Campagne européenne : dégoût, bobards et tromperies

vendredi 29 mai 2009.
 

La séquence de campagne dans laquelle nous sommes entrés a un air de déjà vu. Ça ne nous rajeunit pas. Elle rappelle de plus en plus la campagne référendaire de 2005. En positif et en négatif. En positif, dans nos salles de meetings, nos distributions, nos échanges avec les salariés en grève ou en lutte dans leurs usines, nous rencontrons le même enthousiasme et la même détermination de ne pas se laisser dicter ses choix par les puissants et leurs perroquets. En négatif, comme en 2005, une certaine machine médiatique à faire taire le Non à l’Europe libérale s’est remise en marche. Certes les vagues contraintes bredouillées par le CSA ne permettent pas d’évacuer complètement les candidats du Front de Gauche du paysage. Mais les plateaux composés exclusivement de partisans du Oui et de défenseur du Traité de Lisbonne se multiplient. Comment une émission de qualité comme Mots croisés a-t-elle pu par exemple organiser lundi un débat en présence uniquement de partisans du Oui (De Sarnez, Cohn-Bendit, Barnier et Harlem Désir) ? Peut-on encore parler de débat dans ces conditions ? Sans parler des journalistes commentateurs soi-disant indépendants eux aussi invités : tous des farouches et parfois très agressifs partisans du Oui !

La France du Non de gauche est aussi passée à la trappe par plusieurs débats régionaux organisés par France 3. Dans l’Est ou dans le Sud-Ouest, le Front de Gauche y est, comme le NPA, privé de participation aux débats entre listes. France 3 a en effet choisi d’organiser ces débats uniquement avec les représentants de listes ayant des sortants ! A quoi bon organiser l’élection elle-même dans ce cas et pourquoi ne pas reconduire directement les sortants sans vote ! Quant aux critères du CSA invoqués pour justifier ces choix ils ont bon dos. Car l’existence de députés sortants n’est qu’un critère parmi d’autres à la disposition des médias pour garantir l’équité de traitement entre listes. Parmi les autres critères, on trouve notamment la dynamique militante de la campagne et la présence sur le terrain pour lesquels le Front de Gauche est en pointe … Mais comme par hasard le choix des critères conduit à nous exclure du débat ! Qui sera discrédité à la fin ? Certainement pas moi lorsque les téléspectateurs qu’ils soient de droite ou de gauche constateront que je n’ai pas été invité sur le plateau du grand Sud ouest où pérorera pourtant la tête de liste du FN. Mais quelle honte pour le service public de télévision ! Où sont passés les petits prix de vertu et d’indépendance, et les parangons de déontologie qui couinent dans les salles de rédaction dès que quelqu’un est soupçonné de porter atteinte si peu que ce soit à l’indépendance d’action de la précieuse corporation ? Où sont passés ceux qui avaient juré qu’on ne les reprendrait plus jamais à faire le service après vente de la propagande officielle comme en 2005 ? Lamentable ! Le service public de la télévision humilie et piétine ses défenseurs et sert la soupe à ses liquidateurs. Ceux qui laissent faire, à l’intérieur, montrent ce que vaut leur prétendue morale professionnelle.

Et s’il vous reste un peu de capacité de dégoût voyez ceci. Dans ses dépêches donnant la composition des listes déposées au ministère de l’intérieur, l’AFP a systématiquement présenté nos listes de Front de Gauche comme étant des listes PCF. Ne vous étonnez donc pas de voir fleurir par ci par là dans la presse, « la liste PCF conduite par Jean-Luc Mélenchon, Jacques Généreux, Hélène Franco, ou même Patrick Le Hyaric, Jacky Hénin, Marie-Christine Vergiat ou Marie-France Beaufils ». Mes lecteurs comprennent que ce n’est nullement l’étiquette PCF qui pose problème. Mais dans le contexte ce qui est en cause c’est l’effacement de la nouveauté politique que représente le Front de Gauche. Et aussi l’apparition dans ces élections d’un nouveau parti politique, le Parti de Gauche. D’ailleurs pour le ministère de l’intérieur, nos listes s’appellent bien « Front de Gauche pour changer d’Europe » et leur étiquette politique est bien « Parti Communiste et Parti de Gauche ». Du côté de l’AFP on objecte sans rire un problème de logiciel qui empêche de faire figurer l’étiquette de deux partis ! Dans cette logique, c’est donc le logiciel qui choisit l’étiquette politique d’une liste et pas les partis qui la portent ! Le paysage politique est reformaté en fonction des exigences du logiciel de la plus grande agence de presse alors que ce dernier devrait précisément s’adapter aux évolutions du paysage politique. Espérons que l’AFP se rendra compte au plus vite de l’énormité de ce problème, qui peut conduire à méconnaître dans de nombreuses présentations médiatiques la réalité politique que représente le rassemblement du Front de Gauche.

