Obama, après la grâce, la ramasse

jeudi 13 août 2009.
 

En chute libre dans les sondages, Barack Obama doit sa disgrâce à ses cachotteries dans sa réforme du système de santé et à ses déclarations contradictoires dans l’affaire du professeur de Harvard Henry Louis Gates.

Les multiples sondages publiés ces dernières semaines montraient que la popularité de Barack Obama déclinait et que le taux de soutien à sa politique était en chute libre. Maintenant, le sondage le plus fiable d’entre tous, celui du Wall Street Journal et de la chaîne hertzienne NBC, confirme que les électeurs n’approuvent plus leur président élu.

Selon ce sondage effectué entre les 24 et 27 juillet et codirigé par un sondeur démocrate chevronné, Peter Hart, et un sondeur républicain expérimenté, Bill McInturff, le taux de popularité d’Obama, qui atteignait 61 % en avril, n’est plus que de 53% aujourd’hui. Et les 3 points au-dessus des 50% correspondent à la marge d’erreur de l’étude. C’est dire que l’Amérique est scindée en deux parties presque égales au sujet du locataire de la Maison Blanche… De son côté, le sondage du New York Times et de la chaîne CBS publié le 28 juillet montre un déclin de 10% de la popularité d’Obama depuis le mois d’avril.

Réforme du système de santé : 27 réunions secrètes

Plusieurs raisons expliquent ces mauvais résultats. A commencer par la question de l’assurance maladie et de la réforme du système de santé. Les États-Unis sont le seul des pays démocratiques développés à ne pas avoir de système national garantissant l’accès aux soins pour tous. Résultat : près de 50 millions d’Américains ne bénéficient d’aucune couverture médicale et — c’est une conséquence directe de ce phénomène — les États-Unis n’arrivent qu’en 33è position du taux de mortalité infantile. Très loin derrière le Japon (3è), la Corée du Sud (10è) ou la France (12è).

Le premier président américain à avoir proposé une assurance maladie nationale était Harry Truman en 1947. Mais son plan a été remisé aux oubliettes sous les cris de « socialisme ! ». Idem pour le plan (bien que de plus faible envergure) proposé par Bill Clinton en 1994 et connu sous le nom de « Hillarycare » car il a été conçu par son épouse, Hillary, aujourd’hui chef de Département d’Etat.

Le plan santé d’Obama, dont il a fait la priorité numéro un de sa politique intérieure, est encore plus restreint que celui des Clinton. Et pour cause : comme l’ont rapporté http://www.huffingtonpost.com/2009/... plusieurs quotidiens, entre février et juin de cette année, pendant la conception de son plan Obama a reçu 27 fois à la Maison Blanche les leaders de l’industrie de la santé (incluant des laboratoires pharmaceutiques et des compagnies d’assurance), traditionnellement et farouchement opposés à un plan gouvernemental d’assurance maladie.

La Maison Blanche a refusé dans un premier temps de communiquer à la presse le nombre de ces réunions avec ces lobbyistes et les noms des personnes reçues, trahissant ainsi la promesse de « transparence » du candidat Obama pendant la campagne présidentielle de 2008. A l’époque, il s’était offert le luxe d’attaquer à maintes reprises le vice-président Dick Cheney sur ses consultations secrètes avec les gros bonnets de l’industrie pendant la préparation des programmes gouvernementaux de l’administration Bush.

La révélation de ces réunions secrètes est tombée une heure à peine avant la grande conférence de presse de Barack Obama du 22 juillet, retransmise en prime sur toutes les chaînes de télévision et censée convaincre le grand public du bien fondé de son plan d’assurance maladie. Mais cette conférence, clé de voûte de la communication d’Obama autour de son plan a échoué et les commentateurs ont unanimement estimé que le président avait été trop « professoral » et pas assez terre-à-terre pour être compris par l’Américain moyen.

