Chili : la droite aux portes du pouvoir, 6,20 % pour Jorge Arrate !

lundi 14 décembre 2009.
 

La catastrophe politique que beaucoup craignaient depuis plusieurs mois est en train de se produire au Chili. A l’heure où ces lignes sont écrites (quelques modifications des résultats sont encore possibles à la marge), la droite ultralibérale, héritière des années Pinochet est largement en tête au soir du premier tour de l’élection présidentielle. Son candidat, Sébastian Pinera, a obtenu 44,03 % des voix.

Les sommes financières injectées dans la campagne sont colossales. La photo de ce personnage est partout sur les murs des villes. Il faut savoir que cet homme est l’un des plus riches du pays. Il est par exemple actionnaire majoritaire de la compagnie aérienne nationale Lanchile, propriétaire d’une chaîne de Télévision, d’un club de football (le Colo-Colo en tête du championnat), etc. Il a établi principalement sa fortune sous la dictature militaire, puis en introduisant dans le pays les cartes de crédit organisant ainsi le surendettement de millions de chiliens. Le Ministre des finances du sinistre Pinochet se nommait alors... José Pinera, frère de Sébastian. La famille, cela aide parfois dans les affaires. Ce dernier peut donc être comparé à une sorte de « Berlusconi chilien » les scandales de mœurs en moins.

Mais en vérité, la force de cette droite repose essentiellement sur la faiblesse du Parti socialiste, et autres forces sociales-libérales qui, depuis 20 ans date du retour de la démocratie, ont fait le choix de s’unir dans une coalition, la Concertacion, avec la Démocratie Chrétienne (DC). Depuis deux décennies, cette coalition dirige de façon ininterrompue le pays. Malgré quelques mesures en direction des plus défavorisés, les inégalités sociales sont aujourd’hui plus fortes que jamais, alors que le pays s’est considérablement enrichi. Hier, le candidat de la Concertacion, le Démocrate-Chrétien Eduardo Frei (ancien Président de 1994 à 2000) soutenu par le PS, réalise le très mauvais score de 29,62 %. Avec près de 15 % de voix perdues par rapport à 2005, c’est la démonstration du décrochage électoral puissant qui frappe cette alliance PS et DC.

Le jeune député, élu initialement comme socialiste, Marco Enriquez-Ominami, après avoir essayé d’être le candidat de la Concertacion, avait décidé de se présenter ensuite comme candidat indépendant. Fortement aidé par les principaux médias, tous entre les mains de patrons liés à la droite, il aura mené une campagne « au dessus des clivages traditionnels » rassemblant des gens de droite et de gauche. Il obtient un prometteur 20, 12 %, mais qu’il aura du mal à faire fructifierà l’avenir. Déjà, au soir du premier tour, il ne donne aucune consigne de vote pour le second « par respect pour son électorat ».

La gauche sociale et sans ambiguïté s’est retrouvée pour l’essentiel derrière la candidature de Jorge Arrate. Il obtient 6,21 % des suffrages malgré une campagne difficile menée avec peu de moyens financiers. Ancien Président du PS, et Ministre du gouvernement Allende en 1972, il a été soutenu par une large coalition nommée Juntos Podemos Mas dans laquelle se retrouve une dizaine d’organisations dont le Parti Communiste. Le PC Chilien peut se réjouir des effets de ce « Front de Gauche ». Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, il y a 20 ans, les communistes obtiennent 3 députés à l’Assemblée nationale. C’est une belle percée à mettre au profit de la campagne menée en commun autour de Jorge Arrate.

Au soir du premier tour, Jorge Arrate a appelé tous ses soutiens à rester « Juntos » (c’est-à-dire : Ensemble). Il se dit prêt à tout faire pour battre Pinera en appelant à voter Frei, mais demande une rencontre politique, car il ne veut plus donner « de chèque en blanc pour la Concertacion ». Le second tour ayant lieu le 17 janvier, les jours qui viennent vont être décisifs. Quoiqu’il arrive à partir de demain, une nouvelle page de la gauche chilienne va s’écrire. Les forces regroupées (PC, Nueva Izquierda, PAIZ...) dans la campagne de Jorge Arrate y joueront un rôle décisif.

2) Elections présidentielles du Chili ce 13 décembre 2009 : un enjeu international (article d’Alexis Corbière, message contradictoire de Xavier Corval, réponse d’Alexis Corbière)

Pour toutes les personnes de gauche, et particulièrement en France, depuis au moins le 4 septembre 1970 (date de l’élection de Salvador Allende) ce pays ne laisse personne indifférent. Dans la mémoire de chacun, surtout les plus anciens, des images restent gravées. D’abord, la formidable mobilisation populaire croissante qui soutiendra , de 1970 à 1973, la UP (l’Unité Populaire) qui rassemblait pour la première fois dans un gouvernement démocratiquement élu des socialistes, des communistes et beaucoup d’autres forces de gauche. Puis, le coup d’état militaire et le bombardement du Palais présidentiel de la Moneda qui provoquera la mort héroïque du Président Allende. Ensuite la répression sauvage qui provoquera la mort de milliers de militants, les meilleurs d’une génération, l’exil de centaines de milliers de gens, etc. Puis, il y eu les années de résistance intérieure, les actions de solidarité internationales.

