la démocratie dominée et censurée par les intérêts de ces dernières, lui créent un terrain favorable.

Contre cette menace, fidèles à notre tradition, nous sommes et nous serons en première ligne. Dans l’unité sans préalable ni condition de toutes les forces de gauche et démocratiques, sans céder un pouce au racisme, à la xénophobie, à la démagogie sécuritaire, à l’idéologie antiféministe et homophobe. En le réaffirmant avec force : face au danger fasciste, la seule barrière efficace, c’est une autre politique, antilibérale et anticapitaliste, l’intervention directe des classes populaires pour défendre leurs droits sociaux et démocratiques.

Pluralité et unité du combat anticapitaliste

Le capitalisme est plus qu’un rapport économique, il tend à modeler l’ensemble des rapports sociaux. Le rapport d’exploitation pénètre progressivement tous les aspects de la vie, imposant la marchandisation de toutes les activités humaines. Avec pour moteur la production sans fin du profit et la mise en valeur du capital, il englobe désormais la planète entière. En retour, son extension rend possible l’unification des luttes des exploité-es et des opprimé-e-s.

Dans leurs luttes, les mouvements sociaux sont souvent confrontés à des lois conçues contre eux, puisqu’elles sont faites pour défendre la propriété privée. Ils doivent alors avancer sur deux plans : en n’hésitant pas à utiliser les lois qui résultent des rapports de forces favorables dans le passé, et en agissant pour l’amélioration de la législation. Ensuite, en choisissant les formes de lutte les mieux adaptées à leur objet, c’est-à-dire celles qui rendent les revendications légitimes et populaires, sans hésiter à sortir du cadre étriqué de la légalité pour obtenir satisfaction.

Le but de la lutte révolutionnaire, c’est de permettre la prise du pouvoir par les travailleurs associés, et pour cela de développer une démocratie maximale. L’émancipation est donc l’affaire de celles et ceux qui luttent pour s’émanciper, ou elle n’est pas. Cela a des conséquences dès maintenant, sur notre manière d’aborder le combat politique, qui détermine le type de société que nous voulons bâtir. Quand on lutte pour une société de liberté collective et individuelle, pour le pouvoir auto-organisé des travailleuses et des travailleurs, l’indépendance des syndicats et des organisations du mouvement social est une question de principe. Indépendance vis-à-vis de l’État, mais aussi indépendance organisationnelle vis-à-vis des partis politiques, y compris de ceux qui luttent pour les mêmes objectifs d’émancipation.

Mouvements sociaux et perspectives révolutionnaires

La vague altermondialiste peut nourrir l’espoir que le mouvement social serait à même, par son seul développement, de rendre possible un changement de société en faisant l’économie d’affrontements qui mettraient en jeu le pouvoir d’État.

Tout mouvement social est pourtant confronté à la question des dominations qui traversent la société et des rapports de pouvoir qui les organisent, en particulier au pouvoir d’État qui articule ces différentes relations. Pour cette raison, le développement cumulatif d’une multitude de mouvements, même collaborant les uns avec les autres, ne suffirait pas à briser ou à « dissoudre » petit à petit les mécanismes oppresseurs du capitalisme. Ces derniers sont aptes à gérer ces mises en cause, par l’absorption et la dénaturation du potentiel de contestation, par l’isolement, ou par la répression, tant que les organes vitaux de la machinerie étatique n’ont pas été paralysés. Non, prendre le pouvoir « en haut » ne suffit pas ; oui, le pouvoir démocratique doit se diffuser et combiner le « haut » et le « bas ». Mais on ne peut pas esquiver la question en se contentant d’assiéger le pouvoir central. L’affrontement est inévitable, il faut s’y préparer.


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