Campagne au Désert, au coeur de la mémoire résistante cévenole

mercredi 20 mai 2009.
 

Je devais aller d’Alés à Mende. Long trajet. Une halte pour faire une coupure était la bienvenue. On la fit à Mialet. C’est une idée d’André Ciccodicola, le directeur de l’Humanité dimanche. Il me dit que je dois connaître ce lieu pour comprendre le paysage, les Cévenols, et une forme d’état d’esprit qui est dans l’air. Il a vu juste. Je crois à tout cela. Sur la route, les chênes verts, la roche saillante, l’escarpement des coteaux m’ont déjà signalé une ambiance qui a forcément imprégné le cœur des gens du cru et contribué à façonner les évènements.

Pour le casse croute, à midi, la table était à Anduze, haut lieu de la résistance camisard. Mon régime de sportif m’interdit de goûter l’exaltante saucisse pochée du coin, dont la seule présentation sur l’ardoise du restaurant me fait encore couler la bouche d’en parler ! J’y étais arrivé en même temps que Francis Wurtz. Il venait comme moi d’Alès. Le coup d’œil, tandis que nous déjeunons, court sur la place où le plus vieux temple protestant de France, austère et majestueux, jouxte la mairie pavoisée. Non loin avait été exposée la tête de Gédéon Laporte, chef camisard. L’ambiance était créée.

A Mialet donc ! Le maire socialiste est là pour saluer notre petite cohorte. On visite le musée du Désert. Mémoire de la résistance protestante à la révocation de l’édit de Nantes. Je ne me donne pas le ridicule de raconter cette histoire écrite cent fois mieux que je ne le ferai jamais. A Nîmes, Claude Mazauric, l’historien m’avait remis une note de synthèse sur le sujet. J’en savais pas mal aussi depuis de lointaines lectures dont le gout m’était venu après « les fous de dieu » de Chabrol, si ma mémoire est bonne.. Manquaient à mes souvenirs les noms propres, les dates, les contextes, bref la chair et les muscles de cette histoire.

A chaque pas sous les voutes de pierres sèches du Mas Soubeyran où se fait l’exposition, notre silence s’approfondit et fait son œuvre sur nos esprits tandis qu’on voit les pièces à conviction du martyr des protestants. Je repars avec un nom de femme dans la tête. Celui de Marie Durand, emmurée 47 ans à la tour de Constance, et qui grava sur une pierre la maxime qui lui tint lieu d’art de vivre dans sa prison avec ses malheureuses compagnes : « résister ». Le mot sonne à présent encore comme un signal de ralliement. Il noue entre eux les épisodes de l’action populaire ici.

A la fin du parcours, on voit le tableau célèbre où est représentée la scène du serment du jeu de paume à l’ouverture de la grande révolution de 1789. Au premier plan on voit le président de la première assemblée nationale, Rabaut Saint Etienne. C’était le fils du combattant inflexible qui se fit le défenseur et donc le libérateur des dernières malheureuses enfermées. Il s’écria le 28 aout 1789 en souvenir des martyrs dont l’histoire avait scandé sa jeunesse : « non, ce n’est pas la tolérance que je réclame, c’est la liberté ». La laïcité vient de là. C’est le cœur du message de ce musée à mes yeux.

Wurtz et moi, nos compagnons de visite, le regard dans les images de ce passé profond, nous faisons halte en face du champ où se tient encore l’assemblée annuelle commémorative des protestants, au Désert. Déambulant, je vois le chien du village qui se dore au soleil. Le patron du bistrot dit que la photo de la bête court partout du fait des visites des protestants du monde entier. Lui a le droit de ne se soucier de rien. Nous remontons dans les voitures sans parler.


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