“Vous voulez une majorité, oui ou merde ? S’il faut ajouter le MoDem, on ajoute le MoDem » (Cohn-Bendit dixit) Article de Gérard Filoche

vendredi 4 septembre 2009.
 

“Vous voulez une majorité, oui ou merde ? S’il faut ajouter le MoDem, on ajoute le MoDem…“, a crié Cohn-Bendit devant les Verts, jetant un froid parmi les militants réunis pour leurs Journées d’été à Nîmes. « Si vous voulez une majorité, il faut aller chercher les gens là où ils sont, pas là où vous êtes » a-t-il ajouté.

Presque tout est faux dans cette déclaration démagogique de celui qui alla, l’an passé, offrir son livre “Forget mai 68″ à l’Elysée à Nicolas Sarkozy.

D’abord parce qu’une majorité se forge.

Ce n’est pas une simple addition, c’est une dynamique. L’idée que c’est une simple addition est pure méconnaissance des ressorts qui déterminent des millions de salariés, des millions d’électeurs de gauche et au-delà à franchir, dans une présidentielle le cap des 50 %.

L’unité doit se créer sur une aspiration profonde, sur une base politique identifiable et mobilisatrice. Additionner des roses de gauche et des poireaux du Modem ne correspond pas à cela.

Bien sûr, il faut convaincre au-delà des premiers rangs de la gauche : mais pas en perdant les derniers rangs…

Bien sûr, pour emporter une large victoire, il faut mordre sur la droite, le centre et tout le toutim… Mais cela peut (et doit) se faire par conviction, par ébranlement, par attraction, pas par capitulation, compromission, confusion.

Évidemment, il faut arracher des voix à la droite, à l’UMP, à l’ex UDF, aux autres clubs néo-gaullistes. Cela ne passe pas par des accords avec leurs dirigeants. Cela passe par la force des idées de la gauche unie et attractive.

Les débats, les accords, cela doit concerner la gauche, toute la gauche, pas le camp adverse.

Alors faut-il “ajouter le Modem” ? Non, car ce serait le conforter alors qu’il s’agit de l’assécher. Il ne devrait d’ailleurs pas y avoir de voix au prétendu "centre" si la gauche faisait vraiment son boulot contre la droite.

“Si vous voulez une majorité, il faut aller chercher les gens là où ils sont, pas là où vous êtes” : oui, mais grâce à vos bonnes idées, pas en copiant, en imitant ou en s’alignant sur les idées fausses des autres. Pas en approuvant la “retraite par points à 67 ans” du Modem, mais en détruisant cette idée réactionnaire pour faire gagner celle, progressiste, de la défense de la retraite à 60 ans.

Mais c’est vrai, il faut se bouger, militer, convaincre. Mener et gagner la bataille idéologique. Pas annoncer d’avance qu’on va y renoncer pour avoir plus d’alliés à n’importe quel prix.

Car l’essentiel des voix qui manquent à la gauche pour gagner une élection présidentielle, elles viennent de la gauche elle-même, de son électorat sociologique potentiel qui s’abstient.

C’est l’abstention, la pire ennemie de la gauche.

C’est ce sentiment créé - par la droite l’extrême droite et parfois par l’ultra-gauche - dans les couches populaires, que la gauche ne vaut pas mieux que la droite, que tout ça c’est pareil, que voter ne sert à rien.

Tout ce qui renvoie les deux camps dos-à-dos, qui supprime les différences de choix, de stratégie, qui trouble les lignes, décourage le vote ! Et c’est cela qui fait gagner la droite alors qu’elle est minoritaire !

Il y a 93 % de la population active qui est salariée. La salariat est majoritaire de façon écrasante. Il est exploité, mal, payé. Il y a 5 % de la population qui détient près de 50 % du patrimoine. Il y a 10 % qui détient moins de 1 %. Et il reste 85 % qui ne peut se partager que 50 % des richesses. Normalement, il devrait y avoir des majorités écrasantes pour la gauche.

