Le Parti de Gauche soutient la mobilisation unitaire de la communauté médicale le 28 avril

mardi 28 avril 2009.
 

Le 28 avril verra une mobilisation unitaire de l’ensemble de la communauté médicale. Ce fait est suffisamment rare pour être souligné : en effet, une dizaine de syndicats hospitaliers, représentant toutes les catégories professionnelles ainsi que des associations d’usagers soutiennent cette journée de lutte contre la loi Bachelot. Il aura ainsi fallu attendre des mois avant que les médecins agrégés et chefs de service réagissent contre ce qui se trame déjà depuis plusieurs années, à savoir la marchandisation de la santé. On peut d’ailleurs se demander si la mobilisation soudaine des mandarins, peu habitués des combats solidaires, n’est pas essentiellement motivée par le fait que cette nouvelle loi réduirait drastiquement leur pouvoir au profit d’un super PDG, chef de l’entreprise « Hôpital ».

Pourtant, le premier acte de cette « nouvelle gouvernance » s’est déroulé il y a déjà plusieurs années avec la mise en pratique de la tarification à l’activité ou T2A, contre laquelle peu de médecins se sont véritablement opposés, au nom de la nécessité de réformer l’hôpital, la loi Bachelot ne faisant que généraliser ce mode de gestion.

Qu’est-ce que la T2A ? Il s’agit d’un outil « scientifique », vieux de trente ans, ressuscitant pour la France le concept américain de Diagnosis Related Groups (DRG), inventé au milieu des années 1970 par une équipe de chercheurs en gestion de l’Université de Yale. Pressés par les politiques d’inventer des outils permettant d’assimiler l’hôpital à n’importe quelle autre entreprise et la santé à une industrie, ils ont ainsi défini de façon arbitraire le produit issu des établissements de santé, permettant ainsi de normer et comparer la production des hôpitaux entre eux afin d’améliorer leur productivité. L’hypothèse initiale est que l’hôpital produit des « Groupes Homogènes de Malades », comprenant chacun un ensemble de pathologies. Pour chaque DRG a ainsi pu être calculé un coût moyen à partir d’un échantillon d’hôpitaux, permettant la mise en concurrence des différents établissements, ce coût moyen étant l’équivalent du prix du marché, chaque hôpital obtenant un financement dépendant de son volume d’activité.

Avec l’arrivée de la T2A, se produisit alors insidieusement une transformation radicale du rapport au patient : ainsi, si dans le cadre du paiement au prix de la journée, les patients étaient des sources de revenus, ils devinrent avec la T2A des « centres de coût » qu’il fallut minimiser et/ou transférer à d’autres. Progressivement, s’opéra une sélection des patients en fonction de leur rentabilité mesurée par les DRG. Les patients se trouvèrent alors divisés en deux groupes : les patients rentables, relevant de la chirurgie, de la médecine interventionnelle ou de la réanimation, et les patients non rentables, relevant de la médecine ou de la psychiatrie, avec des pathologies chroniques sans acte thérapeutique majeur. Grâce à la T2A, les pouvoirs publics s’employèrent à mettre en concurrence les établissements publics et privés, et ceci, bien que la compétition entre les différents établissements soit structurellement inégale : les chaînes de cliniques privées se spécialisant sur les DRG les plus rentables peuvent sélectionner leur clientèle et bénéficient d’une totale liberté de gestion alors que les hôpitaux publics sont astreints à des obligations d’intérêt général, notamment le soin pour tous, ainsi que l’enseignement et la recherche.

Plus grave encore, la T2A, présentée comme étant un outil rationnel et scientifique, masque en fait des choix stratégiques idéologiques profondément inégaux, que nos gouvernants ne peuvent révéler directement car trop impopulaires. Elle permet ainsi de reporter sur les professionnels de santé la mise en pratique d’un rationnement des services, la restriction de l’accès aux soins, les obligeant à opérer des arbitrages économiques : qui soigner ? Comment ? Jusqu’où ? Le médecin, devenu gestionnaire, se retrouve alors coincé entre éthique et calcul, oscillant entre dépression et cynisme. Cerise sur le gâteau, le médecin, promis à un intéressement suivant l’activité qu’il dégage, bafoue un des principes d’Hippocrate :" Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ".

La T2A, premier pas de la gouvernance d’entreprise appliquée à l’hôpital, a déjà commencé ses ravages. Sophie Buys, Praticien Hospitalier


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