Couvre-feu sur le Xinjiang

vendredi 10 juillet 2009.
 

Chine . De nouveaux troubles ont éclaté hier à ürümqi, capitale de cette province, deux jours après les sanglantes émeutes ethniques qui ont fait cent cinquante morts.

Un couvre-feu a été décrété hier sur tout le territoire du Xinjiang après les émeutes sanglantes de ces derniers jours qui se sont soldées par au moins 156 morts et plus d’un millier de blessés. Mais la tension demeure telle que les risques sont grands de voir la situation dégénérer en affrontements ethniques. Hier, des centaines de Han armés de bâtons, de pelles et de hachoirs sont descendus dans les rues d’ürümqi, capitale de la province. Ils ont été stoppés par la police, laquelle a violemment dispersé une autre manifestation d’Ouïgours qui réclamaient la libération de leurs proches. Depuis dimanche, il y aurait eu mille quatre cent trente-quatre arrestations.

de nouveaux heurts à Kashgar et à Aksu

Si ürümqi demeure fortement quadrillée, de nouveaux heurts auraient éclaté dans d’autres cités du Xinjiang comme à Kashgar et à Aksu, zone frontalière qui a déjà été le théâtre d’affrontements ethniques à la fin des années 1990. Période où les troubles se sont intensifiés après le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan et l’indépendance des trois républiques musulmanes de l’ex-URSS, le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizistan. En avril 1990, les émeutes, près de Kashgar, avaient fait 22 morts officiellement, et au moins 60, de source occidentale. À partir de cette période, la présence des Han, l’une des 47 ethnies de cette vaste province aride mais riche en hydrocarbures, est devenue significative de la mainmise accrue du gouvernement central : la communauté est passée de 6 % à 40 % de la population.

Mais ce fut aussi la conséquence directe de la politique de développement dite du Programme d’ouverture de l’Ouest, lancée en 1998, destinée à accroître les infrastructures pour désenclaver la région et à favoriser les investissements étrangers. Une stratégie qui fut en définitive plus favorable à l’installation de commerçants et promoteurs Han au détriment d’autres ethnies autochtones. Celles-ci souvent moins éduquées sont marginalisées tant sur le plan politique qu’économique, alimentant des frustrations déjà anciennes.

Depuis des siècles, les relations sont tendues entre communautés turcophones sunnites influencées par le soufisme d’Asie centrale et les Han, qu’ils viennent de la Chine impériale ou de la République populaire. Le conflit idéologique entre Pékin et Moscou durant les décennies 1960 et 70 a envenimé la situation, l’URSS encourageant les visées nationalistes et séparatistes ouïgours. En réponse, Pékin a militarisé cette province stratégique, aux 5 800 kilomètres de frontières, limitrophe de pays hostiles. Bon nombre des soldats envoyés par Mao ont été « invités » à s’installer dans ces zones, y recevant des terres et des aides pour y développer l’agriculture.

groupuscules intégristes

La période suivant le 11 septembre 2001 conduisit Pékin à durcir un peu plus sa politique au Xinjiang, à un moment où l’on assistait à une certaine réislamisation des populations musulmanes les plus conservatrices de la région. Des combattants ouïgours ont été arrêtés en Afghanistan après la chute des talibans en novembre 2001. Mais si le courant radical est loin de toucher l’ensemble de la population musulmane, des groupuscules intégristes sont actifs. Cette frange extrémiste pourrait trouver de plus en plus d’écho. Nombre d’Ouïgours imputent les violences de dimanche à un incident en apparence bénin mais révélateur du fossé entre les deux ethnies : une grande bagarre ayant opposé fin juin des Han et des Ouïgours dans une usine de jouets du Guangdong (Sud).

Dominique Bari


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