SOS langues en péril

vendredi 23 octobre 2009.
 

Sur environ 6 000 langues parlées aujourd’hui dans le monde, 3 000 sont en péril. A l’occasion de la 2e Journée internationale de la langue maternelle, l’Unesco a annoncé la création prochaine d’un système de surveillance. Et publié une nouvelle édition de son Atlas des langues du monde en voie de disparition (1) qui apporte des précisions et confirme la tendance (Libération des 8 et 9 avril 2000).

Les linguistes considèrent qu’une langue est menacée lorsque plus de 30 % des enfants d’une communauté ont cessé de l’apprendre. Selon Claude Hagège, auteur de Halte à la mort des langues, vingt- cinq dialectes environ disparaissent chaque année : « On assiste en réalité à une sorte de lutte pour la vie entre la langue ancestrale et celle qui permet de s’insérer économiquement. L’abandon d’une langue est toujours la résultante d’une semblable situation d’affrontement entre langue dominée et langue dominante, d’une sélection naturelle de type néodarwinien. Et si cette métaphore vitaliste est justifiée, c’est parce que les langues sont aussi des espèces vivantes. » (2) L’atlas publié par l’Unesco illustre ces propos.

La région Pacifique, du Japon à l’Australie, en passant par la Papouasie - Nouvelle-Guinée, renferme le tiers du total mondial : à Taiwan, sur 23 langues locales, 14 ne résistent pas à la pression du chinois. En Nouvelle-Calédonie, c’est le français qui exerce une influence dévastatrice : sur 60 000 habitants autochtones, 40 000 ont oublié leur langue maternelle. En Afrique, continent beaucoup plus mal connu de ce point de vue, les autorités favorisent les gran-des langues africaines comme le swahili (à l’est) ou même les lan-gues coloniales. En Amérique du Nord, les langues inuits apparaissent comme les plus fragiles tandis qu’en Amérique du Sud la diversité linguistique est déjà pauvre. En revanche, elle est riche dans le sous-continent indien, grâce aux politiques de bilinguisme ou de multilinguisme mises en oeuvre.

L’Europe compte une cinquantaine de langues en péril, la plupart en Sibérie. En France, quatorze sont estampillées « sérieusement en danger » : le picard, le breton, le poitevin-saintongeais, le provençal, le basque, etc.

A la fin de l’atlas, une série de cartes permet de visualiser tous les points chauds de la planète. Parmi les raisons évoquées pour expliquer les disparitions : le déplacement de certaines communautés, le contact avec une culture plus agressive, les politiques de certains gouvernements qui interdisent ou découragent l’emploi des langues locales.

« Quand une langue meurt, c’est toute la vision du monde recelée par son lexique qui disparaît. Qu’est ce qui est digne d’être appelé, d’être nommé ? », demandait Claude Hagège.

Comme les points chauds de la biodiversité, où espèces végétales et animales sont menacées, les langues surveillées feront désormais l’objet d’opérations internationales de préservation.

BRIET Sylvie

(1) Atlas of the World’s Languages in Danger of Disappearing, dirigé par Stephen Wurm, linguiste australien d’origine hongroise, récemment décédé. Editions Unesco. L’édition de 1996 est disponible en français. Celle de 2002 n’est disponible qu’en anglais.

(2) Le Nouvel Observateur, 7/12/2000.


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