La direction de Freescale (Toulouse) séquestrée. Intervention musclée des forces de l’ordre

dimanche 4 octobre 2009.
 

Les forces de l’ordre ont libéré hier soir le directeur et deux de ses collaborateurs retenus par les grévistes à l’issue d’une négociation tendue. La police en tenue de combat, requise par le préfet à la demande de la direction, entre dans l’entreprise pour libérer les dirigeants retenus par les grévistes.

Les forces de l’ordre sont intervenues hier soir vers 21 heures dans l’enceinte de l’entreprise Freescale pour libérer le directeur toulousain de l’entreprise américaine de semi-conducteurs, Denis Blanc, son directeur des ressources humaines et un autre membre de la direction qui étaient retenus par environ 150 grévistes dans la salle de réunion dite « Amérique ».

L’assaut a été donné par les policiers en tenue de combat, et les trois membres de la direction ont quitté en voiture les locaux de la firme vers 21 h 30, sous les huées de quelques manifestants installés devant l’enceinte de la firme, où un millier d’emplois sont menacés d’ici 2011.

Il n’y a pas eu de blessés mais quelques manifestants, des femmes notamment, pris dans la bousculade, auraient été choqués ou commotionnés.

Les grévistes ont aussitôt tenu une AG dans l’entreprise afin de décider quelle suite donner à leur mouvement, protestant contre une intervention « autorisée par aucune décision de justice ».

Source : http://www.ladepeche.fr du 4 octobre

2) Toulouse : Salariés contre « Freesquale » !

Source http://www.democratie-socialisme.org/

Entretien avec Didier Zerbib, délégué syndical CGT chez Freescale à Toulouse, en grève depuis 26 jours

D&S : Peux-tu nous faire un point sur la situation qui, depuis l’opération financière de la direction américaine, vous a amenés au conflit d’aujourd’hui ?

D.Z. : Freescale est ce qu’on appelle un spin off. C’est à dire que c’est une boîte montée par Motorola dans le but d’être vendue. C’est ce qu’ils ont fait en 2004 en nous vendant à un fond d’investissement américain, détenu par Blackstone, Texas Pacific Group et Permira, un vrai fond de pension texan pur sucre, avec comptes dans les paradis fiscaux, etc... L’opération réalisée est ce qu’on appelle un LBO, le fameux « effet levier », c’est à dire que le fond d’investissement a acheté Freescale sans débourser un sou, en empruntant et en remboursant grâce aux profits réalisés. Il faut savoir que la boîte a été capitalisée à 17 milliards de dollars.

Nous sommes une entreprise de haute technologie ce qui nécessite des investissements tous les ans.

Cela fait dix ans que les investissements sont réduits à peau de chagrin dont 5 ans sans rien du tout. Cela fait aussi 10 ans que les syndicats tirent la sonnette d’alarme à ce sujet. On sait maintenant qu’ils n’ont jamais eu de volonté de prolonger l’activité au delà de 5 ans, leur seul souci étant de réaliser une grosse plus-value grâce à cette opération financière. Toujours est-il qu’en octobre dernier, Freescale nous a annoncé qu’ils fermaient la téléphonie tout de suite. 236 personnes, ingénieurs et cadres sont concernés sur le site de Toulouse, 1700 dans le monde sur l’ensemble de la corporation. Le 22 Avril 2009, ils nous ont annoncé l’arrêt total de toute activité de production sur le site d’ici 2011, ce qui concerne 830 personnes de plus. Pourtant c’est une entreprise qui fait des bénéfices. Ils nous ont même versé une prime de bons résultats au premier semestre 2009, pour nous remercier d’avoir bien bossé. Ils affichent également une cagnotte de 1,4 milliards de dollars de liquidités. S’ils ne veulent pas fermer avant 2011 c’est qu’ils ont des carnets de commande remplis et qu’ils ont besoin de servir les clients jusqu’à la fermeture. C’est particulièrement cynique !

D&S : Que s’est-il passé depuis cette annonce ?

D.Z. : La direction nous a engagés dans la négociation d’un accord de méthode, c’est à dire un accord d’entreprise qui encadrerait les modalités des départs dans le cadre d’un PSE (Plan Sauvegarde de l’Emploi). Ils nous ont promis un CDI pour chacun et ils ont engagé un cabinet de formation. Cela a vraiment été ressenti comme une imposture par les salariés. Depuis nous avons fait 14 réunions de négociation d’un accord de méthode, une par semaine, et ils n’ont rien voulu entendre sur la question des indemnités. Ils nous ont proposé un accord de formation qui prévoit 14000 euros de frais pédagogiques par salarié. Nous n’avons aucune garantie que la formation soit acceptée. C’est le cabinet qui décide de la viabilité du projet du salarié. Donc s’ils refusent, on se retrouve sans rien ! Nous avons refusé et ils ont décidé de clore les négociations sous prétexte du lancement du PSE pour la téléphonie.

D&S : Qu’elles sont aujourd’hui vos revendications ?

