Les architectes français sous la menace de la directive Bolkestein (article unitaire Front de Gauche)

vendredi 10 juillet 2009.
 

On sait que les architectes constituent une profession libérale régie par un Ordre. Il y a aussi une Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes (UNSFA), mais ses pouvoirs d’intervention dans la vie de la profession sont plus limités. En France, le maître mot de ces instances est l’indépendance de l’architecte vis-à-vis tant des pouvoirs publics que des entreprises de BTP et des groupes financiers.

Or, ne voilà-t-il pas que cette profession découvre l’impact de la directive services (ex Bolkestein) sur son avenir :

S’appuyant sur une jurisprudence de la Cour Européenne de Justice appliquée aux laboratoires d’analyse médicale, la Commission estime que la règle de la détention du capital par une majorité d’architectes ne se justifie pas par des raisons impérieuses d’intérêt général dont elle donne une liste d’ailleurs non exhaustive (ordre public, sécurité publique, santé publique, protection de l’environnement, protection des consommateurs et objectifs de politique sociale) et doit être remplacée par des mesures moins contraignantes.

En d’autres termes, la Commission engage le gouvernement français à modifier la loi sur l’architecture de 2003 pour permettre aux différents acteurs de la maîtrise d’oeuvre et de la construction de détenir la majorité du capital des sociétés d’architecture. Toutefois, consciente de ce que la profession d’architecte est libérale et réglementée, elle propose, afin d’éviter des conflits d’intérêts trop flagrants, d’exclure de l’accès à la majorité du capital, certaines professions telles que promoteurs, constructeurs, fabricants ou marchands de matériaux.

On sait que la directive services doit être transposée en France avant la fin de 2009. Or, si Sarkozy n’est pas avare de beaux discours sur la création architecturale, notamment à l’occasion de sa visite de l’exposition sur le Grand Paris (au cours de laquelle il avait instrumentalisé les 10 équipes d’architectes) pour leur faire servir ses desseins politiciens, il se trouve que son gouvernement accentue sur le sujet sa politique libérale : sous couvert de prudence juridique, le ministère des Finances propose d’ouvrir largement le capital des sociétés d’architecture aux acteurs de la maîtrise d’oeuvre (ingénieurs, économistes, etc., mais aussi maîtres d’oeuvre en bâtiment) et de déconnecter la détention du capital des pouvoirs de direction de la société. Ce qui signifie que des sociétés d’ingénierie, elles mêmes filiales de grands groupes, pourront prendre le contrôle d’agences d’architecture, souvent en difficulté financière à l’export.

Si on ajoute à cela l’augmentation préconisée par Bruxelles et appliquée en France des PPP (partenariats public-privé) qui conduisent à des réponses globales à des marchés publics, sous la direction de groupes financiers ou de groupes de BTP, on constate que le scénario est tout tracé : Quelques grosses structures intégrées d’ingénierie et d’architecture susceptibles de concourir à l’international avec des architectes stars et des petites agences réduites à des marchés locaux souvent peu rentables.

Il n’est que temps pour la profession de se dégager de son superbe isolement et de dire, avec beaucoup d’autres syndicats professionnels, à quel point, ce projet européen, transposé fidèlement en France, est contraire à l’idée qu’ils se font de l’intérêt général.


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