Débattre ou critiquer les affirmations de Ségolène Royal : est-ce diviser la gauche ?

dimanche 8 octobre 2006.
 

Discuter le point de vue de Ségolène Royal ce serait diviser la gauche. Donc nous devrions l’approuver quoiqu’elle dise ? Et si c’était ce qu’elle dit qui divisait la gauche ? Et si chaque fois qu’elle ouvre la bouche nous n’étions pas en train de perdre des voix ? Au premier et au second tour !

Comment comptez vous convaincre les gens de gauche de voter la fin de la carte scolaire quand ils savent que cette revendication est celle de l’extrême droite des années 80 ?

Et les familles de français qui ont des parents immigrés à qui on propose pour avenir à leur proches le permis de séjour saisonnier et régionalisé ?

Et tous ceux qui pensent que l’armée n’à pas le savoir faire pédagogique pour encadrer de jeunes « au premier acte de délinquance » ?

Et ceux qui n’ont pas voulu de la tutelle des allocations familiales décidées par Sarkozy et n’en veulent pas davantage sous couleur Royal ? Et ainsi de suite.

Royal divise la gauche chaque fois qu’elle transgresse les fondamentaux de notre famille politique. Et si, comme c’est son droit elle décide de le faire et d’en assumer le risque, cela ne donne pas le droit à ses partisans d’exiger de nous le silence avec les méthodes du terrorisme intellectuel qui rappelle les pires crises d’arrogance du « oui » pendant le référendum sur la Constitution européenne.

Hier, qui était pour le « non » était contre l’Europe. Aujourd’hui qui contredit Ségolène Royal diviserait la gauche. En constatant la violence des propos qui me sont adressés sur le sujet je me suis demandé quelle pouvait en être le ressort car je vois bien que ceux qui m’écrivent sont tout aussi sincères dans leur convictions que je le suis moi-même dans les miennes.

D’après moi, ceux qui s’enragent à vouloir faire taire les critiques expriment en réalité la peur de ce qu’ils constatent eux-mêmes autour d’eux. C’est-à-dire que si certes elle soulève des adhésions enthousiastes, elle est aussi en train d’installer des rejets tout aussi violents dans des secteurs de la gauche dont les voix au premier ou au deuxième tour ne seront pas compensées par les très hypothétiques voix de droite ou du centre que ses conversions idéologiques veulent capter.

Une ligne de facture est en train de se créer à partir des transgressions de Ségolène Royal. Elle passe à l’intérieur de la gauche et pas seulement parmi les adhérents du PS. Quand des enseignants des Bouches du Rhône s’opposent à la visite de Ségolène Royal dans un collège du département, on sait bien que leurs motivations ne sont pas fondées sur des arguments personnels ou même politiques (dans le sens où ils n’expriment pas d’hostilité à sa candidature ni au PS en tant que parti).

Il n’en reste pas moins que cela prouve une rupture de complicité, un manque d’accointance d’ores et déjà consommé à sept mois de l’élection dans un milieu social crucial pour la gauche. Je donne un autre exemple de cette mauvaise ambiance qui gagne du terrain tandis que continuent à sonner les trompes de l’adoration médiatique perpétuelle. Les commentateurs ne se sont pas intéressés comme cela le mérite à une déclaration particulièrement importante de Marie Georges Buffet sur RTL avant la fête de l’Humanité. La secrétaire nationale du PCF dit que les communistes se désisteront sans condition pour le candidat de gauche le mieux placé, « même si c’est Ségolène Royal », a-t-elle souligné.

Mais elle a ajouté que « sur la base de la politique que Ségolène Royal énonce aujourd’hui » les communistes ne pourraient pas participer au gouvernement.... L’idée qu’il faille préciser « même si c’est Ségolène Royal » en dit long déjà. La formule contient une appréciation implicite qui n’est pas le fait de la seule Marie Georges Buffet. On peut même dire qu’elle tente au contraire d’y répondre en s’exprimant de cette façon. Il n’empêche.

Imaginons le contexte d’un second tour qui commencerait par un désistement certes « sans condition » mais accompagné d’un refus, même discret, de participation des communistes au gouvernement....

Comment en est-on déjà là ? La capacité de rassemblement et de conquête de la gauche est mise en danger par le positionnement programmatique et le jeu d’hallucination médiatique de la campagne de Ségolène Royal. C’est le fond et non la forme qui fait d’ores et déjà le problème. Lisez plutôt cette échange publié par el Pais (17/09/2006).

Question :"même s’il continue à se dire que vous n’ètes pas suffisemment a gauche ?" Réponse de Ségolène Royal : "Ils disent cela parce que je regarde les choses telles qu’elles sont, j’évite les formules dépassées, l’idée que tout ce que fait la gauche est bon et que tout ce que fait la droite est mauvais. Les gens ne veulent plus rien de cela". Dès lors, Marine Le Pen sent la bonne affaire quand elle dit que le duel Sarkozy/Royal c’est « la primaire au centre » (France Soir). Elle veut dire que les conditions d’une réédition du second tour de 2002 se réunissent avec un seul point assuré : la présence de Le Pen au second tour. Le scandale moral est que cette menace soit brandie comme un bâillon par ceux là mêmes qui aggravent ce risque !


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message