Comment le réchauffement va transformer la forêt française

vendredi 22 mai 2009.
 

Des essences méridionales comme le pin maritime devraient envahir les forêts d’Ile-de-France. Le hêtre et le charme ne devraient plus pousser que dans l’extrême nord du pays.

Ils sont une trentaine, campés dans leurs bottes, les yeux rivés sur la paroi d’une profonde tranchée creusée au pied d’un chêne centenaire de la forêt domaniale de Languimbert (Moselle). Comprendre quelle est la vulnérabilité des arbres au changement climatique suppose que forestiers et chercheurs examinent les feuilles, les branches, les troncs mais également ce qui se passe deux mètres sous terre. « La forêt est moins sensible à la chaleur qu’au manque ou au trop plein d’eau » analyse André Granier, écophysiologiste à l’Inra (Institut national de recherche agronomique). Ce jour-là, les couches pédologiques (la pédologie est la science des sols) sont riches d’enseignements.

Venus de toute la France, ils sont réunis depuis deux jours au centre Inra de Nancy dans le cadre du projet Dryade (2006), pour croiser leurs recherches, faire part de leurs observations et tenter d’avancer des réponses à la question désormais récurrente : comment faut-il gérer la forêt ? « C’est la grande interrogation de tous les propriétaires forestiers », poursuit André Granier.

Les premiers effets constatés des changements climatiques sur les arbres ne sont pas forcément néfastes. Ils se traduisent notamment par des fleurs et des feuilles qui apparaissent en moyenne dix jours plus tôt qu’il y a une quarantaine d’années, par une montée en altitude de certaines essences montagnardes et, surtout, par « une hausse de 30 % à 40 % de la productivité de la forêt depuis le début du siècle », précise Myriam Legay, représentante de l’Office national des forêts (ONF) au sein de l’Inra. En plus du réchauffement et des surplus d’azote, la croissance des arbres est stimulée par le gaz carbonique de l’atmo­sphère, dont ils se nourrissent.

Côté pathologie, « on devine quelques incidences sur les éco­systèmes, mais, pour l’heure, il n’y a pas réellement de problème phytosanitaire que l’on puisse attribuer au réchauffement climatique », commente Louis Michel Nageleisen, en charge du département santé des forêts. Il est vrai que l’on manque encore trop souvent de données anciennes permettant d’établir des comparaisons. Lorsqu’on en a, ce qui est le cas depuis quarante ans pour la chenille processionnaire du pin, « alors on voit l’effet du réchauffement qui - avec l’aide de l’homme - la pousse toujours plus au nord », explique encore le représentant du ministère de l’Agriculture.

Les prévisions, en revanche, sont beaucoup plus sombres. « Un réchauffement moyen de 2 à 4 °C est attendu sur la France au cours de ce siècle, surtout en été et dans le sud du pays », rappelle Myriam Legay, avec un nombre de sécheresses en hausse constante. Au XXe siècle, la hausse des températures a été de 0,9 °C.

Alors que faire ? Anticiper en plantant d’ores et déjà des essences susceptibles de mieux résister au stress hydrique ou attendre au contraire pour mesurer la capacité de résilience des arbres ? Dans les deux cas, les risques existent. Il y a quelques années, afin d’accroître leur production, des propriétaires du Sud-Ouest ont planté de l’eucalyptus. Un arbre qui résiste à la chaleur. Mais, à la suite d’un hiver un peu trop rigoureux, toute la plantation a gelé. A contrario, trop attendre et des sécheresses à répétition auront des effets dévastateurs. « C’est tout le débat qu’il y a aujourd’hui sur l’intérêt de planter des chênes pédonculés qui résistent mieux à la chaleur qu’à l’eau ou des chênes sessiles aux propriétés inverses », insiste un expert.

« Le pari de Pascal »

La Caisse des dépôts et consignations, qui est le premier gestionnaire privé de France, avec 235 000 hectares, fait le pari du renouvellement. Après des études à l’étranger et un examen attentif des conséquences des précédentes sécheresses, dont celle de 2003, sa société forestière a dressé une liste « d’essences de transition capables au moins jusqu’en 2050 de résister au climat actuel comme au climat futur : tilleul, châtaignier, aulne, érable, pin maritime… », commente Laurent ­Piermont, son directeur. « C’est un peu le pari de Pascal. Au vu des énormes incertitudes, nous pensons qu’il vaut mieux agir », explique-t-il. « Avant de se focaliser sur des essences, il y a d’autres mesures à prendre qui éviteront de trop changer la physionomie de la forêt française », estime pour sa part Myriam Legay. Ainsi l’ONF prône-t-il une diversification des espèces et l’idée qu’il faut plus éclaircir les forêts afin de diminuer la pression sur les réserves d’eau dans le sol.

Les enjeux sont primordiaux. La France est un des premiers États forestiers d’Europe en termes de superficie mais est à la traîne en termes d’exploitation. La forêt française occupe 30 % du territoire.

Marielle Court


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