Cela arrive parfois : en 2004, revanche sur 2002 et sur la loi Fillon contre les retraites, la gauche gagne 20 régions sur 22 et le PS a 30 % des voix aux Européennes. Dans notre pays en temps normal, la gauche est majoritaire en chiffres absolus, on l’a vu également en mars 2008 (2 villes sur 3 à gauche, 61 % des départements – sans le Modem, voire souvent contre lui ! ).

Mais quand le débat n’est pas clair, quand les lignes sont floues, quand les slogans-phares socialement ne sont pas attractifs, alors “on ne se bouge pas”, et vous pouvez toujours courir après le Modem comme Ségolène Royal en 2007, c’est trop tard, ça rate. Même si Bayrou avait appelé, cela aurait probablement raté, car cela relevait d’une combinaison contre-nature, pas d’une dynamique.

Le peuple de gauche sent l’authenticité, il reflue quand il sent la confusion, la démobilisation, l’absence de conviction.

En 1993, quand la droite avait gagné, elle avait moins de voix en chiffres absolus que ce qu’elle avait en 1981 quand elle avait perdu : elle n’avait pas progressé, c’est la gauche qui avait reflué.

Pareil, en 2002, la gauche était majoritaire, c’est à l’intérieur de la gauche que cela s’est joué, il y a eu un glissement de la gauche vers la gauche qui a fait que la campagne “modérée” de Lionel Jospin lui a fait manquer de 196 000 vox la présence au 2° tour alors qu’il aurait immanquablement gagné s’il y avait affronté Chirac.

Cohn-Bendit s’esclaffe, mais pour forcer le trait, pour tenter de faire passer une bien vieille et bien grosse combinaison de "troisième voie", il n’est pas le seul, en voulant marier l’eau et le feu, la droite et la gauche, derrière ses expressions grossières et forcées du type “ vous voulez une majorité oui ou merde”. Ce ton provoc’ lui sert à masquer la manoeuvre, mais c’en est une, bien sûr, et pas bien odorante. “Vous voulez la majorité, ajouter le Modem”, faites des concessions… veut dire au fond : “Vous voulez la majorité, renoncez à ce que vous êtes…”. Il tient à casser le clivage gauche-droite, il prétend n’être ni de gauche, ni de droite, ni du centre, ni du bas, ni du haut, il travaille à faire perdre les repères. Et le résultat si par malheur il était écouté serait l’échec.

Car, c’est quand les repères sont perdus, quand le clivage droite gauche n’est plus évident, que le peuple de gauche vote moins. Il y a 10 à 15 % des voix abstentionnistes (davantage encore aux Européennes du 7 juin) qui n’ont plus confiance à regagner : il faut pour cela une dynamique unitaire forte sur un programme fort, si vous affadissez l’affaire en “ajoutant” le Modem, c’est foutu d’avance. Un accord au sommet avec le Modem fera perdre plus que ce qu’il fera gagner : les exemples italiens et allemands sont là pour la prouver. Vous ne gagnerez même pas les voix restantes du Modem, et vous perdrez les voix de gauche.

Une fois que vous avez compris cela et mis cela en oeuvre, une dynamique unitaire de toute la gauche sur un vrai programme de gauche, alors qu’il y ait des électeurs ex-modem qui viennent, ce sera le résultat, pas le préalable.

Et quand il s’agit de scrutins de listes qui peuvent s’élargir au deuxième tour, pourquoi pas, mais pas au détriment de la clarté politique, pas au détriment des forces de gauche actives...

Ce n’est pas pareil quand, au plan local, des Modem qui se disent de gauche veulent rejoindre la gauche, c’est leur contradiction, que lorsque Ségolène Royal raconte dans son livre qu’elle est s’est rendue de nuit, dans le dos de son parti, dans le dos de la gauche, sans aucune “démocratie participative”, entre les deux tours de 2007, devant le logement de François Bayrou… pour lui proposer d’être Premier ministre….


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