Débat Régionales, législatives, présidentielles à la fête de l’Humanité. Texte des interventions de Coquerel (PG), Boislaroussie (Alternatifs, Fédération), Picquet (Gauche Unitaire), Grond (NPA), Pierre LAURENT (PCF), Mélenchon (PG)

dimanche 20 septembre 2009.
 

C’est sur un stand bourré à craquer que s’est tenu, samedi après midi, un des débats les plus importants pour l’avenir de l’autre gauche. À l’invitation du Parti de Gauche des représentants de toute l’autre gauche sont venus débattre de la proposition du Parti de Gauche de se présenter unis face aux trois élections d’un « paquet » : les régionales, les législatives et les présidentielles.

Eric Coquerel, Secrétaire national du Parti de Gauche, chargé des relations extérieures et unitaires introduit les termes du débat.

« On sent que cette édition de la fête de l’Huma est un moment de maturation politique. Un certain sérieux se dégage, dans les débats et dans les travées.

La rentrée politique de la Gauche se joue ici. Il faut sortir du capitalisme pour sortir de la crise.

Or le processus s’accélère : avec les primaires, on parle désormais de casting, mais plus de projet. Avec le Modem, la question n’est plus celle des principes, mais celle de la forme et du délai de l’alliance. Nous connaissons le prix de ces transformations : la disparition de la gauche, comme en Italie. Les primaires sont une machine à faire perdre la gauche.

C’est la raison pour laquelle Jean-Luc Mélenchon a avancé, ces dernières semaines, dans plusieurs journaux et médias, la proposition du paquet. Nous ne voulons mettre personne au pied du mur. Mais il faut que tous les militants des partis de gauche réfléchissent à cette proposition. Le but n’est pas de répondre aujourd’hui à cette proposition, mais de dégager les éléments du débat.

Les (très) nombreux militants présents scandent : « Unité »

Jean-Jacques BOISLAROUSSIE, porte-parole des Alternatifs, fédération pour une alternative sociale et écologique.

« La campagne pour le non de gauche, les mobilisations sociales, écologiques et démocratiques créent de bonnes conditions de départ.

Les pays où les gauches se sont « modernisées », adaptées à l’air du temps, n’ont plus d’outil politique à gauche. La gauche n’est plus la gauche, la gauche radicale est stigmatisée, le parti démocrate vis au rythme des primaires...

En France, séparées, les forces de gauche ne sont pas en capacité de briser le duel entre le Parti socialiste et la droite. Séparés, nous sommes des outils militants mais pas en situation de défendre une alternative globale. La construction d’un cadre unitaire dans la durée est donc le défi auquel nous devons répondre. Mais si le signal n’est pas donné par les organisations politiques elles même, le mouvement social sera affaibli.

Pour les régionales, les alternatifs partagent un grand nombre des aspirations du Parti de Gauche. Il est nécessaire de construire un cadre unitaire commun au sommet et des cadres unitaires à la base. Pour la 1ère étape, il nous faut être ensemble unis au premier tour, indépendamment des listes socialistes, la divergence stratégique étant profonde entre le Parti socialiste et l’autre gauche. Lors de la seconde étape, nous sommes animés par la volonté de ne donner aucune chance à la droite au second tour, d’où notre proposition de fusion démocratique, largement reprise par tous les partis de la gauche radicale aujourd’hui... La 3ème étape fait encore débat au sein des Alternatifs. Nous ne faisons pas de la non-participation à des exécutifs une question identitaire ou stratégique. Mais aucune organisation ne peut croire qu’elle assure sa survie en adoptant une position suiviste vis-à-vis du parti socialiste.

Les nombreux militants présents scandent : « Unité »

Christian PICQUET, porte parole de la Gauche unitaire.

« Il règne dans cette fête un bon climat, qui permet de confronter des points de vue sans immédiatement charger ces débats de querelles de pouvoir. C’est sans doute une retombée de l’effet « Front de Gauche ».

Le sarkozysme est un projet de régression, une révolution conservatrice à la française. En l’absence d’opposition capable de donner de l’élan aux mobilisations, Sarkozy est capable d’occuper tous les terrains. Les exigences des mobilisations populaires ont beau être majoritaires, elles ne trouvent pas de débouché politique.

