Privilèges de l’Eglise en Croatie : Le torchon brûle entre le clergé et le président

samedi 26 septembre 2009.
 

Pour le principal quotidien catholique du pays, le chef de l’Etat, Stipe Mesic, est un “traître”. Celui-ci contre-attaque en demandant le retrait des crucifix des institutions publiques.

A quelques mois de la présidentielle, le principal quotidien catholique de Croatie, Glas Koncila [“La Voix du concile”], a brossé le portrait idéal du futur chef de l’Etat en ces termes : “Il doit défendre la vie humaine, la dignité du mariage et de la famille, plaider pour l’interdiction du travail dominical, combattre la drogue, la corruption, la pornographie et la prostitution.” Le président Stjepan Mesic, partisan d’un Etat laïc, y a vu une véritable déclaration de guerre, d’autant plus que le quotidien le traite régulièrement de “traître”. Il y a répondu en demandant, en plein été, le retrait des crucifix de tous les lieux institutionnels. “Les symboles religieux ne devraient pas avoir leur place dans les ministères, les casernes, les hôpitaux, les écoles”, parce que “cela est en contradiction avec les principes d’un Etat laïc”, a affirmé Mesic.

Mais la croix n’est pas plus au centre de cette guerre qu’elle n’a été au cœur des croisades du Moyen Age. Les guerres entreprises au nom de la religion ont été souvent motivées par des intérêts tout à fait profanes. Si le chef de l’Etat avait vraiment voulu soulever la question de la présence des signes religieux dans les institutions publiques, il n’aurait pas attendu dix ans. Il l’a fait aujourd’hui, à la fin de son second mandat, au moment où il a reçu une gifle, plus forte que d’habitude, de la part du clergé.

Si l’initiative de Mesic avait été motivée uniquement par le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, garantie d’ailleurs par la Constitution, la présence ostentatoire des croix dans les espaces publics n’aurait pas été son argument de combat. Certes, certaines écoles ressemblent de plus en plus à des chapelles et, aux guichets des institutions d’Etat, on tombe souvent sur de petits autels improvisés. Mais le vrai problème réside dans les privilèges systématiques dont bénéficie l’Eglise en Croatie, qui n’existent dans aucun autre pays européen [l’Eglise croate est notamment le plus grand propriétaire foncier du pays]. De ce point de vue, le comportement d’une partie des structures de l’Eglise menace le caractère séculier de notre Etat. Mesic sonne ainsi l’alerte face au danger d’une “talibanisation” de la Croatie, où, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas le clergé qui gouverne.

Il est pourtant vrai aussi qu’une partie de l’Eglise croate se comporte plus comme une organisation politique que comme une organisation religieuse. La Croatie n’est pas le seul pays européen dans lequel la présence de signes religieux dans les espaces publics fait l’objet de polémiques ; mais, à la différence de ce qui se passe dans les autres pays, le clergé croate n’a pas renoncé à s’imposer comme acteur politique.

Enfin, si les prêtres et les évêques – qui ont serré les rangs contre Mesic – tenaient tant à la signification et à la dignité des symboles de la foi, ils auraient réagi à l’utilisation abusive de ces symboles dans les écoles ou les administrations, une utilisation parfois choquante pour les croyants eux-mêmes.


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