« La crise, l’Union européenne et nous » (Interview de Michel Husson dans Sud-ouest "À titre personnel, je déplore qu’il n’y ait pas de front élargi du Front de gauche au NPA")

mardi 19 mai 2009.
 

Michel Husson, chercheur à l’Institut d’études économiques et sociales (IRES),administrateur de l’Insee et membre du conseil scientifique d’Attac Sud Ouest. Quelle est votre analyse de la crise ?

Michel Husson. C’est une crise systémique. Tout un mode de croissance alimenté par l’endettement qui arrive à son terme. Notamment aux États-Unis où la croissance reposait sur l’endettement des ménages. Une des rares choses dont nous sommes sûrs dans cette période troublée, c’est qu’on ne peut pas recommencer avec le même modèle. Il faut en trouver un autre.

Les institutions européennes ont une part de responsabilité selon vous ?

Le problème est que l’Union européenne s’est construite en matière économique en se privant des instruments nécessaires. La Banque européenne interdit par exemple de lever des emprunts qui permettraient de relancer les économies via des programmes d’investissement. Des pays en difficultés comme la Hongrie ou l’Irlande, pourtant membres de l’Union, vont chercher des aides auprès du FMI et non auprès de l’Europe parce qu’il n’y a rien en la matière.

On parle d’une sortie de crise en 2010. Vous y croyez ?

Les institutions internationales s’accordent à dire que 2009 sera une année noire. Ensuite, il y a un doute. L’Espagne par exemple avait de belles performances en termes de chômage qui reposaient sur le boom de l’immobilier. Maintenant que cette bulle est crevée, on voit mal comment cela repartirait de la même façon. Idem pour le Royaume-Uni. Chaque pays élabore son plan de relance. Mais c’est le chacun pour soi qui domine. On compte sur l’autre pour redémarrer, et si possible sur son dos. L’autre point décisif sera ce qui va se passer dans les pays émergents. Jusque-là, il y avait un arrangement global : ces pays exportaient des produits industriels fondés sur les bas salaires. Aujourd’hui, les exportations se sont effondrées et ils se retournent vers leurs marchés intérieurs. Vous prônez une meilleure répartition des revenus et des nationalisations.

Un mot qui fait peur à certains. C’est pourtant la question à se poser : peut-on vraiment apurer le système financier sans remettre tout à plat ?

Aujourd’hui, des institutions comme l’OCDE et des publications comme The Economist envisagent à reculons ce type d’interventions. Il y a eu une crise semblable au Japon dans les années 90. À force de tergiverser, ils ont mis dix ans à éponger les dettes. Au même moment, la Suède a été plus radicale : elle a nationalisé, quitte à reprivatiser ensuite, et est sortie plus rapidement de la crise. Tant qu’il n’y aura pas de mesure d’assainissement drastique et une meilleure répartition des revenus, l’économie réelle continuera à s’essouffler. Sans compter l’explosion des déficits publics qui risque de réduire encore plus les budgets sociaux.

Quelle liste politique en lice pour les Européennes vous semble la plus à même de changer les choses ?

Attac ne donne pas de consigne de vote. Dans la mesure où elle s’est mobilisée contre le traité constitutionnel, il serait cohérent de voter plutôt pour un parti qui s’est prononcé en ce sens. À titre personnel, je déplore qu’il n’y ait pas de front élargi du Front de gauche au NPA. Le Parlement européen a quand même bloqué ces dernières années.


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