La gauche, en se transformant en centre-gauche, rompt avec l’histoire du mouvement ouvrier, avec ses valeurs, et risque de disparaitre. C’est pourquoi le Front de Gauche a voulu s’atteler à la reconstruction globale de la gauche, d’une gauche de gauche. Nous voulons être majoritaires. La dynamique politique de la campagne des européennes a amené au succès électoral, certes encore limité, du 7 juin. Tous ceux qui ne veulent pas de l’alliance au centre aujourd’hui se doivent de répondre à cette question : est-ce qu’on s’oriente dans la direction du Front de Gauche, et dans le rassemblement sans exclusive de toute la gauche de transformation ?

Le Front de Gauche est une construction respectueuse des identités de chacun, la seule qui nous a permis et qui peut encore nous permettre de progresser ensemble. Au lendemain des européennes, nous avons immédiatement fait part de notre volonté d’élargir le Front de Gauche, de le transformer en front durable pour les élections et pour les mobilisationsà venir. Des campagnes d’urgence doivent répondre à la colère sociale. Nous devons, au sein du Front de Gauche, travailler au contenu d’une plateforme de rupture avec le capitalisme. Nous devons porter cette plateforme dans le débat public.

La question des élections régionales est encore en débat. Je pense que les orientations en présence doivent être tranchées par le peuple. Les orientations de la gauche de gauche peuvent être majoritaires au sein de la gauche au premier tour, et il faut donc porter cette confrontation entre les deux gauches devant le peuple, qui seul tranchera. Au deuxième tour, il faudra fusionner l’ensemble des listes de gauche, sur la base du rapport de force du premier tour et en indépendance totale du Modem et de la droite.

Fou serait celui qui prendrait la responsabilité de briser l’espoir qui commence à se lever dans le pays. Le Front de Gauche peut se pérenniser et s’élargir. »

...unité... unité...

Pierre-François GROS, membre de l’exécutif du NPA.

« Si on laisse faire Sarkozy encore pendant trois ans, les rapports de force en France seront dégradés. Il faut certes discuter perspectives politiques, mais il faut aussi se rassembler dans la lutte, notamment avec le PARTI SOCIALISTE.

L’exigence de radicalité nous oblige à prendre les problèmes à la racine. La crise du capitalisme, sans précédent, s’accompagne d’une crise du mouvement ouvrier. Le centre gauche, c’est un centre qui fait une politique de droite. DSK au FMI, d’anciens socialistes au Gouvernement, cela pose un problème politique. Quand on observe les politiques menées ou préconisées par les sociaux-démocrates, on voit que la pression qui s’exerce au Parti socialiste est une pression vers la droite. Il faut donc être indépendant de l’orientation de la direction du Parti socialiste. Ceci posé, le reste se décline facilement. Nous prendrons la responsabilité de battre la droite au second tour, car nous ne voulons pas que des régions basculent dans le camp de l’UMP. Le problème qui se pose est le suivant : est-ce que dans les régions, qui gèrent de gros budgets, est ce que le programme de la gauche radicale peut fusionner avec le programme de centre-gauche ? Nous pensons que c’est peine perdue. Il y a deux gauches programmatiquement irréconciliables. Evidemment aux régionales, il faut des listes indépendantes et autonomes du centre gauche. Pour résumer, une fusion démocratique, une fusion programmatique, non !

Nous proposons de nous réunir vite pour être utiles dans les mobilisations. Si on y arrive, on peut aller ensemble après les régionales. On peut aller ensemble plus loin que 2012 encore ! »

Unité... unité...

Pierre LAURENT, Président de la coordination nationale du Parti Communiste Français.

huma-2009-pierre-laurent« Comment continuer pour aller vers des victoires autrement plus importantes que la promesse que nous avons réussi à créer lors des élections européennes ?

Il faut s’attaquer en profondeur au système qui est à la base de la crise. Nous ne sommes pas dans un pays où le mouvement social est atone. Le trimestre s’annonce plein de mobilisations sociales.

