L’abolition du travail des enfants serait rentable

samedi 19 janvier 2008.
 

Un enfant sur six dans le monde travaille, au détriment de sa scolarisation et – pour la plupart d’entre eux – au péril de leur santé. Parmi les 246 millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans concernés, 179 millions sont en effet exposés aux pires formes de travail, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). « La grande majorité de ces enfants aident leurs parents aux champs. Leur journée de labeur excède souvent les 12 heures et leur tâche peut s’avérer dangereuse avec l’emploi de certains outils ou en manipulant des pesticides. Les autres enfants exposés au pires formes de travail sont employés sur des chantiers ou dans des mines. Ceux qui se prostituent ou dont on a vendu la force de travail pour rembourser une dette sont environ 10 millions à travers le monde », détaille Frank Hagemann, analyste politique pour le Programme international pour l’abolition du travail des enfants de l’OIT.

L’organisation onusienne estime que le travail des enfants pourrait être éliminé d’ici moins de vingt ans, soit une génération. Obligation morale, l’abolition serait également très rentable. Dans un rapport présenté le mardi 3 février, l’OIT a calculé que l’élimination du travail des enfants et leur envoi à l’école généreraient à terme sept fois plus de bénéfices que de coûts pour les pays en voie de développement.

« Aucun secteur économique repose sur le travail infantile », assure M. Hagemann. « L’attention publique se focalise sur les enfants qui produisent des vêtements, des baskets ou d’autres articles de sport. Mais il s’agit d’une minorité. » L’analyste pense que ces petites mains pourraient facilement être remplacées par des employés adultes.

MEILLEURS SALAIRES

« Eliminer le travail des enfants apportera un énorme retour sur investissement », a déclaré Juan Samovia, le directeur de l’OIT. Comment ? Les bénéfices seraient d’abord réalisés dans le domaine de la santé avec une diminution des maladies et des accidents de travail. A plus long terme, l’OIT prévoit que l’augmentation du taux de scolarisation entraînera une hausse des futurs salaires.

« Pendant longtemps, nous avons utilisé des arguments moraux et juridiques. De nombreux pays ont ratifié les deux conventions de l’OIT fixant à 12 ans l’âge d’admission à tout type de travail et interdisant les formes de travail les plus dangereuses aux enfants de moins de 18 ans. Ces Etats nous ont demandé de réfléchir sur la faisabilité de l’élimination de l’exploitation infantile », explique M. Hagemann.

D’où cette étude « très froide », la première du genre. Pour l’OIT, il s’agit également de dégonfler l’argument selon laquelle l’abolition du travail des enfants nuirait à leurs familles en les privant d’un revenu d’appoint vital. L’étude a donc estimé la valeur économique du travail des enfants pour mieux évaluer le coût de son élimination. Même si, reconnaissent les chercheurs, les enfants sont souvent sous-payés voire pas du tout. Pour ne pas pénaliser ceux qu’elle veut aider, l’OIT préconise un soutien aux familles les plus pauvres afin qu’elles envoient leurs enfants à l’école.

Certains pays ont déjà instauré de tels programmes. En décembre 2001, plus de 8 millions d’enfants brésiliens bénéficiaient d’une aide financière de l’Etat. Vu son succès, « Bolsa Escola » a créé des émules, notamment au Mexique. Au Bangladesh, le gouvernement offre une aide alimentaire conditionnée à la présence des enfants sur les bancs d’école. En 2000, le programme couvrait presque 18 000 établissements primaires et profitait à 2 millions de ménages.

Pour réaliser l’objectif d’abolir le travail infantile d’ici 2020, les Etats du Sud doivent investir dans l’éducation : 493 milliards de dollars en moins de vingt ans. « Le coût annuel d’un programme d’élimination du travail des enfants est inférieur au service de la dette et cinq fois moindre que les dépenses militaires consenties par les pays en développement », avance M. Hagenmann. Les fonds sont disponibles. Reste la volonté politique, qui doit être d’autant plus forte que, les premières années, les coûts du programme excéderont les bénéfices. PETITE Simon

* Paru le Mardi 10 Février 2004 dans Le Courrier, un quotidien suisse d’information et d’opinion, www.lecourrier.ch . Reproduit dans Net Hebdo n° 52 - 11 février 2004 (La lettre d’information hebdomadaire d’Info Birmanie).

Mis en ligne le 4 octobre 2007


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