Bobards et tromperies

Les listes du Oui (UMP, PS, Europe-Ecologie, Modem) continuent de faire fonctionner à plein régime la machine à promesses toutes plus incompatibles les unes que les autres avec le Traité de Lisbonne qu’ils soutiennent. Les représentants de ces listes le font d’autant plus facilement que certains médias leur permettent de débattre dans une bulle sans représentant du Non de gauche. Parfois les organisateurs de ce genre de débats inventent des subtilités : l’invitation d’un souverainiste pour donner la réplique convenue : quiconque est contre le traité de Lisbonne est forcément un nationaliste. Ou encore la sanctuarisation du représentant d’une liste du Non dans une intervention enregistrée ou en duplex qui l’isole du débat et l’empêche de porter réellement la contradiction aux listes du Traité de Lisbonne. Ainsi la manipulation s’étend comme au plus beau jour du harcèlement médiatique du référendum de 2005. La machine à promesses impossibles continue donc de plus belle. Voyez Martine Aubry lundi 25 mai à Rouen qui lancait « nous voulons l’harmonisation sociale et fiscale », alors qu’elles sont empêchées par le Traité de Lisbonne. Je rappelle que les articles des traités (confirmés par le Traité de Lisbonne) traitant de l’emploi (article 129 TFUE), des politiques sociales et de protection sociale (article 137) et de la politique industrielle (article 176 F) comportent des clauses d’interdiction de l’harmonisation. Dans ces domaines, on peut en effet coopérer, discuter, échanger des informations « à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ». Quant à l’harmonisation fiscale, elle ne peut se faire par le haut parce que le traité de Lisbonne a maintenu la règle de l’unanimité sur ces questions. Combien de temps encore les partisans du Traité de Lisbonne vont-ils donc nous dire qu’ils sont pour l’harmonisation, alors qu’elle est interdite si l’on ne change pas les Traités comme le proposons ?

A l’UMP, Barnier multiplie lui aussi les bobards et les promesses bidons. En meeting à Toulouse mardi 26 mai, il a ainsi proposé de « pénaliser les produits qui concurrencent les produits européens et qui ne respectent aucune norme environnementale ». Dommage pour lui car le traité prône « la suppression des obstacles au commerce international », la « suppression des restrictions aux échanges » et la « réduction des barrières douanières et autres » (article 21 TUE et 206 TFUE). « Et autres » : cela veut dire qu’il est impossible avec ce traité d’imposer des règles écologiques aux importations et aux investissements étrangers. La proposition de Barnier n’a donc aucun espoir de voir le jour avec le Traité de Lisbonne. Barnier multiplie aussi les bobards d’un autre genre dans sa fonction de ministre de l’agriculture. Il réussit le tour de force de dénoncer vigoureusement des mesures qu’il a lui-même approuvées auparavant. Il avait déjà fait le coup avec le coupage du vin rosé, en ayant accepté la déréglementation présentée par l’Union européenne avant de découvrir que c’était scandaleux. Le voilà qui récidive maintenant sur le lait, en se déplaçant à Bruxelles pour défendre les quotas laitiers. Quotas dont la disparition a pourtant été programmée lors de l’accord de Luxembourg sur la réforme de la PAC approuvé en juin 2003 par le gouvernement Raffarin, dans lequel Barnier était justement ministre des affaires étrangères ! Pire, ces principes de la réforme de la PAC, dont la programmation de la fin des quotas laitiers, ont été confirmés dans le bilan d’étape de la PAC adopté en 2008 pendant la présidence française de l’UE sous la houlette du même Barnier !

Mais la palme du plus énorme bobard revient sans conteste cette semaine à Pierre Moscovici, qui a prétendu vendredi 22 mai sur Radio Orient que « le PSE a voté contre M. Barroso et toujours voté contre M. Barroso ». Avant d’ajouter ce mot aimable : « toute voix qui se porte sur le NPA d’Olivier Besancenot ou sur Mélenchon est une voix en moins pour le parti socialiste et donc une voix en plus pour Barroso ». Le journaliste de Politis Michel Soudais relate précisément ce nouvel épisode d’enfumage sur son blog. Il y rappelle que le PSE a très majoritairement voté en faveur de la Commission Barroso le 18 novembre 2004 au Parlement européen. Une Commission Barroso dans laquelle, je le rappelle, le PSE tient des portefeuilles stratégiques comme les affaires sociales, les affaires économiques et financières ou les entreprises, dont il ne fait rien, si ce n’est d’accompagner le libéralisme de Barroso. Michel Soudais a aussi retrouvé cette déclaration de Poul Nyrup Rasmussen, le président du PSE, félicitant chaudement Barroso : « Vous avez modelé une Commission meilleure que celle que vous avez choisi de ne pas présenter au Parlement. Vous méritez la reconnaissance que le président de mon groupe vous a accordée. Je voudrais moi aussi vous accorder la même reconnaissance au nom du groupe socialiste au Parlement européen. »

Je veux attirer votre attention sur l’interview parue aujourd’hui dans l’Humanité Dimanche. J’y poursuis la dénonciation de l’enfumage qui règne dans cette campagne. Voici l’excellent compte rendu qu’en a fait l’AFP (vous constatez que je sais aussi reconnaître ses mérites) :


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