Le spectacle d’une gauche impossible de s’entendre et de se fédérer est organisé ! C’est une stratégie politique de Nicolas Sarkozy, qui travaille en permanence la division de la gauche, du mouvement social et engendre de la désespérance. Au contraire, en toute circonstance, nous devons travailler à la construction de majorité d’idées, d’actions et de projet. Si nous ne portons pas ensemble l’espoir que des majorités de gauche sont possibles, personne ne le portera. Les alliances avec le Modem et les primaires sont là pour tuer l’idée d’une possibilité d’alternative majoritaire. Aux yeux des gens, la gauche apparait comme ayant renoncé à cette alternative. Notre ambition est de dire : oui, nous voulons une politique réellement alternative, mais nous ne sommes pas là pour compter les points entre la droite et une gauche sociale libérale. Nous voulons créer des majorités. Le choix de construire le Front de Gauche n’est pas un choix de circonstances pour le parti communiste, c’est un choix durable dans notre esprit. Nous sommes déterminées à poursuivre dans ce chemin là sans aucune ambigüité, et nous voulons le faire avec la volonté d’élargir le Front de Gauche.

Notre ambition doit aller bien au-delà de ce que nous avons réussi aux élections européennes. Comme l’a dit Marie-Georges Buffet, nous voulons ouvrir grand les portes et les fenêtres de ce Front. Nous ne considérons pas la situation figée.

Sur le paquet, nous avons réponduqu’on ne prenait pas le problème en ces termes là. On veut que la durée s’accompagne d’une dynamique d’élargissement permanente. Si nous voulons les ateliers, c’est pour élargir le front et construire des plateformes partagées.

N’enjambons pas trop vite l’enjeu régional. Sarkozy veut aller à la reconquête pour transformer les régions en un échelon dangereux de la mise en œuvre de sa politique. Les fusions techniques, ça me parait un peu léger, on peu se donner d’autres ambitions ! Je crois que nous pouvons y arriver !

Unité... Unité...

Jean-Luc Mélenchon, Président du Parti de Gauche.

« Vous êtes très nombreux, c’est le signe que ce qui se dit ici vous intéresse. Je remercie le journal l’Humanité de nous accueillir et de nous offrir cette magnifique fête et de nous accueillir. Vive le journal de Jaurès et Bravo à ses successeurs ! Je remercie aussi le PCF, ses dirigeants, ses militants.

(Sur le ton de l’ironie) : Camarades, nous voici tous partis à parler des régionales, à discuter de la passionnante question des exécutifs (rires)... Moi, ce qui me tord le ventre, c’est quel sera le score de Die Linke demain en Allemagne ?! Die Linke, qui pour nous est un modèle ! Comment le coordinateur du Non en Irlande va s’en sortir ? Le bras de fer qui se joue dans le siècle n’est pas réglé, et nous en sommes protagonistes. Nous sommes là pour changer l’histoire, nous les humiliés, les mauvaise têtes. Comme nous l’avons fait en 2005. Nous en avons pris le goût ! Si les camarades irlandais votent non, leur foutu Traité de Lisbonne est par terre, camarades ! Mais s’ils votent oui, alors il va falloir faire dans des conditions encore plus difficiles au Parlement européen. C’est à cette hauteur-là qu’il faut mettre notre ambition !

Camarades, en décembre, nos frères chiliens vont voter pour l’élection présidentielle. Honte à ceux qui ont renoncé à présenter un candidat socialiste dans le pays de Salvador Allende ! Et bravo à ceux qui ont décidé de remonter le drapeau rouge, celui de la liberté et du socialisme ! Nous devons être à la hauteur de cette histoire-là ! On nous regarde nous, les Français, parce que chez nous il y a eu des luttes - pour les retraites, contre le CPE- et le Front de Gauche. Soyons à la hauteur et à la grandeur du mouvement révolutionnaire français ! Au mois de novembre, il y a une élection au Honduras. Les mêmes qui viennent de célébrer la chute du mur de Berlin ne disent mot sur le coup d’état au Honduras. Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour soutenir les camarades du Honduras.

Et maintenant, je vous parle du Front de Gauche. Le Front de Gauche est un acquis, il a une identité politique. Nous nous battons pour conquérir la majorité à gauche parce que nous voulons mener la gauche. Nous voulons être DEVANT ! Et ce n’est pas la peine de nous faire la leçon. Au second tour d’une élection, nous sommes capables de nous rassembler pour battre la droite. Nous ne mélangeons pas les deux tours. Nous nous battons pour passer en tête. Pas un Français ne croit qu’on manque d’idées à propos de la politique que nous voulons appliquer.

