Nicolas Sarkozy, son emprunt d’état et sa STRATEGIE D’APPAUVRISSEMENT DE L’ETAT

mardi 14 juillet 2009.
 

Une rente nommée emprunt

Après mon passage sur France Inter, j’ai reçu pas mal d’appels personnels, de mails et de SMS. Sans que j’en prenne la mesure sur le moment, mon argumentation à propos de l’emprunt a paru très intéressante à de nombreux amis. Ils m’ont donc demandé de reprendre par écrit mes arguments de manière à ce que chacun puisse les utiliser de son côté. Je le fais avec plaisir car je me suis bien amusé d’apprendre la pauvreté des arguments présentés par le PS sur le même sujet, Quand il dit quelque chose, bien sûr, et quand celui qui parle n’approuve pas Sarkozy !

Ma ligne argumentaire est la suivante. Je pars du fait. Un emprunt va être lancé. Mais on ne sait pas pourquoi faire. D’habitude on sait d’abord ce qu’on va faire, non ? Puis on cherche le moyen de le financer. Cette inversion fait sentir le loup dans la bergerie. Mais avant de le désigner il faut faire une pause et reprendre la réflexion. Si l’on emprunte c’est qu’on n’a pas. Ou pas tout. Pourquoi l’État de la sixième puissance économique du monde n’a-t-il pas de quoi ? Réponse : parce qu’il a été méthodiquement appauvri. Bon. De tout cela je donnerai plus loin des détails chiffrés.

Et maintenant venons en au loup. Qui va acheter des emprunts de l’État ? Ceux qui ont de quoi. Ceux qui ont des réserves qu’ils peuvent immobiliser. Vu ? Ça veut déjà dire qui ce ne sera pas. Qui n’a pas de réserve a immobiliser dans un emprunt ? Je ne fais pas un dessin, tout le monde a compris. Donc je peux renverser la question : qui a des réserves ? Devinez. Ceux là ont pourtant déjà été servis avec le bouclier fiscal, non ? Justement. C’est là le moche de l’opération. Ceux qui ont reçu un chèque de l’État pour leur rembourser des impôts du fait du bouclier fiscal contribuent moins à l’effort commun. Ceux là vont maintenant recevoir davantage de la collectivité. Non seulement ils continueront comme les autres à bénéficier des services publics et de tout ce qui est payé par l’impôt de tous, mais en plus ils vont recevoir davantage. Ils vont recevoir quelque chose de plus que tous les autres qu’ils aident moins. Et que tous les autres vont se cotiser pour leur donner. Quoi ? L’intérêt de l’emprunt auquel ils vont pouvoir souscrire avec l’argent reversé par l’État du fait du bouclier fiscal. 3 506 contribuables les plus aisés ont touché un chèque moyen de 116 000 euros. Ils peuvent s’en servir pour acheter de l’emprunt Sarkozy. Donc qu’est ce que cet emprunt ? Une rente de l’Etat servie aux riches contribuables.

LA STRATEGIE D’APPAUVRISSEMENT DE L’ETAT

Nicolas Sarkozy sait parfaitement à quoi s’en tenir car c’est déjà lui qui avait supervisé en 1993 l’emprunt Balladur comme ministre du budget. Un emprunt qui a coûté en intérêts servis plus de 4 milliards de francs à l’État et qui a été remboursé grâce à des privatisations entre 1993 et 1995 (BNP et Elf Aquitaine notamment) ! Pour bien comprendre le côté combine irresponsable de cette affaire, il faut savoir que depuis 30 ans, tous les gouvernements de droite ont été les champions de l’endettement car ils ont organisé l’appauvrissement de l’État. Le gouvernement Balladur dans lequel siégeait le petit Nicolas a multiplié par quatre la dette de l’État.

En euros constants, les intérêts de la dette ont été multipliés par trois depuis 30 ans. Dans le même temps les investissements de l’État ont été divisés par 2. Depuis 2002, alors que la dette avait diminué sous Jospin, la dette est passée de 57 % du PIB à 67 % du PIB aujourd’hui. Car contrairement aux idées reçues, les recettes de l’État reculent depuis 20 ans ! Elles représentaient 21 % du PIB dans les années 1980. Elles n’en représentent plus que 17 % aujourd’hui. Cela constitue une perte de recettes de 60 milliards annuels. Cette érosion des recettes de l’État a été organisée via des baisses régulières d’impôts. Mais aussi par la vente des entreprises nationales qui rapportaient à l’État d’importants revenus.

Voyons cela. Depuis 2002, les réformes fiscales cumulées ont amputé de 30 milliards de recettes annuelles l’impôt sur le revenu, l’ISF et les droits de succession. Rien que le paquet fiscal 2007 de Sarkozy fait perdre 7 milliards par an à l’État : 2 milliards de droits de succession, un demi milliard de bouclier fiscal … Les niches fiscales ont atteint un montant de 73 milliards annuels de manque à gagner pour l’État via des exonérations ou réductions d’impôts sur le revenu ou d’ISF ! 85 % des réductions d’impôts bénéficient aux 10 % des foyers les plus riches. Exemple de niches fiscales discutables : exonérations des revenus d’actions possédés par les salariés et mandataires sociaux, exonérations des revenus d’actions avec pacte d’actionnaires, exonération et abattement pour investissement immobilier locatif …réductions d’impôts pour emploi de personne à domicile. Résultat : l’impôt sur le revenu ne représente plus que 17 % environ des recettes fiscales, contre près de 22 % en 1993.

Vient a présent mon deuxième argument concernant l’appauvrissement de l’État. On n’en parle jamais. Il s’agit des privatisations. Les privatisations qui amputent l’État de revenus durables. De 2002 à 2007, les gouvernements de droite ont vendu pour 47 milliards d’euros en privatisations. C’est le double de la période 1997-2002. Le record absolu de privatisation a été atteint en 2006 avec 17 milliards de ventes annuelles. Aujourd’hui il ne reste plus qu’une centaine de milliards (essentiellement EDF) et l’État s’est privé de ressources annuelles considérables. Quelques exemples de profits annuels d’ex entreprises publiques :

* GDF Suez 6,5 milliards de profits 2008 (privatisé par Sarkozy en 2007)

* France Télécom 4 milliards de profits 2008 (privatisation lancée par DSK en 1998 et achevée par les gouvernements Raffarin et Villepin)

* Total 10,4 milliards de profits 2008 (privatisation débutée en 1986 et achevée en 1993-1995 par Balladur-Sarkozy)

* Et même la BNP (privatisée en 1993 par Balladur-Sarkozy) 3 milliards de profits 2008.

Cette liste incomplète représente 23 milliards de moins dans les caisses de l’État pour 2009. Deux fois le déficit de la sécu. Vous avez bien lu ? Et pour quel mieux collectif tout cela a-t-il été vendu, et perdu ? Dès que je reprends la plume sur ce blog je vais traiter de ce sujet : nos marges de manoeuvre financières.


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