Six candidats ( Kader Arif PS, Dominique BaudisUMP, José Bové EE, Jean-Luc Mélenchon FG, MM. Louis Aliot FN et Robert Rochefort MODEM) refont l’Europe à « Sud Ouest »

vendredi 22 mai 2009.
 

Les solutions face à la crise

Quelles seraient les premières démarches face à la crise financière, économique, sociale et écologique que nous traversons ?

Robert Rochefort (Modem). Il ne peut pas y avoir de sortie de crise sans que les réponses soient européennes. Nous sommes contre M. Barroso parce qu’il a une conception minimaliste de sa fonction. Nous devrions retrouver un président de la Commission qui ait l’épaisseur d’un Jacques Delors. Nous proposons quatre mesures financées par un grand emprunt européen pour que les pays ne soient pas en concurrence dans le plan de relance. Il devra se faire sur les investissements d’avenir dans l’écologie. Sur les questions financières, nous voulons des agences de régulation européennes pour que les banques auxquelles on donne de l’argent soient contrôlées à ce niveau.

Kader Arif (PS). Ces propositions ont été faites à l’échelle des 27 pays européens par l’ensemble des Partis socialistes, et nous sommes les seuls. Emplois verts, 3 % du PIB investis dans la recherche, directive pour empêcher les licenciements financiers, une autre pour harmoniser les droits sociaux, suppression des paradis fiscaux, etc.

Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche). Il faut abolir l’article 63 du traité de fonctionnement de l’UE qui interdit ce contrôle de la circulation des capitaux. Au niveau économique, l’Europe doit adopter la planification des réseaux de grand transport à travers le continent. Pour cela, il faut lancer un grand emprunt et abroger le traité qui oblige l’Union à présenter un budget en équilibre. Il faut que nous entrions aussi dans une logique de planification de l’écologie pour la conversion de notre modèle de production et d’échanges. Après la monnaie unique, nous devons ouvrir le droit à l’harmonisation des politiques sociales pour parvenir à une convergence.

José Bové (Europe Écologie). Il faut abolir les paradis fiscaux à l’intérieur de l’Union européenne. Je pointe du doigt Londres et Luxembourg. La deuxième mesure, c’est l’harmonisation des fiscalités européennes sur les entreprises. Le dumping fiscal est issu du faible investissement qui a été accordé aux nouveaux membres de l’Europe. Sur la question sociale, nous préconisons un Bruxelles de l’emploi, comme on a connu en France un Grenelle. Nous proposons un minimum universel qui permettrait à chacun, face au chômage, de s’inscrire dans un plan de reconversion. Il faudra aussi mettre en place un plan de reconversion globale de l’économie et la crise exige une reconversion écologique. Elle pourrait créer 10 millions d’emplois nouveaux.

Dominique Baudis (UMP). Nous devons commencer à mettre en application les décisions du G20, une idée française. Dans le domaine de la finance internationale, il faut des règles et des autorités qui aient la capacité de sanctionner. En matière d’économie, des mesures de relance, éventuellement forger un outil de type Caisse des dépôts au niveau européen, pour orienter l’épargne vers des actions européennes qui aient une utilité européenne, comme par exemple le TGV Sud-Ouest Atlantique.

Sur l’écologie, nous savons qu’à la sortie de la crise, le monde ne sera plus le même. Il faut réfléchir sur un nouveau mode de croissance moins utilisateur d’énergie. L’orientation prise avec le Grenelle de l’environnement et acceptée par les 27 pays européens pour préparer le sommet de Copenhague ouvre dans ce domaine une véritable prise de cons-cience.

Louis Aliot (Front national). Il faut répondre au niveau de l’Europe avec ses fondamentaux, tels qu’ils existaient du temps du général de Gaulle, c’est-à-dire en protégeant les frontières et les productions nationales. C’est valable pour la production viticole comme pour le lait et l’industrie. Nous devons revenir à la préférence nationale, nous devons protéger tous les travailleurs européens dans l’espace européen, ce qui veut dire en ne faisant plus venir des travailleurs étrangers qui vivent chez nous comme des esclaves des temps modernes. M. Zapatero a pris des mesures de préférence nationale à l’embauche en Espagne ; c’est donc possible au sein de cet espace européen.

L’élargissement de l’Union Européenne

Pensez-vous que l’Union européenne doit cesser de s’élargir ?

Dominique Baudis. Le président de la République s’est exprimé à ce sujet. La Turquie n’est pas en Europe géographiquement. À ce titre, elle n’a pas vocation à devenir membre à part entière de l’UE, bien que ce soit un grand pays voisin, une grande civilisation et un pays avec lequel nous sommes dans l’Alliance atlantique. La Croatie ou le Monténégro sont des pays au coeur de l’Europe. Lorsque leur évolution sera significative et une fois que le traité de Lisbonne sera entré en vigueur, ils pourront envisager leur adhésion.

José Bové. Nous savons que nous sommes dans un processus qui va durer quinze ans, qui n’aboutira pas sous la prochaine mandature et sans doute pas non plus sous la prochaine. Je suis favorable à ce que ce débat continue, et je ne voudrais pas que derrière ce débat, il y ait un fantasme sur la question de la religion.

Jean-Luc Mélenchon. Le problème qui nous est posé n’est pas celui de la Turquie, c’est celui de l’Europe. Si ces pays nous fournissent une nouvelle occasion de dumping fiscal et social, alors l’élargissement est inutile et dangereux. Je m’oppose à tout élargissement qui ne serait pas précédé d’un approfondissement de l’harmonisation politique et sociale de l’Europe. Cela s’applique aux Turcs, mais aussi aux Slovènes et aux Albanais. Nous sommes déjà liés à la Turquie, puisqu’elle est membre de l’Otan. Si elle était envahie par l’Irak, nous serions en guerre. L’argument géographique n’a aucun sens.

