Résolution d’orientation pour les élections régionales adoptée par le Conseil National de Gauche Unitaire

jeudi 29 octobre 2009.
 

"Gauche unitaire considère qu’il est indispensable d’aboutir à la présentation, au premier tour de ces régionales, de listes autonomes du Front de gauche, constituées avec toutes les organisations qui, ne se retrouvant pas nécessairement au sein de celui-ci, convergeraient sur le même programme visant à diriger les régions sur une politique vraiment à gauche.

Au second tour, elle affirme que l’objectif doit être clairement affiché de chercher à battre la droite et de conserver à gauche la majorité des régions, sans accord avec le Modem."

1. Les élections régionales de mars 2010 interviendront dans un contexte conférant une responsabilité de première importance aux forces qui entendent reconstruire une perspective d’émancipation pour le monde du travail.

La crise du capitalisme se poursuit et voit même s’aggraver ses effets dramatiques sur les conditions d’existence des peuples, sans que nulle part n’apparaisse un début de réponse globale et cohérente en défense des intérêts des classes populaires.

L’exaspération sociale reste majoritaire dans le pays, mais l’inexistence d’un débouché politique à la hauteur, conjuguée à l’incapacité du front syndical de proposer une réelle stratégie de convergence des luttes, interdisent toujours au mouvement populaire de trouver un nouveau souffle, après les journées du 29 janvier, du 19 mars et du 1er Mai.

Expression de la crise historique de la social-démocratie, la décomposition du Parti socialiste ne cesse de s’approfondir, sa mutation en force démocrate se caractérisant par la recherche d’alliances au centre comme par la présidentialisation de ses modes de fonctionnement que traduit la décision d’organiser des « primaires » dans le cadre de chaque élection présidentielle. Cette tendance peut demain conduire la gauche tout entière à un naufrage similaire à celui qui s’est produit en Italie.

Devant des enjeux aussi cruciaux, la question est plus que jamais posée de la reconstruction d’un projet global, d’une gauche de gauche. Une gauche de gauche qui inscrive son combat au cœur de la gauche, se tourne vers le secteurs de cette dernière en attente d’une nouvelle offre politique, récuse autant la dérive droitière ininterrompue du social-libéralisme et de l’écolo-libéralisme que la tentation de postures gauchistes et incantatoires. La crédibilité d’une telle gauche viendra du rassemblement, par-delà cultures et histoires différentes, de toutes les forces disponibles à l’affirmation commune d’une perspective crédible de rupture avec le système.

À l’occasion des élections européennes, le Front de gauche en a ouvert la perspective. Il lui appartient à présent de poursuivre sa tâche, de s’élargir et de s’enraciner, de dessiner les contours d’un programme répondant aux aspirations de la classe travailleuse, de soumettre ce dernier au plus large débat public, de porter l’ambition de conquérir une majorité au sein du monde du travail et parmi les citoyens à l’occasion des futurs rendez-vous politiques, sociaux et électoraux. Comme ont su le faire Die Linke en Allemagne ou le Bloc de gauche au Portugal.

2. Dans un tel contexte, le scrutin des régionales revêtira des dimensions nationales et locales imbriquées.

En premier lieu, il interviendra alors que la révolution néoconservatrice engagée par le pouvoir sarkozyen cherche à se concrétiser en un « big bang » institutionnel, véritable remodelage de l’État conçu pour satisfaire aux besoins du nouveau capitalisme globalisé. Cette volonté s’exprime dans la réorganisation, proposée par le président de la République, de l’architecture institutionnelle du territoire. Ce projet ne vise pas uniquement à redonner à la droite la mainmise sur les pouvoirs locaux. S’il voyait effectivement le jour, il ferait prévaloir une nouvelle conception d’un État centralisateur placé au service total des marchés et des lois de la concurrence, consacrerait du même coup une véritable rupture avec l’héritage de la démocratie communale issu de la Révolution française, détruirait les espaces d’expression de la souveraineté populaire qui demeurent à l’échelon local, éloignerait toujours davantage les citoyens des centres de décision, finirait d’insérer le maillage institutionnel du territoire français dans la conception d’une Europe constituée autour de « super-régions » compétitives.

