Régulariser des sans-papiers ? fermer les centres de rétention ? accueil des réfugiés (débat PS, Verts, PCF, NPA)

mercredi 18 novembre 2009.
 

« Il n’y a pas d’alternatives à notre politique », ne cesse de répéter Éric Besson depuis qu’il a pris les rênes du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, il y a onze mois. Les charters vers l’Afghanistan, le démantèlement de la « jungle » de Calais, la chasse aux sans-papiers et à leurs soutiens, les quotas d’expulsions ne seraient donc pas des choix idéologiques mais une nécessité. À entendre le ministre, le gouvernement serait le seul capable de mener une politique rationnelle, tandis que l’opposition se draperait dans les bons sentiments et l’émotion. « Je suis surpris de voir qu’une partie de la gauche fait mine de ne pas comprendre que l’immigration irrégulière sape les fondements du pacte républicain et du pacte social », insistait même le ministre dans Libération, le 20 octobre, alors qu’il assurait faire « la même politique que Chevènement ». La gauche est-elle vraiment « angélique » sur ce sujet, comme le prétend Éric Besson  ? D’autres politiques migratoires sont-elles possibles  ? Nous avons demandé aux responsables des questions d’immigration de quatre partis de gauche (PS, Verts, PCF et NPA) de répondre à des questions concrètes de politique migratoire. Leurs réponses prouvent qu’il existe bel et bien des alternatives à la politique actuelle et que la droite n’a pas le monopole de la raison… Le débat est lancé.

Marie Barbier

1. Faut-il régulariser tous les sans-papiers ?

PARTI SOCIALISTE. Attention, répond Sandrine Mazetier, aux « mots barbelés » comme celui de « régularisation massive ». « Quand nous avons procédé à des régularisations, elles étaient très nombreuses, mais pas massives. Disons plutôt que la non-régularisation des personnes en situation irrégulière devrait être exceptionnelle. » Le PS préconise une refonte totale du Code de l’entrée et du séjour des étrangers (Ceseda) qui crée « des stocks considérables de personnes en situation irrégulière qui n’ont pas vocation à être sans papiers ».

LES VERTS. « Oui, mais il faut arrêter de produire des sanspapiers, sinon on ne réglera pas le problème », répond Djamila Sonzogni. Le parti écologiste prône la liberté de circulation : assouplissement des visas et ouverture des frontières européennes. « On met de telles conditions qu’on enferme les étrangers en France, ils n’ont pas la liberté de repartir chez eux, poursuit Djamila Sonzogni. Si les personnes peuvent aller et venir, elles n’accepteront pas de travailler au noir et de s’installer dans la misère. »

PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS. Le PCF défend la régularisation des sans-papiers « entrés légalement sur le territoire français ». « Or, la majeure partie des personnes aujourd’hui en situation irrégulière sont entrées en France alors qu’elles étaient en situation régulière, insiste Éliane Assassi. Ce sont donc les lois, proposées notamment par ce gouvernement, qui créent des sans-papiers, comme par exemple ces enfants étrangers qui sont plongés dans une situation irrégulière le jour de leur majorité. »

NOUVEAU PARTI ANTICAPITALISTE. Le parti d’Olivier Besancenot défend la régularisation globale, sans passer par le cas par cas. « La vague de grèves actuelles montre que les sans-papiers payent des cotisations et des impôts, mais n’ont pas les droits équivalents, explique Vanina Jiudicelli. Le gouvernement et le patronat en font des boucs émissaires de la crise. Les sanspapiers sont une main-d’oeuvre corvéable à merci. » Le NPA demande aussi l’arrêt des contrôles au faciès et des expulsions.

2. Faut-il fermer les centres de rétention administrative ?

PARTI SOCIALISTE. « C’est nous qui avons créé les centres de rétention (en 1981 – NDLR), comme une alternative à la détention, rappelle Sandrine Mazetier. À l’époque, il s’agissait d’un progrès. Mais aujourd’hui, on assiste à une industrialisation inacceptable de la rétention. C’est horriblement coûteux et ça n’a aucun sens. La majorité des centres de rétention sont inutiles. »

LES VERTS. « Oui », répond Djamila Sonzogni, mais cette fermeture doit être « accompagnée d’une autre politique de l’asile, avec le retour de l’application de la Convention de Genève ». « Les conditions de rétention sont inhumaines alors que les personnes qui y sont enfermées n’ont commis aucun délit », poursuit la conseillère municipale de Mulhouse qui dénonce la présence d’enfants dans ces centres, « alors qu’aucune loi ne l’autorise ».

PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS. « À terme, il faudrait effectivement fermer les centres de rétention », répond Éliane Assassi, qui précise que « dans un monde idéal, la rétention n’existerait pas ». À plus court terme, le PCF dénonce les conditions dans lesquelles sont enfermés les retenus. « Il faut une amélioration de ces conditions, précise la sénatrice de Seine-Saint-Denis. Pour que ces centres soient un lieu d’humanité et non pas déshumanisé, comme ils le sont aujourd’hui. »

NOUVEAU PARTI ANTICAPITALISTE. « Évidemment, c’est le corollaire de la régularisation globale », répond Vanina Giudicelli, qui dénonce des « conditions de détention inadmissibles », qui rendent impossible le travail de la Cimade, la seule association qui vient actuellement en aide aux étrangers retenus. « Quand on voit que le gouvernement dépense 420 millions d’euros dans tout ce dispositif d’expulsion des sans-papiers, alors que l’aide pour les réfugiés est beaucoup plus faible, c’est tout simplement scandaleux », regrette Vanina Giudicelli.

3. Asile : quel accueil pour les réfugiés ?

PARTI SOCIALISTE. « La France est un grand pays d’asile et doit le rester, insiste Sandrine Mazetier. Or, progressivement, on s’aligne sur ce qui se fait de moins bien. » Et de rappeler que la contribution de la France au Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) est six fois moins importante que celle du Japon. « Il faut répondre à la situation de dénuement et de détresse des demandeurs d’asile, poursuit la députée de Paris. Pour l’essentiel, ces personnes, que le gouvernement assimile à des clandestins, sont persécutées et en danger. »

LES VERTS. Le Parti écologiste défend le droit à un logement et au travail pour les demandeurs d’asile durant le traitement de leur dossier. Ces demandes devraient être traitées par une instance indépendante. « Il faut aussi un assouplissement des critères, ajoute Djamila Sonzogni. Aujourd’hui, pour obtenir le statut de réfugié, il faut pratiquement un certificat signé par son tortionnaire ! Il faut aussi rappeler que les réfugiés qui viennent en Europe sont une infime partie des réfugiés dans le monde, ce sont les plus chanceux. »

PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS. Le Parti communiste défend une réforme totale de la législation française dans ce domaine. « L’asile est en danger, dénonce Éliane Assassi. Aujourd’hui, sur les quelque douze millions de réfugiés dans le monde, la France en accueille 140 000, c’est la moitié de ce que fait l’Angleterre, le quart de ce que fait l’Allemagne. La France est donc loin d’accueillir toute la misère du monde et si elle en prend une part, celle-ci reste très modeste. » Par ailleurs, la sénatrice dénonce une « instrumentalisation » de l’asile par le gouvernement, qui mélange politique d’asile et immigration.

NOUVEAU PARTI ANTICAPITALISTE. « Contrairement à ce que dit Éric Besson, la France n’est pas la première terre d’accueil, on est même loin de la moyenne internationale, dénonce Vanina Giudicelli. L’expulsion par charter, le 20 octobre dernier, de trois Afghans est extrêmement choquante : on renvoie ces réfugiés vers un pays détruit, occupé, dans une situation catastrophique. C’est inacceptable. »

4. Quelle aide au développement pour les pays du Sud ?

PARTI SOCIALISTE. Le PS préconise le versement de « contreparties payées par le Nord au Sud » : « Le développement du Nord est en partie appuyé sur la mobilité du Sud, explique Sandrine Mazetier. On devrait payer des intérêts puisqu’on emprunte des bras et des cerveaux. » Pour la secrétaire nationale socialiste, le gouvernement pratique actuellement un « chantage à l’aide au développement ». « Sur les 28 pays prioritaires pour le développement solidaire, beaucoup ont signé un accord de gestion concerté des flux migratoires. » Enfin, Sandrine Mazetier alerte sur l’illusion de penser que le développement freinerait les migrations : « Les chercheurs ont montré que l’aide aux pays du Sud ne diminue pas les mobilités. »

LES VERTS. Pour Djamila Sonzogni, « le codéveloppement, ça ne se décrète pas, ça se construit. Il faut arrêter avec les mesurettes et augmenter réellement l’aide au développement qui est en baisse constante (1 % du PIB) ». Les Verts préconisent également un changement dans les rapports Nord-Sud, notamment par le remboursement de ce qu’ils qualifient de « dette écologique » : « Avec les politiques actuelles, de plus en plus de gens ont faim, n’ont pas accès à l’eau, à la santé… Tout cela renforce l’immigration. »

PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS. Le PCF défend l’annulation de la dette des pays en voie de développement et l’augmentation de l’aide publique au développement. Par ailleurs, explique Éliane Assassi : « Il faut mettre en place de vraies coopérations qui s’attaquent à la primauté des marchés financiers sur le développement et l’emploi. Les migrations résultent d’un ordre économique injuste qui étouffe leur possibilité de développement. »

NOUVEAU PARTI ANTICAPITALISTE. « La guerre en Afghanistan nous coûte un million d’euros par jour, constate Vanina Jiudicelli. Cet argent pourrait servir à aider des populations qui subissent conflits et occupations. » Le NPA prône un système d’indemnisations des pays du Sud par les pays occidentaux : « La France est responsable de la situation catastrophique dans laquelle se trouve un certain nombre de pays, elle doit donc leur verser des indemnités conséquentes qui serviront à financer des activités locales, l’accès aux services publics, à l’eau, à la santé, etc. »

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE BARBIER


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