6 mois de prison pour un vol de 5 euros

mercredi 17 juin 2009.
 

« Dans la nuit du 8 au 9 juin, il force avec des outils la porte du modeste magasin de vêtements d’occasion Méli-Mélo, rue du Sud à Dunkerque. La police, qui effectue une patrouille, trouve suspect la porte de la boutique ouverte en pleine nuit. Les fonctionnaires entrent et distinguent un homme derrière un comptoir. Avec ses outils, il s’affaire à ouvrir une mallette. La fouille révélera que Farid a volé une paire de lunettes de soleil 5 € sur un présentoir.

« Je voudrais un travail d’intérêt général, un énorme sursis pour me calmer », demande Farid au tribunal. Il sort tout juste de prison. « Mais la prison, ça ne me réinsère pas. Ce qu’il me faut c’est un truc où on m’oblige à travailler. » La substitut du procureur abonde dans ce sens. Une peine plancher de deux ans d’emprisonnement pour un vol de lunettes à 5 €, ça paraît excessif. « Comme il ne peut pas déroger à cette peine, je demande 24 mois de prison assortis dans leur totalité d’un sursis mise à l’épreuve, avec obligation de soin et de travail. » La défense insiste sur la possibilité d’individualiser la peine et plaide pour un sursis-TIG : « Il peut trouver le courage de travailler. » Le tribunal a été plus sévère en condamnant Farid à deux ans de prison dont dix-huit mois assortis du sursis mise à l’épreuve. Il est ainsi parti en détention pour six mois. »

Je résume.

Farid, qui sort de taule, est pris en flagrant délit de vol, vol dans un magasin de vêtements d’occasion avec pour butin une paire de lunettes de 5 €. Je suis d’accord : il y a mieux à faire. Ce qui lui vaut un passage en comparution immédiate. S’applique la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 sur les peines plancher en cas de récidive, mais le résultat serait tellement monstrueux, deux ans fermes par application de l’article 132-19-1 alinéa 1, que le procureur retient l’exception prévue par l’aliéna 2 du même article, et qui permet d’échapper à l’automaticité de la loi : la réquisition est de 24 mois de prison avec un sursis dit de mise à l’épreuve, Farid ayant l’obligation de se soigner, car il a quand même la tête bien en vrac, et de travailler, ce qui est une vertu. Donc si le tribunal suit, Farid reste libre, mais il doit se faire soigner et travailler, faute de quoi il repart en taule pour deux ans. Impec ! Depuis 1764, on étudie Beccaria, et ça marche !

L’avocat en ajoute une couche : Farid est d’accord pour travailler gratis pour une collectivité, ce qu’on appelle le travail d’intérêt général, défini par l’article 131-8.

Mais le tribunal, dans son immense sagesse, en a décidé autrement. Obligation de se soigner et de travailler, oui, mais d’abord 6 mois de prison ferme. Soit, vu le montant du butin de 5 €, un mois de prison pour 0,80 € !

Je me permets de conseiller au tribunal de grande instance de Dunkerque une visite sur le site du Ministère de la justice, présentant les objectifs du travail d’intérêt général :

- Sanctionner le condamné en lui faisant effectuer une activité au profit de la société, dans une démarche réparatrice, tout en lui laissant la possibilité d’assumer ses responsabilités familiales, sociales et matérielles ;

- Permettre au tribunal d’éviter de prononcer une peine d’emprisonnement de courte durée, dès lors qu’elle ne s’avère pas indispensable eu égard à la personnalité du condamné et à la gravité des faits qui lui sont reprochés.

- Impliquer la collectivité dans un dispositif de réinsertion sociale des condamnés.

Mais le Tribunal de grande instance de Dunkerque a raison : le ministère est dirigé par une équipe de doux rêveurs, aussi angéliques qu’utopiques, et un peu de fermeté ne sera que justice. Dans l’immédiat, j’attends le prochain jugement qui battra le record, mais 6 mois pour 5 euros, c’est du niveau olympique, et cela devrait tenir un moment.


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