Ensuite, cette échéance électorale sera l’occasion de dresser le bilan de trois ans de sarkozysme. Pour se dégager la route de l’élection présidentielle de 2012, Sarkozy et l’UMP ont pour objectif de reprendre à la gauche quelques régions symboliques (Ile-de-France, Paca, Pays-de-Loire, Bretagne…), ce qui permettrait de transformer ces victoires partielles en une légitimation de la politique gouvernementale. Pour le Parti socialiste, le souci sera, à l’inverse, de conserver la direction du maximum de régions, afin de préserver son statut de force principale de l’opposition à Sarkozy. Toutefois, derrière cet enjeu, se testeront tout à la fois les nouveaux rapports de force existants entre le PS et la coalition « Régions-écologie » dans le prolongement des européennes, et se vérifiera la possibilité d’une solution d’alternance intégrant le Modem en vue de 2012. Les tractations sont d’ailleurs déjà engagées en ce sens par de nombreux présidents de région, avec l’appui d’une grande partie de l’appareil socialiste.

Enfin, les élections régionales vont être l’occasion d’ouvrir le débat sur la politique qui pourrait être appliquée, dans le cadre des institutions régionales, dans l’objectif d’offrir un point d’appui aux résistances populaires et de mettre en place un bouclier social et écologiste face à la crise capitaliste, au modèle néolibéral, aux logiques du productivisme. Autrement dit, elles permettront de revenir sur le bilan de la gestion menée par les majorités constituées autour du Parti socialiste dans 20 régions sur 22 depuis 2004.

3. Pour la gauche de transformation sociale, après le premier succès du Front de gauche aux élections européennes, il s’agit donc, d’un même mouvement, de battre la droite en affirmant une vraie politique de gauche, d’apparaître comme une force capable de porter des propositions mobilisatrices de rupture antilibérales et anticapitalistes, de commencer à défendre un véritable projet alternatif et une nouvelle voie à gauche.

En ce sens, pour le rendez-vous électoral de mars prochain, il sera moins que jamais possible de dissocier démarches nationale et locales. Pour battre la droite, il faut battre sa politique, placer les régions au service du bien commun et des populations, donc refuser de s’inscrire dans des logiques de marchandisation et de soumission aux intérêts dominants. Une vraie politique de gauche dans les régions doit, par conséquent, marquer sa rupture avec les politiques sociales-libérales, lesquelles aboutissent à présent aux alliances contre-nature avec le centre.

Parce que c’est au suffrage universel de trancher entre les deux orientations qui partagent la gauche, Gauche unitaire considère qu’il est indispensable d’aboutir à la présentation, au premier tour de ces régionales, de listes autonomes du Front de gauche, constituées avec toutes les organisations qui, ne se retrouvant pas nécessairement au sein de celui-ci, convergeraient sur le même programme visant à diriger les régions sur une politique vraiment à gauche.

Au second tour, elle affirme que l’objectif doit être clairement affiché de chercher à battre la droite et de conserver à gauche la majorité des régions, sans accord avec le Modem. Les listes autonomes du premier tour devront dès lors rechercher leur fusion avec les autres listes de gauche. Ces fusions auront pour base le respect de l’indépendance politique des unes et des autres, elles devront s’opérer sur la base des résultats respectifs de chacune au premier tour.

4. Pour aboutir à un accord solide sur la perspective de listes autonomes de premier tour, il importe que soient réunies quatre conditions, et quatre conditions seulement :

* un cadre politique permettant la présentation desdites listes, sur une orientation de rupture avec le libéralisme, dans une majorité de régions ;

* un programme exprimant cette volonté, à partir des mesures d’urgence sociales, démocratiques et écologiques qu’appelle la gravité de la situation présente ;

* une convergence vérifiée sur l’ambition que devraient porter les listes communes, celle de vouloir bouleverser le rapport des forces à gauche, de pouvoir réunir des majorités populaires à partir de leurs propositions et de se porter ainsi candidates à la tête des régions ;

* une volonté commune, exprimée sans ambiguïté, de battre la droite au second tour, grâce à des fusions entre listes de gauche, respectant l’indépendance des choix que chacune aura exprimés au premier tour.