J’ai proposé avec mon parti :

1° Le partage des richesses. Pour ça, il faudra qu’il y ait un rapport de force, et l’implication populaire. Notre programme ne peut pas s’appliquer sans le peuple ! La technique, c’est l’implication populaire, encore, et encore, et encore ! La principale force dont on dispose, c’est le peuple français ! Nous sommes inintimidables !

2° La refondation républicaine de la France

3° La sortie du Traité de Lisbonne.

Voilà notre ambition ! Alors, les régionales, c’est certes passionnant... Il faut conquérir, commencer par convaincre les gens d’aller voter. C’est pourquoi du point de vue de la construction d’un nouveau leadership à gauche, il faut que nous soyons autonomes au 1er tour. Oui le Front de Gauche doit être élargi, mais nous devons dire tranquillement, sans haine, sans agressivité, le Front de Gauche n’est pas élargissable au Parti socialiste. Avec le Parti socialiste, nous construirons un rapport de force au 2ème tour : nous les aiderons là où ils en auront besoin, et vice versa !! Au PARTI SOCIALISTE, je leur dis, nous sommes prêts à faire des fusions techniques, démocratiques, tout ce que vous voulez. Mais vous, si nous passons en tête, est ce que vous vous désistez pour nous ? Il faut qu’on passe devant ! Camarades, je ne règle pas de comptes avec le Parti socialiste, je veux qu’on batte la droite. Les listes autonomes au premier tour sont une manière de mobiliser le plus largement possible, pour affronter ensuite la droite.

Nous, notre modèle, c’est die Linke. Les élus du Parti de Gauche siègent dans les mêmes groupes que les communistes dans les trois assemblées : à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen. Le Parti de Gauche va être adhérent du même parti européen que le parti communiste français.

Pas de plateforme partagée avec le parti socialiste. Nous ne sommes pas partisans des ateliers.

Je vous invite à respecter le calendrier du Parti Communiste. Nous n’avons pas à nous mêler de la façon dont les communistes discutent. Mais, camarades communistes, c’est vous qui avez la main. Quand on fait un front commun, ce n’est pas pour fusionner. Nous on n’est pas NPA et ce n’est pas demain que nous allons le devenir. Et vice-versa, n’est-ce pas Pierre-François ? Le NPA comme les communistes dit c’est une affaire de contenu, donc il faut travailler.

Mais là aussi la ligne a bougé. On se rassemble au deuxième tour pour battre la droite. On est tous d’accord !

Il reste un point à régler qui est un point sérieux : c’est la question des exécutifs. Je suis du point de vue que je veux que les points de vue avancent ! Je ne vous apprends rien en vous disant que je suis plutôt du type gouvernemental. Mais Pierre François ne refuse pas de participer à des exécutifs, il veut bien gouverner pour appliquer notre programme. Les lignes bougent. Ce que les gens qui nous regardent se demandent, c’est : si ils y vont, est-ce qu’ils vont faire quelque chose ? Je laisse la question des exécutifs pendante car c’est ce qui fait débat en ce moment.

Nous, on a fait une proposition. Nous ne sommes pas un parti pour les régionales. Il faut comprendre que chacune de nos batailles doit renforcer notre cohésion et la conscientisation du peuple français. Mettre l’ensemble des élections dans la bataille permet à chacun de comprendre que, lorsqu’il met son bulletin dans l’urne, c’est pour trois élections. C’est un moyen de contourner cette maudite présidentielle.

Je sais où on veut aller. Je n’ai pas peur. Je sais par quel bout on peut commencer le programme. Il ne suffit pas de le dire. Il faut que les Français en soient convaincus. Ayons de l’ambition, camarades, pour notre patrie républicaine et pour nous-mêmes !

Les camarades communistes ont dit qu’ils étaient pour faire des fronts. Nous, nous sommes partisans d’un front. Mais ce n’est pas une contradiction si grande. Nous non plus on n’a pas discuté du paquet dans notre congrès. C’est pourquoi je propose que chacun à sa manière, dans la forme de son parti, dans le respect de ses statuts, consulte ses adhérents.

Tout ça, ça marche, à la condition qu’on veuille que ça marche ! Il faut qu’on en sorte par le haut, et on en sortira par le haut, en se fixant de grands objectifs. »

Unité... Unité...

La foule chante l’Internationale.


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