À quand l’examen des dents avant l’embauche ? (par Gérard Filoche)

vendredi 23 octobre 2009.
 

Ce ne sont pas des maquignons du privé, c’est bel et bien une direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, d’Indre et Loire, une institution de la République, placée aujourd’hui sous les ordres de Darcos, qui organise une course à pied de chômeurs de 10 kms pour que ceux-ci se « distinguent » auprès des employeurs.

La directrice Sylvie Siffermann, organisatrice de ces « Foulées » (sic) cherchait « des trucs et des astuces » pour plaire au Medef local. Elle a trouvé : « pour une compétition sportive, on utilise les mêmes moteurs et les mêmes leviers que pour une recherche d’emploi ». Exactement comme les marathons organisés aux Etats-unis pendant la grande crise économique et les concours de danse à l’épuisement (« On achève bien les chevaux ») : quand on veut bosser, il faut être prêt à tout. Tant pis pour les fragiles du cœur, les gros, les trop âgés, les handicapés, c’est la discrimination par la forme. Réformez les mauvaises bêtes et ne faites pas la mauvaise tête, rien ne sert d’avoir un diplôme, une qualification, courez !

Ayez de bonnes jambes et surtout, en courant, séduisez votre patron. Car des patrons sont censés faire ces 10 kms avec les inscrits du Pôle emploi : « l’idée repose sur le mélange des chercheurs d’emploi et des différents acteurs qu’ils côtoient au quotidien ». Pourquoi ? Pour les repérer ? Pour vérifier qui grimace ou qui sourit à dents blanches à mi-parcours ? Pour être sûr qu’ils iront jusqu’au bout et accepteront ensuite les heures supplémentaires sans broncher ? Le premier sera ingénieur et le dernier balayeur ? En cas de foulée trop lente, ce sera un CDD. Si le pas est allègre, un CDI.

Sylvie Siffermann mérite un podium en or : « pour préparer une compétition sportive, on utilise les mêmes leviers que pour une recherche d’emploi ». Y’aurait plus, paraît-il, de hiérarchie dans cette course entre chômeur et employeur, tous de la même humeur. L’idée n’est pas de courir le plus vite, on pourra même s’arrêter avant la fin… Essayez donc et le job vous passera sous le nez. Car enfin, oui, ce sera à qui coure gagne : se levez tôt le matin, s’entraîner dur, souffrir, baver, souffler, cracher, et à défaut de gloire, vous aurez du pognon, enfin, pas beaucoup parce que si vous en passez par là, vous êtes tout juste digne du Smic. Un job, ça se mérite : vous partirez à cent, il y en aura dix de pris… Les autres n’auront pas été assez motivés. Chômeurs coureurs, appliquez ce système à la façon José Garcia dans « Le couperet » [1] : faites des croche-pieds, intoxiquez vos concurrents, arrangez-vous pour les éliminer physiquement avant la course, ça démontrera encore plus votre soif de gagner, votre rage d’être compétitif, là vous serez insérés dans le monde néo-libéral. Tout chômeur doit montrer sa bonne volonté et accepter des offres « raisonnables », même à 200 kms de chez lui, même en dessous de sa qualification, même en dessous de son salaire, ce sont les nouvelles règles imposées par Sarkozy à ces trois millions de chômeurs tous des paresseux incapables de trouver du boulot. Voilà à quel genre de société avilie, on en arrive si on accepte la dictature des actionnaires, si on s’accommode de 2000 chômeurs de plus par jour et si on refuse le contrôle sur les licenciements et la réduction du temps de travail.

Gérard Filoche


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message