Harcèlement et suicide au supermarché à Villefranche de Rouergue

dimanche 18 octobre 2009.
 

... C’était bien de douleur, de violence subie qu’il était question, hier, devant la juridiction ruthénoise. Une ambiance tellement tendue dans cette entreprise de l’Ouest-Aveyron que deux de ses salariés ont tenté de se suicider.

Elles étaient quatre, hier, à être venues dire en face à leur employeur son mépris, sa violence. Oh chez ces femmes, aucune victoire, aucune revanche, mais beaucoup d’émotion et de crainte face à celui qui manifestement les terrorise encore.

Les faits reprochés, eux, sont graves, odieux.

Ce patron de supermarché n’a pas compris qu’aujourd’hui « le lien social et humain crée de la valeur ajoutée pour une entreprise » , pour reprendre une formule d’Éric Camous, procureur.

Alors pendant des mois, il a eu un comportement insultant envers ses salariés : « Il m’a traitée d’incapable, de bonne à rien, devant les clients », dira l’une. « Vous avez un cerveau sous vos cheveux blonds ? ! » a-t-il interpellé une autre. La même à qui il a envoyé une lettre de blâme alors qu’elle était en arrêt maladie depuis trois mois.

La troisième en pleurs, les jambes flageolantes raconte sa descente aux enfers, jusqu’à ses deux tentatives de suicide et un séjour en hôpital psychiatrique.

Le président Anselmi est ébranlé par ces témoignages, corroborés par l’audition d’autres salariés interrogés pendant l’enquête dont certains diront « avoir été traités comme du bétail... Il y avait un seigneur et ses vassaux ». Seules six des trente personnes entendues par les gendarmes démentiront avoir subit ce type de harcèlement.

Et l’homme droit dans ses bottes, conteste, nie. Le président l’interroge, une fois, deux fois, trois fois, sur les rapports humains dans son entreprise. L’homme ne répond que ratio, chiffres et statistiques. Le président s’emporte : « D’accord, vous maîtrisez les statistiques. Mais répondez à ma question ! » Le prévenu en est incapable.

Cette douloureuse litanie d’avanies se poursuit, faite de récits de dépressions, d’humiliations quotidiennes. Alors, à la fin de l’interrogatoire, après les quatre témoignages, Muriel Duchange, un des assesseurs du président interroge encore une fois le prévenu : « Qu’est ce que vous inspirent les déclarations de vos ex-salariés ? » Et à l’évidence, l’homme, pas plus hier qu’aujourd’hui n’a entendu la douleur de ces femmes. « Il y a beaucoup de mensonges, je ne leur ai jamais parlé comme elles le disent. C’est grotesque », conclut-il avec un petit sourire. Ce qui a le don d’irriter Mme Duchange.

Me Gaudy pour la partie civile énoncera une évidence : « Ces femmes étaient fières de leur travail, elles voulaient un minimum de respect, c’est tout ce que vous n’avez pas compris » lance-t-il au prévenu. Et il rappelle que 23 des trente salariés ont attesté, devant les gendarmes, de son détestable comportement.

Quant à Me Aoust, pour la cinquième victime, il s’interroge : « Ne pourrait-on retirer le permis d’entreprendre à quelqu’un qui pousse les gens au suicide ? » A l’heure des réquisitions, Éric Camous se fait pédagogue et rappelle les règles d’un management moderne, participatif, où le plaisir de travailler est considéré comme une force. Bref tout ce qui manquait semble-t-il dans ce supermarché. « Manifestement, au sein de cette entreprise, les salariés avaient peur de travailler, le prévenu est tout sauf une personne avec qui on peut discuter, travailler. » Considérant que la multiplication d’états dépressifs et de tentatives de suicides sont constitutifs de l’infraction de harcèlement moral, il requiert six mois de prison avec sursis.

Enfin pour la défense, Me Alirol ne s’attachera qu’à une chose : dénoncer la théorie du complot des plaignantes qui, toutes, ont été sanctionnées, averties et finalement licenciées, à l’exception d’une qui a préféré démissionner. Pour le défenseur, les choses sont simples : son client a juste utilisé son droit d’employeur de juger du travail de ses salariés. Par contre il n’aura pas un mot pour défendre l’homme, le père. Rien qui puisse amoindrir la déplorable impression laissée par son client. Le jugement a été mis en délibéré au 4 novembre prochain.

Laurent HORTES


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