Oskar Lafontaine et Die Linke au dessus de 10% aujourd hui aux élections législatives en Allemagne ?

dimanche 27 septembre 2009.
Source : Le Monde
 

Le cauchemar des sociaux-démocrates allemands, c’est lui : Oskar Lafontaine, leur ancien patron, aujourd’hui chef de file de la gauche radicale, Die Linke. L’homme qui risque encore de leur tailler des croupières aux élections législatives du 27 septembre. Pour son parti, sa création, il vise 10 % des suffrages et plus. Autant de voix volées au Parti social-démocrate (SPD). Ces derniers mois, ne l’avait-on pas dit en bout de course ? Il a triomphé dans son fief de la Sarre aux régionales du 30 août. Sous les couleurs de Die Linke, il a rallié presque 22 % des voix.

Personne ne pourra plus nier à ce physicien de formation ses qualités de stratège et un instinct politique hors pair. Oskar Lafontaine a su remettre au goût du jour des thèmes identitaires de la gauche : la justice sociale, la lutte contre les privilèges, le refus des aventures militaires extérieures, en Afghanistan ou ailleurs. « Il sent les choses aussi précisément qu’un sismographe, avec toujours un temps d’avance », s’enthousiasme Klaus Ernst, vice-président de Die Linke. Ses discours truffés de bons mots électrisent ses supporters.

Depuis son bureau exigu du Bundestag, l’intéressé semble contempler tout ce remue-ménage avec une sorte de distance ironique. Nonchalamment, il tend une caricature parue le même jour dans la presse allemande. Il y est représenté en train de lire un journal aux gros titres éloquents : « Steinmeier (le candidat du SPD) présente un plan de retrait d’Afghanistan », « Le SPD et Merkel favorables à une taxe internationale sur la spéculation ». Commentaire du personnage fictif : « Il m’est bien égal de savoir qui sera chancelier sous ma direction. » Le vrai complète, satisfait : « Au fond, la seule question intéressante dans cette campagne, c’est le score que va faire Die Linke. »

Oskar Lafontaine ou le mythe de l’éternel retour. Le parcours politique de ce petit homme au nez pointu et au verbe vif se lit comme une histoire de morts successives et de résurrections. Cet enfant d’un père boulanger tombé à la guerre, devenu maire de Sarrebruck à 33 ans, ministre-président de la Sarre pendant treize ans et propulsé à tête du SPD en 1995, n’imaginait pas d’autre place que la première. Sans jamais l’obtenir. En 1998, Gerhard Schröder lui passe devant pour le poste de candidat à la chancellerie et triomphe contre Helmut Kohl. Lui doit se contenter du portefeuille des finances. Six mois plus tard, il jette l’éponge, opposé à la stratégie de recentrage de ce chancelier qu’il avait pourtant largement contribué à faire gagner.

Parmi ses anciens compagnons, peu lui ont pardonné d’avoir laissé orphelin un SPD en pleine crise. Encore moins d’avoir organisé avec tant d’efficacité l’opposition de gauche au parti. Car c’est sous sa férule et en tandem avec le brillant avocat d’ex-RDA, Gregor Gysi, que se réalise, en juin 2007, l’union d’un mastodonte néocommuniste de l’Est, le PDS, avec un petit parti radical de l’Ouest, le WASG. Trois ans après sa création, Die Linke s’est imposé pour de bon dans le paysage politique allemand.

« Lafontaine a du nez et sait ce que les gens veulent entendre », s’agace l’eurodéputé social-démocrate Jo Leinen qui fut l’un de ses lieutenants pendant près de dix ans en Sarre. « Mais il a parfaitement conscience qu’il ne pourrait tenir aucune de ses promesses, fustige l’ancien collaborateur. C’est un populiste. »

« Populiste », l’éternel refrain dès lors qu’on évoque Oskar Lafontaine. Car ce brillant esprit formé chez les jésuites n’a jamais peur de forcer le trait pour séduire son électorat. « Et puis quoi ?, interroge-t-il, un brin dédaigneux. En Allemagne, on est suspect dès qu’on exprime un avis différent, même s’il représente l’opinion du plus grand nombre. »

L’OTAN ? Il réclame sa dissolution. Les impopulaires réformes du système social lancées par le SPD ? Il faut les abolir. Les plus riches ? A eux de payer pour les autres. Ce bon vivant amateur de vins fins se pose en héraut de la classe ouvrière et propose d’instaurer « l’impôt des millionnaires ».

Le style autoritaire, les discours radicaux d’Oskar Lafontaine continuent à faire grincer des dents au sein même de Die Linke. Lui n’en a cure et maintient sa ligne. « La Gauche » sait bien ce qu’elle doit à « Oskar ». « Il l’incarne », dit Klaus Ernst. Il en est surtout « la machine à vapeur », a résumé la Süddeutsche Zeitung. Se posera, en 2010, la question de sa reconduction à la tête du parti. L’on saura alors si Die Linke voit en lui plus qu’une locomotive électorale.

Marie de Vergès


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message