Robert Rochefort. L’Europe est malade aujourd’hui, trop malade pour faire face à un nouvel élargissement. Nous le pourrons peut-être demain parce que l’Europe est une aventure et un projet entre des peuples qui sont capables de se penser dans un avenir commun. Pour la Turquie, ce n’est pas une question religieuse, car les racines culturelles de l’Europe sont très diverses. Les critères imposés à la Turquie sont encore loin d’être remplis. Je n’y suis pas favorable.

Kader Arif. M. Baudis s’est exprimé avec beaucoup de douceur dans son propos. M. Aliot sera certainement plus dur sur la question de la Turquie. Le processus qui est engagé depuis trente ans nous empêche aujourd’hui de savoir quelle en sera la réalité.

Une chose est sûre, la candidature turque est l’épouvantail pour jouer sur les peurs et l’hypocrisie. Sur ce sujet, les droites se rejoignent alors que la question de l’élargissement n’est pas posée aujourd’hui. Si dans quinze ans la Turquie répond à toutes les questions qui lui sont posées et si l’élargissement est accompagné d’un approfondissement qui empêche tout dumping social, je suis favorable à son adhésion.

Louis Aliot. Oui à l’élargissement à la Russie et à tous les pays russophones, il y a une culture chrétienne de l’Europe.

M. Bush et M. Obama après lui se sont battus pour que la Turquie entre dans l’Europe ! Il ne serait pas bon que ce pays qui était laïc et qui est aujourd’hui dominé par un parti islamiste en soit membre.

Le budget et les régions

Êtes-vous favorable à l’augmentation du budget européen, et cela peut-il profiter au développement des régions ?

Louis Aliot. La France verse à l’Europe 20 milliards d’euros et elle en reçoit à peu près 13 milliards. Il y a donc une perte pour la France de 7 milliards d’euros.

José Bové. Le budget de l’Europe, c’est moins de 0,9 % du PIB, alors qu’on pourrait aller jusqu’à 1,25 %. Ce n’est pas ainsi qu’on peut construire l’Europe. Il faudrait construire des régions qui correspondent à des territoires culturels, comme le Pays basque, côté nord et côté sud.

Kader Arif. Oui pour l’augmentation du budget à 2 ou 2,5 %. Nous sommes aussi favorables à ce que la Banque européenne d’investissement émette des obligations qui amèneraient 1 000 milliards d’euros pour un véritable plan de relance à l’échelle européenne. Aujourd’hui, l’État, représenté ici par M. Baudis, se désengage en utilisant les fonds européens là où il pourrait y avoir des fonds nationaux. José Bové a eu raison de rappeler que la République n’empêche pas de respecter la culture occitane qui constitue la richesse de notre pays.

Robert Rochefort. Il est évident que le budget de l’Europe doit être plus important. Le Parlement européen peut, à terme, lever l’impôt, comme le font tous les Parlements, ce qui est leur prérogative essentielle. Je fais deux propositions : qu’on lève une taxe sur les transactions financières sur le modèle de la taxe Tobin et, ensuite, qu’on crée une fiscalité écologique.

Jean-Luc Mélenchon. Les recettes doivent d’abord dépendre de la volonté populaire.

Dominique Baudis. Je suis favorable à une augmentation significative du budget de l’Europe pour intervenir sur les grands investissements nécessaires : recherche, industrie européenne de la Défense, infrastructures de transport. Nous pouvons y arriver non pas en levant de nouveaux impôts comme le Modem nous y incite, mais par le transfert d’impôts nationaux.

La ligne à grande vitesse

Certains d’entre vous ont évoqué la nécessité de construire un TGV. Qu’allez-vous faire pour qu’on y parvienne ?

José Bové La question pour moi, c’est qu’un TGV ne permet pas de résoudre le problème du transport des marchandises. Il faut que l’Europe finance une solution qui permettrait surtout de reconvertir le transport routier vers le transport ferré.

Jean-Luc Mélenchon. On ne peut pas continuer le foutage de gueule. Tout le monde sait très bien que l’Europe n’a pas l’intention de financer et qu’elle pousse à des partenariats public-privé. Le problème est encore plus compliqué qu’avant. À l’heure où nous parlons, personne ne sait qui va financer tout ça. Je redis à mes amis que le choix, c’est ou le marché ou le plan.

Robert Rochefort. Les lignes à grande vitesse sont des investissements, ce n’est pas de l’argent public jeté en l’air. En termes d’économiste, on dit qu’elles créent de la valeur. Je ne vois pas pourquoi ce serait uniquement les fonds publics qui devraient les financer. Le cofinancement par les collectivités aboutit à favoriser les régions riches au détriment des régions les moins aisés. Contrairement à ce que dit José Bové, il n’y a pas de contradiction entre TGV et ferroutage, puisqu’ils pourraient emprunter les mêmes voies, les premiers pendant la journée et les autres, de nuit.

Dominique Baudis. On peut considérer que tout l’équipement TGV du Grand Sud-Ouest peut être financé à partir d’un partenariat public-privé. C’est ce qui avait été fait pour le canal des Deux-Mers au temps de Riquet et cela avait donné de bons résultats.

Kader Arif. Je suis favorable au Toulouse-Bordeaux et au Toulouse-Narbonne et je pense que malgré la volonté des collectivités locales socialistes dans cette région, l’État devrait faire payer la solidarité nationale plutôt que l’impôt régional.

Louis Aliot. C’est à l’État de prendre en charge ce genre d’équipements collectifs. Il faut arrêter de tergiverser. Le malheur de ce pays, c’est la querelle des politiciens qui nuit quelquefois à ce genre d’investissements.


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