Parlement européen : le jour des fantômes autour de Vaclav Havel

vendredi 23 décembre 2011.
 

Le 11 novembre n’est pas férié pour le parlement européen. Et personne n’y évoque le souvenir et les leçons de l’armistice de 1918 en dépit de sa signification fondatrice pour l’idéal européen. Pour plus jamais la guerre vive la paix. Pour eux plus jamais le socialisme, vive le marché ! J’ai dit mon humeur sur le sujet, hier. En tous cas, ici, le 2 novembre a été férié, en tant que « jour des morts ». Dix jours plus tard j’ai vu arriver le jour des fantômes. J’en ai été servi à la grosse cuillère. J’ai vécu un halloween politique.

HALLOWEEN POLITIQUE

J’ai passé la journée du 11 avec une humeur de dogue. Parti de Paris dans la grisaille je suis arrivé en plein carnaval politique. Je n’ai pas supporté. Sur la place du Luxembourg, face au parlement européen, un décor ridicule met en scène une guérite de « Check point » de la période du mur de Berlin. Le pire était à venir. Il était à l’intérieur. La, dans l’hémicycle bondé pour cause d’heure de signature de la feuille de présence, « séance solennelle » selon l’ordre du jour. Pas pour dire : « maudite soit la guerre » en mémoire de la première guerre mondiale qui justifie le projet européen. Non ! Ici il y a des guerres réputées délicieuses. En Géorgie contre les russes, en Afghanistan contre on ne sait qui au juste, en Irak.

Donc, on parle de la guerre idéologique. En présence de Vaclav Havel acclamé debout, l’après midi pour les grands enfants que nous sommes est ouverte par un film de propagande à gros sabots très rustiques. Aucune phrase n’excède cinq mots pour que le ramassis d’idiots du village que nous constituons comprenne tout du premier coup. Sur l’écran on peut voir le pape et divers énergumènes de ce style danser sur le cadavre du « camp socialiste ». La salle se tait, soit stupéfaite par la bêtise du produit, soit par béatitude réactionnaire. La présence de François Mitterrand et de Helmut Kohl dans le déroulé film permet deux pauses raisonnées dans une houle de nausées qu’un cerveau normal ressent après consommation forcée de tels rogatons.

Une fois passé ce carnaval, le président Busek, un bon polonais traditionaliste, nous régale encore de ses propres souvenirs. Et surtout celui de sa joie au souvenir de ces gens « insignifiants et pauvres » qui faisaient le « v » de la victoire le jour de la chute du mur. Amis « insignifiants » en plus d’être pauvres, vous avez été compris ! Busek donne la parole à Vaclav Havel, l’ancien leader de la « révolution de velours » et ancien président de la Tchécoslovaquie. Les moins de quinze ans ne trouveront pas ce pays sur la carte. Il a depuis éclaté en deux nations dirigées par deux nationalistes réactionnaires aussi délicats qu’une paire de catcheurs. Que de merveilles nous interdisait de connaitre le rideau de fer !

LE PRINTEMPS ? C’EST LOIN DEJA

J’ai d’abord écouté Havel. J’ai de la tendresse pour lui, en souvenir de la période où je faisais des campagnes pour la « Charte 77 ». C’était un mouvement d’oppositionnels, après l’intervention soviétique, auquel appartenait Havel, parmi d’autres, dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie du « camp socialiste ». L’affaire tchèque, celle que l’on avait appelée le « printemps de Prague », avait été un immense espoir pour les jeunes de mon genre en 1968. D’un côté la révolution sociale à l’ouest, de l’autre la révolution politique à l’est. Formidable ébullition. Magique ébranlement du vieux monde !

L’avenir du monde c’était donc la révolution et le socialisme, nous n’en doutions pas. Le double échec, à l’ouest et à l’est nous détourna des communistes, les nôtres. Nous les rendions responsables de l’un et de l’autre. Mais le pire à avaler fut l’écrasement du printemps de Prague. Car vraiment là, c’était la fin d’un rêve éveillé, le socialisme plus la démocratie. J’avais suivi comme beaucoup d’autres, d’après ce qu’on pouvait en apprendre, le congrès clandestin du PC tchèque avant l’entrée des troupes du Pacte de Varsovie. J’ai lu ensuite le gros récit de cette réunion et des motions votées dans les débats avec la passion d’un observateur qui guette le retour du printemps. Bref la Tchécoslovaquie ce n’est pas rien dans la définition de mon parcours.

J’ai donc écouté Vaclav Havel. Un moment. Puis j’ai déposé mon casque de traduction quand il a expliqué que les résistants de Corée du nord, de Cuba et du Tibet méritent nos mobilisations Bla. J’ai d’abord crié depuis mon banc : « et du Honduras, non ? » A quoi bon ? Havel n’est plus Havel.

PSALMODIES

Havel aussi est devenu juste un récitant du nouveau catéchisme de cette époque. De sa lutte il ne reste que la cendre de l’anti soviétisme. Rien de la braise révolutionnaire. Par exemple, il remercie l’Otan d’avoir aidé les pays de l’est à se préparer à l’entrée dans l’union européenne. Comme ses adversaires d’autrefois remerciaient l’URSS de veiller à leur bonheur. Nombre de ces héros sont vraiment très fatigués. On leur pardonne vu les rêves qu’ils nous ont donné et leur actuel grand âge. Quant aux autres, laissons-les à leurs pauvres psalmodies.

La brosse avec laquelle ils ciraient les pompes des soviétiques leur sert à cirer celles des GI. Une vocation en quelque sorte. Comme ces sociaux démocrates polonais, ancien membres du POUP, le PC polonais, qui siégeaient dans la tendance dites « béton » de ce parti, du temps des soviétiques. Ils me saoulent et leurs comédies larmoyantes me dégoutent autant que n’importe quel autre larbinage. Le bruit des violons ne m’a finalement pas trop gêné pour la bonne discussion que j’ai préféré avoir avec mon voisin de banc, Jacky Hénin député du Pas de Calais, à propos de l’avenir de la gauche en France. Si nous arrivons chez nous à sortir de l’impasse, nous propagerons le feu de cette renaissance chez tous les autres.


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