Réflexions sur l’accord de Hong Kong L’OMC au service des transnationales (par Susan GEORGE )

samedi 24 décembre 2005.
 

Hong Kong, c’est la défaite des faibles et la victoire des forts. On a pu croire un instant que l’unité à laquelle la réunion ministérielle de Cancun était arrivée se poursuivrait en se renforcant. C’etait une cruelle illusion et la fin d’un espoir. A Hong Kong le Brésil à promu une déclaration commune du G-20 [les grands exportateurs agricoles, Brésil, Thaïlande, Afrique du Sud, Argentine...] avec le G-90 [les pays les plus pauvres— Afrique, ACP, PMA]. On a fait miroiter l’émergence d’un G-110 et on n’avait que trop envie d’y croire mais c’était de la poudre aux yeux. Loin de favoriser un front uni, le Brésil et l’Inde ont tenu plus que tout à leur alliance et ont lâché les pays pauvres. Voir mon analyse dans le Bulletin no. 1 écrit juste avant mon départ pour Hong Kong, plus réaliste, qui prévoyait exactement ce cas de figure.

Je me désole d’avoir eu raison. Les Etats-unis et l’Europe peuvent se féliciter. Depuis Cancun, ils n’ont cessé de dorloter et de flatter le Brésil et l’Inde, leur rendant de nombreuses visites et les invitant à participer au groupe dit des FIP [Five Interested Parties ou Cinq pays-membres intéressés] aux négociations agricoles. De nombreuses organisations non-gouvernementales de nos amis ont fait paraître un communiqué a Hong Kong niant le droit de leur principal négociateur Kamal Nath à conclure quelqu’accord que ce soit, vu son appartenance à un gouvernement minoritaire et son indifférence au sort des paysans pauvres. Jose Bove — je l’ai cité dans un autre Bulletin de HK — compare le President Lula du Brésil au President Lech Walesa de la Pologne à une autre époque, lâchant à la première occasion la classe populaire dont ils étaient issus pour devenir plus néo-liberaux que nature.

Les services : Même si la presse a parlé surtout du dossier agricole, je commente d’abord celui des services car il reflète bien les tours de passe-passe qui caracterisent les négociations à l’OMC. Toute réunion ministérielle commence sur la base d’un texte fourni par le Secretariat [et le DG Pascal Lamy] et fondé sur les négociations qui ont eu lieu jusqu’alors. En arrivant à HK, l’Annexe C à ce texte de base, traîtant des services, avait été mis entre crochets [.....] car de très nombreux pays membres estimaient qu’elle ne pouvait être la base de négociations. A HK même, le G-90 a lancé une critique de cette Annexe et sept pays [Afrique du Sud, Cuba, Indonésie, Kenya, Philippines, Venezuela] ont écrit au Président de la Conférence John Tsang de HK pour lui dire que « ladite Annexe ne peut pas faire partie de la Déclaration Ministerielle finale ». Le président du Groupe services ne fait pas circuler la contribution du G-90 [qui ne devient jamais de ce fait une contribution officielle] et des pressions invraisemblables s’exercent sur les signataires de cette lettre. Samedi et dimanche, les négociations se poursuivent dans une « chambre verte » [les fameuses Green Rooms, d’après la couleur du papier mural du bureau du DG autrefois quand cette pratique détestable a été initiée] limitée à une trentaine de membres, choisis par le DG et les présidents des différents groupes de négociation. Et le texte sur les services sort dans la déclaration finale, sans crochets, avec un calendrier pour les négociations l’an prochain. C’est magique.

A ATTAC et dans le mouvement altermondialiste en général, nous aurong fort à faire. La grande idée des Européens est d’encourager les négociations plurilatérales — c’est-à-dire des groupes de pays vont demander l’ouverture de tel ou tel secteur à d’autres pays ou groupes de pays membres. Ainsi les groupes « d’Amis » de tel ou tel secteur commencent a s’organiser. La Nouvelle Zélande met sur pied un groupe « des Amis de l’Education ». Il sera difficile de refuser de négocier avec eux et tous les pays membres qui souhaitent en réalite contourner leur opinion publique se saisiront de cette opportunité. C’est ce que voulaient le MEDEF et l’UNICE ; ils sont servis.

L’agriculture : Quel piètre lot de consolation pour les PED. Déjà à Cancun le principe de la fin des subventions à l’exportation était acquis même s’il manquait encore la date. Les Européens avaient décidé de toute manière de les supprimer d’ici a environ 2013, date finalement retenue. La belle affaire ! Il s’agit d’un montant d’environ 2.3 a 2.7 milliards d’euros sur une PAC qui en represente 43 milliards. Et si cette suppression à pour effet de faire monter les prix agricoles sur les marchés internationaux, le Brésil et d’autres exportateurs seront content mais pas les importateurs. Or, 105 sur 148 Pays en Développement (PED) et 48 sur 63 Pays les Moins Avances (PMA) importent plus de nourritures qu’ils n’en exportent.

Le Coton est un autre marché de dupes et les africains des pays cotonniers le savent bien. Les Etats-Unis éliminent leurs subventions à l’exportation, mais cela ne représente qu’une petite partie des subventions totales et ce sont les subventions à la production qui font mal. Les USA ont proposé $7 misérables millions aux Coton-4, une pitance comparé aux dizaines de millions qu’ils perdent.

NAMA : Quant au NAMA, la formule suisse est adoptée, les tarifs douaniers les plus élevés devront être coupés le plus ; les industries fragiles du Sud vont être mises à rude épreuve et beaucoup sans doute disparaitront.

Nous allons sans doute perdre le litige OGM devant l’Organe de règlement des différends debut janvier. La décision est déjà prise mais il n’était pas question de l’annoncer avant HK. D’après les rumeurs, l’ancien DG de l’OMC Mr Supachai aurait dit que les USA avaient eu gain de cause. C’est un cas re-boeuf aux hormones et on se fiche totalement de l’opinion publique européenne. Comme on se fiche de la survie des producteurs de coton africain ou des producteurs de la banane et du sucre dans les Caraibes.

Dans Le Rapport Lugano, j’ai essayé de décrire le scenario dans un monde où seule la production et la consommation capitaliste comptent ; ou ceux qui ne sont pas « compétitifs » doivent disparaître. Ecrit en 1998-99, ce scénario me semble helas plus vrai avec chaque année et chaque Réunion ministérielle de l’OMC qui passe. GEORGE Susan


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