Hongrie. Maria, une Rom, froidement abattue

lundi 24 août 2009.
 

Hongrie . Ce meurtre est le sixième en un an. La population rom est persuadée d’être confrontée à des meurtres racistes .

Budapest,

correspondance particulière.

Quel crime avait commis Maria B. pour être froidement exécutée en ce début du mois d’août ? Quel crime avaient commis Jeno Koka, Csaba Csorba, son fils de dix ans et tous les autres ? Probablement aucun, sinon celui d’être roms, d’appartenir à l’une des minorités ethniques les plus discriminées d’Europe et cela dans la plus profonde indifférence.

Maria B. vivait seule avec sa fille à la lisière du petit village de Kisleta quand elle a été assassinée par balles, très tôt lundi matin. Sa fille est hospitalisée à Debrecen (nord-est du pays) dans un état grave. La police hongroise n’a pas donné de détails mais d’ores et déjà ce crime rappelle une série d’autres commis ces derniers mois.

Les assassinats qui ont, depuis novembre, visé des Roms ont de nombreuses similitudes. Ils ont été commis dans des villages à forte population rom, les personnes visées habitaient souvent à la sortie du village. Les meurtres ont été perpétrés à l’aube ou très tard le soir. Jet de cocktails Molotov dans une maison pour en faire sortir les occupants avant de les abattre froidement, guet patient devant le domicile de Jeno Koka avant de l’abattre à distance, tous ces meurtres ressemblent à de vraies opérations de guerre, à des embuscades méticuleusement préméditées et exécutées.

En ce qui concerne les victimes, elles ne sont pas connues des services de police, n’ont aucun antécédent judiciaire, n’ont pas d’ennemis connus, n’ont pas de dettes, ne se sont jamais fait remarquer d’une façon ou d’une autre. Il semble que ces victimes aient été choisies au hasard du fait de leur appartenance à la minorité rom et à l’emplacement de leur domicile (à la sortie ou un peu à l’écart de petits villages habités par de nombreux Roms).

Malgré l’aide technique et scientifique apportée par le FBI américain, la police hongroise piétine. La petite fille blessée à Kisleta est trop choquée pour pouvoir parler mais la police espère qu’elle pourra bientôt leur donner des informations précieuses en tant que témoin oculaire. De plus, sans donner plus de précisions, la police a fait savoir que l’arme utilisée à Kisleta l’avait été dans d’autres attaques.

La police hongroise n’écarte aucune piste bien qu’elle prenne très au sérieux l’hypothèse d’une série de meurtres racistes. Le modus opératoire des meurtres laisse à penser qu’il pourrait s’agir d’individus ayant un entraînement militaire, la police pense à d’anciens légionnaires (de la Légion étrangère française, très nombreux en Hongrie), voire à d’anciens policiers !

Se pose également la question du vrai lien entre ces homicides. Plutôt qu’un groupe défini qui agirait dans différentes parties du pays, la police penche plutôt pour la thèse du « mimétisme », les premiers meurtres auraient encouragé d’autres personnes partageant leur haine des Roms à en commettre de semblables. L’impression que les agresseurs connaissaient bien la géographie des lieux étaye cette hypothèse. Bien qu’à mots couverts la police semble de plus en plus persuadée du mobile raciste de ces attaques et que celles-ci constituent bien une série cohérente. S’adressant aux médias hongrois mercredi 5 août Jozsef Bencze, chef de la police nationale hongroise, déclarait : « Il n’y a aucune raison de penser que la série (de meurtres) soit finie. La "philosophie" de ce type de crimes veut qu’ils se poursuivent tant que leurs auteurs sont en liberté, ces derniers préparent déjà leur prochaine attaque. »

Ces homicides ont lieu alors que la Hongrie connaît une recrudescence de l’extrême droite. Le racisme anti-rom qui imprègne la société hongroise s’est encore plus banalisé avec le développement du parti xénophobe Jobbik, qui a obtenu 14 % des suffrages aux élections européennes de juin 2009. Ce parti au discours anti-rom est à présent le troisième parti politique en Hongrie et après les législatives du printemps 2010 siégera très probablement au prochain Parlement hongrois.

Guillaume Carré


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