1945 1975 : Quand la vieille droite autoritaire rongeait son frein

lundi 30 avril 2007.
 

Pendant les trois décennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale, la vieille droite autoritaire a dû ronger son frein. La disqualification des pratiques répressives découlait de l’effondrement sanglant des régimes fascistes ; de son côté, le libéralisme économique paraissait avoir été blessé à mort par la grande crise des années 1930. Assurés qu’il fallait, hélas, que tout change pour que tout reste pareil, les conservateurs s’accommodèrent alors du pouvoir des syndicats, des politiques keynésiennes de régulation, d’un secteur public en expansion, d’une religion cantonnée aux affaires spirituelles et aux seules consciences qu’elle maintenait encore sous son emprise. Ils pestaient contre la tyrannie de la majorité et contre les progrès du communisme dans le monde, mais avec le sentiment un peu élégiaque de conduire un combat d’arrière-garde.

Pourtant, le vieux feu couvait sous la cendre. L’apparente hégémonie idéologique de la gauche, la résignation des milieux d’affaires à une économie mixte n’étaient que provisoires. La vieille droite n’avait pas désarmé ; elle continuait, discrètement, à mener la bataille des idées. Se présentant comme opposée à un « politiquement correct » progressiste, elle interrogeait, soupçonneuse : la démocratie n’a-t-elle pas été trop loin ? La moralité traditionnelle peut-elle impunément être remise en cause au risque de voir le chaos s’installer dans les usines, dans les familles,dans les rues ? Le clergé, la police et l’armée ne constituent-ils pas d’utiles piliers de l’ordre social ? Rien de très neuf en apparence.

Mais quand l’euphorie des « trente glorieuses » commença à se dissiper, quand le chômage s’installa, on se mit à prêter davantage d’attention aux propositions d’antan, que les années de prospérité et de progrès avaient disqualifiées. Parfois, comme au Chili, le retour de bâton fut particulièrement brutal. La roue avait tourné. Peu à peu, la droite en revint alors aux principes qu’elle tenait sous le boisseau en attendant des jours meilleurs. « Je suis un keynésien », avait lancé le président républicain Richard Nixon en 1971. Justement, c’était fini ; le consensus d’après-guerre allait basculer avant que la décennie ne s’achève. Dix ans plus tard, Ronald Reagan entrait à la Maison Blanche. Ce vieux conservateur y personnifia la jouvence de la nouvelle droite, mélange singulier de morale religieuse puritaine et de capitalisme ivre de débauches.

Serge Halimi


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