La candidature Ségolène Royal a pour objectif de transformer le Parti socialiste en une gauche à l’américaine (Allain Graux, Dijon, le 28 septembre 2006)

mardi 28 septembre 2021.
 

La candidature de Mme Royal s’inscrit dans un contexte de modifications internes au Parti socialiste français et d’une normalisation dans le cadre de la social-démocratie européenne du principal parti de la gauche réformiste en France.

Il faut la relier à la campagne d’adhésions de ces adhérents à 20 €, qui devaient décider du projet socialiste et n’ont fait qu’avaliser pour 10 % d’entre eux des propositions vagues élaborées plus au sommet que dans les forums. N’était-ce qu’une campagne d’agitation, « d’agit-prop ! ». Ces sympathisants ont adhéré provisoirement (85 000) parce qu’ils pensaient pouvoir influer sur la désignation du candidat. Mais on constate que le vote est déjà mis sous influence...

Ségolène, comme le clan de la direction hollandaise ont un projet, non celui de la gauche mais celui de transformer le PS en un parti de supporters, à défaut d’être un parti populaire de masse - ce qu’il n’a jamais été depuis la création du PSU (SFIO) en 1905 par Jean Jaurès. Il n’a jamais eu de véritable base ouvrière sauf dans le Nord et le Sud (Socialisme municipal). Il était le parti laïque et socialiste, héritier de la tradition républicaine du radicalisme. Il est aujourd’hui un parti des couches moyennes réformistes de gauche, de type électoraliste, dominé par des notables élus et leurs affidés présents dans l’appareil.

« Le militant politique serait devenu superflu, et même encombrant...avec l’effondrement des grandes idéologies messianiques du siècle dernier et l’avènement de la société d’hyperconsommation » (Henri Weber, secrétaire national du PS et partisan de Laurent Fabius)

C’est François Rebsamen, le puissant secrétaire aux fédérations et de la coordination, qui est le véritable maître d’œuvre de cette transformation du PS en en parti démocrate à l’américaine. Il veut étendre l’influence du PS sur l’ensemble du centre et de la gauche réformiste et repousser les tendances de la Gauche antilibérale à l’extérieur du parti pour les radicaliser et les marginaliser. C’est la signification du ralliement d’Arnaud Montebourg à la candidature royale...

Ségolène

Elle a voulu contourner le parti en s’adressant directement à l’électorat car elle ne disposait pas d’une base et de relais solides à l’intérieur de l’appareil. En respectant les procédures habituelles, elle savait ne pas pouvoir parvenir à s’imposer face à ceux qui sont qualifiés d’éléphants et qui disposent d’écuries présidentielles depuis longtemps. Le PS est déjà organisé en fonction de la compétition pour gagner cette élection dont dépend tout le système politique français : une monarchie élective.

Elle flatte donc l’électorat populaire par des propositions populistes sur les insécurités :

- la politique sécuritaire, point faible de la Gauche dans l’opinion publique, en chassant sur le terrain traditionnel de la Droite et de l’extrême-droite, proposant des mesures iconoclastes : la militarisation du « redressement », de la rééducation de la jeunesse délinquante.

- La précarité en critiquant - à juste titre d’ailleurs - l’application de la loi Aubry sur les 35 heures, qui a précarisé davantage les classes populaires et limité leur pouvoir d’achat alors qu’elle profitait aux cadres moyens (à juste titre aussi) et aux salariés des grandes entreprises où les syndicats étaient suffisamment puissants pour négocier

Deux thèmes qui touchent l’électorat populaire qui avait fait défaut à Jospin en 2002.

Elle emploie un langage qui ressemble à un parler vrai alors qu’elle ne dit que des banalités par ailleurs. Ce sont les seules mesures concrètes et précises qu’elle a proposées. Les autres thèmes restent flou et généraux. Elle ne fait pas de promesse, ne propose pas un catalogue de mesures. Comme cela, elle n’aura aucun mal à les tenir et peut se targuer de ne pas en faire. Elle se contente de thèmes vagues et dépourvus d’idéologie. Les choix ne sont plus sur le type de société, le libéralisme étant admis comme indépassable, mais portent sur l’adaptation au système pour en corriger les aspects les plus gênants.

Face à cette remise en cause des principes du socialisme, la vieille garde laïque et républicaine a réagi et tente d’opérer un regroupement autour de Jospin, proposé comme l’antidote à la destructuration ségoléniste et offre de rassembler toute la Gauche traditionnelle dans une nouvelle version de la défunte gauche plurielle.

François Rebsamen en demandant aux candidats du magma majoritaire de se désister a voulu contrer une conjonction des écuries présidentielles autour de Jospin. Elles tenaient les réseaux de l’appareil, or ce sont les militants qui désignent le candidat, pas l’électeur (d’où la tentative qui a échoué de faire désigner le candidat par une primaire). Nous assistons donc aussi à une bataille pour le contrôle du réseau électoral de l’appareil. C’est pourquoi nombre de cadres et d’élus viennent d’annoncer leur ralliement à Ségolène. Ce qui provoque un certain affolement chez tous ceux qui n’ont pas réussi à percer l’armure étincelante de la nouvelle Jeanne d’Arc.


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