Le lundi 3 août, dans le sondage Wall Street Journal-NBC, 42% des sondés estiment que le plan santé d’Obama est une mauvaise idée et seulement 36 % des personnes interrogées l’approuvent. Soit moins dix points en un mois. Pire, 39% pensent qu’il ne fera qu’empirer la qualité de leurs soins médicaux, soit une hausse de 15 points du nombre de mécontents depuis avril.

Les démocrates font barrage au Congrès

Au Congrès, la fronde contre ce plan vient du propre parti du président. A la Chambre des Représentants, l’opposition est emmenée par les « Blue Dog Démocrates » (les « Chiens Bleus »), un caucus de l’aile droite du parti démocrate. Sur les 52 membres de ce caucus, 32 viennent des circonscriptions que le candidat républicain John McCain a remporté en 2008. Ironie du sort, la plupart de ces « Blue Dogs » ont été recrutés par Rahm Emmanuel, dit « Rahmbo, » l’actuel (et musclé) secrétaire général de la Maison Blanche, quand il dirigeait le comité des démocrates de la Chambre chargé des campagnes électorales pour les législatives de 2006 et 2008. Maintenant, « Rahmbo » est obligé de passer une grande partie de son temps à supplier les membres de la Chambre qu’il a lui-même adoubé de soutenir leur président. En vain.

Au Sénat, le chef de la Commission des finances, le sénateur démocrate (de droite) Max Baucus de l’Etat du Montana, mène une opposition de plus en plus publique au plan santé d’Obama, soutenu par une majorité des démocrates de centre-droit qui siègent dans cette commission. Obama avait demandé un vote rapide de son plan, mais le Congrès vient de l’ajourner pour cause de vacances d’été. Il est maintenant fort à parier qu’avec un Obama de plus en plus affaibli dans les sondages, le plan sera émasculé par les puissants lobbies de l’industrie médicale avant même d’être voté.

Les autres chiffres du nouveau sondage du Wall Street Journal-NBC sont tout aussi déprimants pour la Maison Blanche. 43% des sondés trouvent que le plan de relance de l’économie d’Obama est une « mauvaise idée » contre seulement 34% qui pensent le contraire. Et 67% des personnes interrogées estiment que les plans économiques du président n’aideront « pas beaucoup » ou « pas du tout » à remettre l’économie américaine sur la bonne voie, tandis que 58% pensent que la crise n’a pas encore atteint son apogée.

L’affaire Gates, une nuisance de plus

L’affaire Henry Louis Gates a fragilisé Obama dans les sondages L’affaire hyper médiatisée de l’arrestation à son propre domicile du Professeur Henry Louis Gates, qui enseigne à l’université de Harvard et qui a été embarqué menotté par la police, a aussi bien nuit à l’image de Barack Obama. Car, dans un premier temps, le président a dénoncé l’arrestation du plus célèbre universitaire noir comme « stupide » avant de faire marche arrière quelques heures plus tard lors d’une apparition surprise dans la salle de presse de la Maison Blanche au cours de laquelle il a fait son mea culpa et retiré ses mots envers la police.

Comme le chroniqueur noir du New York Times, Bob Herbert, l’a brillamment écrit le 1er août au sujet de la volte-face d’Obama, « Obama préfèrerait de loin marcher sur du feu plutôt que de parler des questions raciales… Le message envoyé au public est que de puissants leaders afro-américains comme monsieur Gates et le président Obama seront baffés en public jusqu’à la soumission s’ils parlent haut et fort de la mauvaise conduite de la police, et que la réponse à avoir si vous êtes ciblé par la police à cause de votre race est de vous calmer et de vous taire. Je n’ai que du mépris pour ce message. »

Dans le sondage Wall Street Journal-NBC, effectué après l’affaire Gates, ils ne sont plus que 26% à faire confiance à Obama pour qu’il soit un « homme de parole » tandis que seulement 35% pensent qu’Obama est « constant dans la défense de ses idées. » C’est le meilleur indice que l’Obamamania américaine touche à sa fin et que, de plus en plus, le président est perçu comme un politicien comme les autres…

par Doug Ireland


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