Au stade actuel, il apparaît possible de déboucher sur un tel accord. Grâce à la dynamique initiée par le Front de gauche, l’ensemble des composantes de la gauche de gauche ont aujourd’hui accepté de se retrouver autour de la même table de discussion. Le Parti de Gauche vient de réaffirmer sa position pour des listes de l’autre gauche au 1er tour des élections régionales. Au sein du Parti communiste, la volonté de prolonger la démarche d’unité et d’indépendance expérimentée lors des élections européennes s’affirme fortement, « l’offre politique nationale » sortie du conseil national des 24 et 25 octobre permettant la présentation de listes autonomes aux élections régionales. Les différents secteurs de la gauche alternative semblent cette fois décidés à s’inscrire dans une démarche de rassemblement. Il faut se féliciter du retour du NPA dans le processus unitaire. Il est aujourd’hui à la croisée des chemins : soit il tire les leçons de son échec du 7 juin, due à sa posture politique consistant à se proclamer comme seule réponse possible, et il s’inscrit dans la recherche d’un accord allant des trois composantes du Front de Gauche à la gauche alternative ; soit il décide de faire cavalier seul et il prendra la lourde responsabilité de s’écarter d’une tentative unitaire qui peut parfaitement aboutir.

Gauche unitaire fera tout ce qui dépend d’elle afin que le processus engagé trouve un aboutissement positif, que se réalise le rassemblement le plus large de la gauche de transformation. Elle agira notamment pour que le Front de gauche, qui se trouve désormais doté d’un comité de liaison permanent et de structures d’élaboration communes à ses trois composantes, agisse en ce sens et prenne les initiatives appropriées afin que s’affirme une offre politique claire et attractive.

5. Un débat est ouvert, au sein de la gauche de gauche, à propos de la participation aux exécutifs des régions avec le Parti socialiste et Régions écologie. Ce débat a sa légitimité. Il n’en fait pas moins l’objet, depuis longtemps, d’échanges multiples. Il ne saurait, pour cette raison, constituer un préalable conditionnant la formation de listes unitaires de premier tour.

Dans cette discussion, Gauche unitaire entend apporter son propre point de vue. Des listes autonomes de premier tour devront impérativement s’identifier par leur vocation majoritaire. Ce qui signifie qu’elles ne se présentent pas pour témoigner de la nécessité de changements radicaux, mais pour mettre en œuvre de tels changements, donc qu’elle se montrent candidates à la direction des régions à partir de leur politique. Si les électeurs et les électrices les portent en tête de la gauche, elles devront alors proposer aux autres listes de gauche, pour le second tour, de constituer avec elles des majorités réellement ancrées à gauche, pour mettre en application leur programme. Dans les autres cas de figure, dans l’objectif de mettre la droite en échec, elles devront rechercher une fusion avec les autres listes de gauche, dans le cadre de la démarche évoquée précédemment. La décision de participer à la direction d’une région ne saurait se trancher a priori. Dès lors que les listes autonomes auront affiché leur souhait d’aboutir à des majorités sur un programme répondant à l’urgence sociale et écologique, il conviendra d’apprécier si les conditions de leur participation à la direction des régions sont effectivement réunies, sous le double aspect des rapports de force et du contenu de la politique qui sera mise en œuvre.

Dans tous les cas de figure, Gauche unitaire insistera sur le fait que les élus des listes autonomes devront conserver leur liberté d’appréciation et de vote sur toutes les mesures proposées au débat des assemblées régionales.

6. Dans un certain nombre de régions, il apparaît possible que l’accord ne se réalise pas sur des listes de rassemblement antilibérales et anticapitalistes, regroupant l’ensemble des composantes concernées. Ce sera ainsi le cas là où le PCF aura majoritairement décidé de s’allier au Parti socialiste au premier tour. Mais d’autres cas de figure sont également possibles. Dans ces situations, Gauche unitaire s’affirme favorable à la présentation de listes regroupant le plus grand nombre possible de forces et militants disponibles. Cela dit, le cadre politique de son action ne saurait varier d’une région à une autre. Elle militera, en conséquence, pour que les listes de premier tour auxquelles elle participera se dotent d’un profil rigoureusement identique à celles qui rassembleront plus largement dans d’autres régions : défense d’une orientation de rupture avec le libéralisme et les gestions sociales-libérales ; programme de mesures d’urgence sociales, démocratiques et écologiques mettant les régions au service du bien commun ; convergence vérifiée sur une ambition majoritaire permettant de faire acte de candidature à la tête des régions ; volonté commune de battre la droite au second tour, grâce à des fusions entre listes de gauche, respectant l’indépendance des choix exprimés au premier tour.

Texte adopté à l’unanimité du Conseil National le 25 octobre 2009

Il sera soumis aux militantes et militants de GU pour la conférence nationale des 14 et 15 novembre 2009


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message