Hollande propose au PS une stratégie d’alliance avec Bayrou pour les élections régionales et présidentielles

lundi 20 avril 2009.
 

Qu’a dit Hollande ? Très exactement. D’abord cette phrase ciselée dans la meilleure tradition du « balancement circonspect » des énarques : « Le PS ne doit céder ni à la diabolisation sans raison ni à la séduction sans principe. » Tout est dans la nuance. Imaginez une diabolisation avec des raisons. Ou une séduction avec des principes ! L’effet visé est de paraître mesuré, raisonnable. Il s’agit de disqualifier les postures actuelles en les dépassant.

L’objectif sémantique est de reformuler une problématique totalement discréditée. Comment ? Réponse : « proposer une clarification des convergences et des divergences. ». Qui peut être contre une clarification, en général ? Donc en particulier ? Hollande vous a fait faire la moitié du chemin. Vous qui pensiez que le centre c’est la droite, il vous reste à admettre l’idée d’avoir une nouvelle vision de ce Centre. Une vision basée sur une « clarification » de ce qui vous paraissait pourtant parfaitement clair jusque là.

C’est de cette façon que François Hollande vous conduit au seuil de l’autre moitié du chemin qui reste à faire. Attention balancement circonspect en vue. « Si les divergences l’emportent sur les convergences, chacun comprendra le refus de l’alliance. Si c’est l’inverse, alors il faudra en tirer les conclusions. » Faites une pause car vos poumons pourraient éclater. Car vous voilà rendu au point où vous allez avoir des conclusions à tirer. Parti de l’idée d’une clarification vous voila rendu au point où vous pourriez avoir une conclusion à tirer a l’inverse de ce vous aviez toujours cru. Laquelle ? « Si nous avons suffisamment à faire ensemble, disons-le, sans avoir peur de perdre notre âme. » Nous y voilà. Tout le monde s’y attendait.

Quel est le sens de tout cela ? Quel but vise François Hollande ? Le changement d’alliance

En présentant la méthode qui le rend praticable pour le socialiste. Rien d’autres. Il ne s’en cache pas. « Je fais de la pédagogie. » explique-t-il. « J’ai posé les principes d’une stratégie d’alliance pour le Parti socialiste lors des municipales : le rassemblement de la gauche sur un projet avec des partenaires liés par un contrat. C’est sur le respect de ces principes qu’ont été acceptées des alliances locales avec le Modem. ». Donc c’est bien ce que j’expliquais à l’époque. Les municipales ont été le banc d’essai d’une nouvelle stratégie. C’est l’aveu.

Qui peut l’affronter sur cette base ? Martine Aubry qui a elle-même fait cette alliance alors qu’elle n’en avait même pas besoin arithmétiquement. C’est parce qu’il enferme Aubry dans ses propres contradictions qui l’empêchent de réagir que Jean Christophe Cambadélis déclare au sujet de Hollande : « pervers pépère est de retour ». Une fois ce bilan du passé rappelé, il semble que, pour François Hollande, la clarification annoncée au début de l’interview soit faite, vingt lignes plus bas ! Voici l’aveu : « C’est la même stratégie que je propose pour les scrutins à venir. »

Cette ultime phrase comporte un pluriel que les autres socialistes ont soigneusement oublié de relever… « Les scrutins à venir » ! Tous ont fait comme s’il s’agissait de la présidentielle de 2012. Mais le pluriel désigne aussi les prochaines élections régionales.

Pourquoi les chefs socialistes n’ont-ils pas protesté contre cette idée ? Parce qu’ils se préparent à la mettre en œuvre. C’est pourquoi le niveau de la réplique à François Hollande est aussi faible et hypocrite. Tous lui reprochent le tempo. Pas le fond. D’ailleurs certains mettent les pieds dans le plat. Comme Pierre Moscovici. Il estime que l’initiative de François Hollande est "juste sur le fond". Pour lui, cette position "tranche avec certaines hypocrisies, de la part de ceux qui jurent, la main sur le cœur, qu’ils ne pactiseront jamais avec le centre, alors qu’ils se sont alliés avec lui dans leur commune ou s’interrogent sur le deuxième tour des élections régionales". C’est exactement ce que j’explique.

Je suis donc d’accord avec Moscovici : Hollande a le mérite d’avoir vendu la mèche. Il a mis sur la place publique ce que les autres essayaient de reporter à demain, quand les électeurs n’y seront plus, juste après les européennes. C’était le cœur de nos divergences au PS, du temps où j’en étais membre. La question met en cause l’identité de la gauche. C’est la pente de toute la social-démocratie européenne. C’est ce qui a conduit la gauche italienne au néant. Tout cela, je l’ai analysé des dizaines de fois sur mon blog, dans mes livres et articles. J’en épargne donc le rappel.

Reste ceci. L’élection européenne prend un sens parfaitement clair aussi sur ce point. Si le score du Front de gauche est suffisant, le PS se verra fermer la possibilité de faire son alliance au centre car il perdrait autant et même plus sur sa gauche. Il sera donc au contraire contraint à l’alliance à gauche sans exclusive. Il sera contraint de discuter un programme et d’organiser une dynamique en relation avec cette alliance de gauche. Le vote pour le Front de gauche est donc la garantie anti alliance au centre. Le moyen de maintenir la gauche à gauche dans le pays. Et donc de rendre possible une autre majorité parlementaire en France.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message