D.Z. : Elles s’articulent en deux parties. Tout d’abord nous demandons la réouverture des négociations. Ensuite, nous voulons que la direction nous fasse d’entrée une proposition d’indemnité de licenciement décente. La dernière en date étant le doublement de l’ICL (Indemnité Conventionnelle de Licenciement) plus 7500 euros par ouvrier. Au final cela ferait 35000 euros pour un ouvrier ayant 30 ans d’ancienneté. Au départ, l’AG avait demandé 150000 euros de prime fixe mais nous n’avons jamais eu de contre proposition. Aujourd’hui nous ne chiffrons plus, l’AG des salariés décidera de ce qui est décent ou non.

D&S : Quelle a été la réponse de la direction ?

D.Z. : Au bout d’une semaine de grève, nous sommes allés en délégation dans le bureau du directeur. On lui a dit qu’on serait là tous les lundis. Il nous a répondu qu’on avait déjà discuté et que pour eux c’était clos ! Il a bien dit « discuté », il s’est toujours refusé à employer le terme « négociation ». Nous avons donc décidé de durcir le mouvement en bloquant l’accès aux voitures et au ravitaillement. Ils nous ont donc attaqués en justice pour atteinte à la libre circulation des biens et des personnes. Leur deuxième argument c’est que nous sommes sur un site SEVESO niveau bas et que le blocage les empêche d’assurer la sécurité. C’est de l’intimidation ! Ils ont envoyé un huissier toute la semaine qui n’a pu que constater que nous étions pacifiques et que la sécurité était assurée. En attendant, les salariés sont « chaud-bouillants » et la direction, elle, devra bientôt payer des pénalités de retard à leurs clients. Entre les pénalités et nos indemnités, ils ont un calcul à faire !

D&S : L’intersyndicale ne regroupe plus que trois syndicats sur six, que s’est-il passé ?

D.Z. : Effectivement, il n’y a plus que la CGT, la CFDT et la CFTC qui poursuivent la lutte. Mais nous avons l’écrasante majorité des salariés concernés avec nous.

En fait, à la première AG, les salariés nous ont dit qu’ils en avaient marre des querelles de chapelle. Ils ont sommés les six syndicats de former une intersyndicale. Ils nous ont même fait signer une « charte d’engagement » disant que rien ne devait être signé sans information des salariés et consultation par référendum. Mais un beau jour, ceux que nous appelons la « coalition », FO, CGC, UNSA, ont décidé qu’ils n’avaient pas à prendre leurs ordres de l’AG et ils ont quitté l’intersyndicale. Pour nous, à la CGT, ce ne fut pas une surprise. On savait que FO, majoritaire dans la boite depuis des dizaines d’années, a été mise en place par le patron pour appuyer sa politique. C’est un syndicat dont les délégués sont contremaîtres, chefs d’équipes ou de division. Ils n’ont de FO que l’étiquette. Quant à l’UNSA, elle a été créée par l’ancien secrétaire général de chez nous, exclu de la CGT pour sa collusion avec la direction. Depuis, les salariés ont élu une coordination de trente personnes qui vient avec les représentants du personnel à chaque phase de négociation . C’est marrant ! Ils sont trois du côté de la direction et on est cinquante pour les salariés.

D&S : Pourquoi avoir choisi de vous battre sur le montant des indemnités plutôt que sur le maintien de l’emploi ? Cela n’est-il pas un obstacle à la constitution d’un front commun des boîtes en lutte que vous cherchez à construire ?

D.Z. : Le premier souci des syndicats sur un site viable comme celui là, c’était évidemment le maintien de l’emploi. Mais les salariés n’ont plus confiance ! Ils nous auraient baladé en nous disant qu’ils cherchaient un repreneur alors qu’on sait très bien qu’ils ont prévu de tout démanteler.

Cela dit, cela n’est pas un obstacle à la constitution d’un front commun. Nous sommes de tous les rassemblements avec les autres boîtes. Aussi bien nationalement que localement. Mais c’est un rassemblement contre les mêmes logiques, nous cherchons à développer des tactiques communes, mais chacun vient avec ses revendications. De plus, si nous partons avec de grosses indemnités, cela peut faire jurisprudence.

D&S : Qu’attendez-vous du pouvoir politique ?

D.Z. : Nous avons interpelé les représentants des trois collectivités locales, région, département et mairie de Toulouse. Ils ont organisé une réunion téléphonique avec la direction américaine. Au final, ça leur a plus servi à eux, pour se faire un coup de pub, qu’à nous ! Ça n’a rien donné. En plus, il faut savoir que Freescale a reçu de grosses subventions, de la région notamment, contre le maintien de l’activité jusqu’en... 2010.

Quant au gouvernement, nous n’avons aucune confiance. Nous n’attendons rien d’eux.

D&S : S’il s’agissait d’un gouvernement défendant les intérêts des salariés, quelle mesure devrait-il prendre selon toi ?

D.Z. : L’interdiction des licenciements boursiers, faire payer si cher les licenciements qu’ils ne puissent plus le faire. Les carnets de commandes sont pleins, les gens sont qualifiés. Sans parler des sous traitants et du bassin d’activité. C’est inconcevable de fermer un tel vivier !

Propos recueillis, pour D&S, par Thomas Chavigné.


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