En 1990, le retour de la « démocratie » provoquera un formidable espoir, et enfin en 2006 l’élection de la socialiste Michelle Bachelet semblait être la vengeance posthume de tous ceux qui avaient payé de leurs vies leur engagement pour un Chili démocratique et social. La réalité est plus complexe, je m’en suis expliqué dans des billets précédents. Le Chili donc nous parle, hier mais encore aujourd’hui. A 17 000 km de distance, il ne nous laisse pas indifférent.

Alors, quels sont les éléments nouveaux qui viennent s’ajouter à tous ceux que j’ai déjà décris ces derniers mois ? Dimanche 13 septembre, les candidatures ont été déposées officiellement. Il y aura 5 candidats à cette élection. Pour la droite rassemblée, il y aura le milliardaire Sébastian Pinera, aujourd’hui en tête des sondages qui a toutes les chances de l’emporter. La droite, particulièrement brutale dans ce pays, qui détient sans partage le pouvoir économique et médiatique et donc en passe de rafler tous les pouvoirs !

Pour la Concertacion , l’alliance qui gouverne depuis 20 ans (et qui rassemble 4 partis dont les socialistes et la Démocratie chrétienne) ce sera le DC Eduardo Frei, déjà Président de 1996 à 2000 . Puis, il y aura le candidat « indépendant » (c’est ainsi qu’il se fait appeler) Marco Enriquez-Ominami, député ex socialiste, qui rassemble autant à gauche qu’à droite. Ensuite, pour la gauche unie dans le « Front de gauche » Juntos Podemos (Plus de 20 organisations dont le PC, les socialistes « allendistes », la Gauche Chrétienne, etc.) notre camarade Jorge Arrate.

La gauche, dans la conception qui est la mienne, est donc en danger. Voilà le tableau : un candidat de droite, deux candidats qui ne se réclament plus de la gauche, et un candidat de gauche. Médiatiquement, les trois premiers cités écrasent tout. La presse, au Chili entre les mains des milieux conservateurs, organise une élection uniquement autour de ces 3 là.

D’autant que le cours « liquidateur » du PS continue. Aujourd’hui, dans la presse chilienne, Marcelo Schilling, Secrétaire général du PS (que les français connaissent car il fut ambassadeur du Chili à Paris) vient de déclarer que « la Concertacion deviendra un Parti unique », et quand la presse l’interroge sur les différences entre les partis de la Concertacion, il répond : « je ne peux quasiment en exprimer aucune ». A couper le souffle, le secrétaire général du PS chilien ne voit plus de différence entre son Parti et la Démocratie Chrétienne ! On pourrait dire que c’est logique. Plus de candidat au premier tour de l’élection présidentielle (alors que la Présidente sortante est socialiste) et demain plus de parti. Que tous ceux qui défendent en France l’alliance avec le Modem méditent sur ce cas de figure. Comme je l’ai écrit plus haut, le Chili nous parle encore.

Et, je suis heureux de voir que mon ami Jean-Luc Mélenchon utilise, lors de ses interventions radios ou télévisuelles, l’exemple chilien pour critiquer l’alliance avec les Démocrates chrétiens en France (le Modem) et les primaires qui leur seraient ouvertes. Il a raison. Il faut regarder et comprendre l’évolution mondiale de la social-démocratie. Ce n’est pas qu’un débat français. Cette alliance tuera le PS.

Alors, que faire ? Plus que jamais, la candidature de Jorge Arrate (pour découvrir son site de campagne cliquez ici ), dans la mesure où elle est portée par un rassemblement large de « l’autre gauche » est d’importance. Beaucoup de soutiens d’Arrate aujourd’hui éparpillés dans de petites formations veulent mettre à profit cette candidature pour donner naissance à un Parti de Gauche au Chili. Déjà des appels circulent en ce sens. Il pourrait avoir pour identité forte le combat pour une Assemblée constituante.

Jorge Arrate défend l’idée d’une quatrième urne lors du vote du 13 décembre. Les trois premières servent à élire le Président, le député et le sénateur, et la quatrième sur le principe d’une Assemblée Constituante. Je rappelle que la Constitution actuelle, profondément antidémocratique, est celle rédigée par Pinochet en 1980. Cette idée avance sous la pression notamment de la campagne que mènent nos amis. Eduardo Frei vient de déclarer qu’il était favorable à une nouvelle Constitution.

Comme nous l’avons fait à la fête de l’Humanité samedi soir sur notre stand avec mon ami et camarade Armando Urribe, Président du PS chilien en France (et qui refuse l’orientation de son Parti), le PG va faire connaître la candidature d’Arrate. Il faut parler du Chili. Cette semaine, je publie un dossier dans l’Humanité sur ce pays (deux articles et une interview d’Arrate). Allez l’acheter dans les kiosques ! Faites le lire.

Malgré toutes les difficultés, là bas aussi, la gauche doit se relever. Raquel Garrido, secrétaire national du PG chargée des questions internationales, actuellement au Chili jusqu’à l’élection présidentielle, apporte son soutien quotidien à la campagne de Jorge. Le 13 septembre, jour du dépôt des candidatures, Raquel était avec Jorge Arrate et les centaines de militants qui l’ont accompagné. Et le 25 septembre, toujours à la demande de Jorge, qui a besoin de notre expérience, elle l’accompagnera au premier débat télévisé entre les 5 candidats. Par sa présence et son expérience, elle aide les camarades à avancer dans la construction d’un PG au Chili. Elle doit animer plusieurs réunions sur la situation de la gauche en Europe et en France, notamment à Valdivia le 21 septembre. Tout cela est une preuve concrète de notre engagement internationaliste.

Au Chili, la gauche a besoin de nous.


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