Vietnam : « doi-moi » et crise mondiale

jeudi 18 juin 2009.
 

Le monde est en train de changer de bases. D’Asie en Amérique Latine en passant par les autres continents, les effets dévastateurs de la crise historique du capitalisme ne conduisent nullement au pessimisme. Au-delà des résistances, des novations originales naissent et se confortent. Par exemple regardons du côté du Vietnam ! En charge des responsabilités dans les importantes relations et coopérations que la région Poitou-Charentes entretient depuis quinze ans avec le Vietnam, j’ai pu pénétrer au coeur d’un pays qui, après quarante années de guerres terribles, a connu des évolutions fantastiques. Sur chaque dossier j’ai pu mesurer l’importance des avancées, la nature des problèmes qui persistent ou qui apparaissent. En tant que communiste j’ai trouvé un intérêt particulier dans un pays qui, bien avant la décomposition des pays est-européens dits « socialistes », s’est engagé dans la recherche de voies nouvelles : le doi-moi ou politique de renouveau (1).

Des évolutions spectaculaires… Le Vietnam a évolué de façon spectaculaire : taux de croissance proche de 7 %, doublement du niveau de vie moyen, etc. Engagé dans une « économie de marché à orientation socialiste » dont l’objectif était de répondre aux besoins impérieux d’éducation, d’emplois, de progrès social pour une population qui est passée de quarante millions à quatre-vingts millions d’habitants et qui dépassera prochainement les cent millions. Les besoins ont tendance à croître plus rapidement que la croissance elle-même… C’est stimulant pour le développement, tout en générant de nouvelles contradictions. Des inégalités persistent ou se développent même si le rapport du PNUD (2) met en évidence le fait que le Vietnam est un des rares pays dans le monde où l’on peut noter d’importants progrès dans le recul de la pauvreté. Le Vietnam n’a pas mis en coupe réglée son agriculture sous la domination des institutions financières ; ses choix politiques s’inscrivent dans la globalisation mondiale mais à l’inverse des théories de la légitimisation du capitalisme, c’est-à-dire de la libéralisation des mouvements des capitaux, de la privatisation des biens communs ; quelles différences l’on doit constater avec le Bangladesh, Madagascar, par exemple : on ne peut donc être étonné du silence que les médias observent à l’égard du Vietnam. Nous sommes aux antipodes des principes du libéralisme : le marché est considéré comme un moyen et non comme un but. Des questions nouvelles émergent et prennent une importance de plus en plus forte : d’une part, assurer un type de développement durable, économe des ressources naturelles ; d’autre part, donner de nouvelles dimensions aux rapports entre les pouvoirs, la société et les individus.

… confrontées à la crise mondiale Ce développement a naturellement percuté sur la crise mondiale du capitalisme financier. Cela s’est exprimé dans des formes particulières avec une inflation à 23 % sur l’année 2008, mettant en cause la progression des niveaux de vie ; des difficultés dans certains secteurs de production ont pris une certaine ampleur (selon les médias locaux quatorze entreprises et quatre mille emplois ont été mis en cause à Ho-Chi-Minh ville. Cela oblitère incontestablement les objectifs et tendances dans lesquels le Vietnam est engagé. Mais force est de constater que la marche en avant n’a pas pour autant été stoppée. Le taux de croissance s’est stabilisé à 6,2 %, la récolte du riz est supérieure de 2,6 millions de tonnes à celle de 2007. Le déficit commercial s’est creusé mais a été compensé par une très forte hausse des investissements permettant la poursuite de la création d’emplois et dopant la monnaie. La Bourse est en baisse mais le développement industriel se poursuit, l’économie et le commerce se stabilisent. Nous sommes très loin des tendances mondiales même si de nouvelles aggravations prévisibles de la crise mondiale du capitalisme pourraient avoir encore des contrecoups sévères au Vietnam comme ailleurs. Pourquoi en est-il ainsi ? D’abord parce que le Vietnam a fait des choix politiques de développement qui ne nourrissent pas les mécanismes mêmes de la crise. Le Vietnam subit les conséquences de la crise mais il n’est pas à l’origine de la crise ; il a même les moyens de s’en protéger. Le Vietnam a besoin dans son développement d’apports financiers mondiaux mais il s’appuie d’abord sur son marché intérieur ; il a conservé les moyens d’une maîtrise globale - y compris financière - de son économie. Les atouts du Vietnam sont politiques : le choix d’une économie de marché à orientation socialiste permet au Vietnam de maintenir son cap à travers les secousses planétaires. Après la réunion du Comité central du Parti communiste vietnamien, le premier ministre a présenté en octobre les mesures pour faire face aux énormes taux d’inflation et au déficit commercial. Certes, il a réduit des dépenses publiques et relevé les taux d’intérêt mais son premier souci a été de veiller à l’augmentation du niveau de vie - notamment pour faire reculer la pauvreté et accorder une très grande attention au monde rural. Le Comité économique et social pour l’Asie et le Pacifique (3) et la Banque asiatique de développement (BAD) viennent de publier leurs rapports économiques et sociaux annuels ; ils confirment le jugement du président de la Banque mondiale : le Vietnam est « un exemple de réussite dans l’histoire du développement » et devrait bientôt passer dans le groupe des pays à revenus moyens. Avec la crise historique du capitalisme la « ré-emergence » de vieilles civilisations comme en Chine, aux Indes, au Vietnam doit retenir une attention particulière car il y a là des éléments importants pour une nouvelle étape du développement de l’humanité. Les valeurs humaines ne peuvent avoir une dimension universelle qu’en intégrant tous les apports des civilisations de la planète.

Par Paul Fromonteil, vice-président (PCF) de la région Poitou-Charentes.

(1) La politique du renouveau (doi-moi) a été décidée en 1986 lors du VIe Congrès du Parti communiste vietnamien après la période de difficultés qui a suivi la réunification et l’indépendance. Il s’agissait de répondre aux objectifs de développement et d’entrée dans le mouvement du monde. (2) (Programme des Nations unies pour le développement). (3) CESAP : organisation régionale de l’ONU.


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