OTAN : 60 ans et armée de toutes ses dents

samedi 4 avril 2009.
 

A l’occasion du sommet du 60ème anniversaire de l’OTAN à Strasbourg les 3 et 4 avril, Raquel Garrido et la commission internationale du Parti de Gauche décryptent les enjeux de l’évolution de l’OTAN et les raisons de l’opposition du PG à cette alliance obsolète.

La férule du commandement suprême

De Dwight Eisenhower en 1951 à John Craddock aujourd’hui, le Commandeur des forces Alliées-Europe (SACEUR) a toujours été un états-unien. La France a quitté le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en 1966, car il était en réalité entièrement soumis aux Etats-Unis, et ne permettait pas à la France de déployer une politique d’indépendance nationale en matière militaire et de défense.

Fondée en 1949 pour être le bras militaire de la Guerre froide, l’OTAN aurait du, en toute logique, disparaître à la fin de celle-ci. Lorsque Gorbatchev a annoncé, dans un discours aux Nations Unies, dès décembre 1988, le retrait des forces russes des pays du Pacte de Varsovie, et qu’ensuite ce même Pacte fut dissous, l’OTAN aurait pu considérer sa tâche comme accomplie. La dissolution de l’OTAN avait d’ailleurs été un engagement fait à M. Gorbatchev.

En réalité, l’OTAN n’a jamais cessé sa stratégie d’élargissement. De même qu’en 1952 l’OTAN faisait adhérer la Turquie et la Grèce, dont les positions géographiques étaient stratégiques autour de l’URSS, l’OTAN a aujourd’hui invité la Géorgie et l’Ukraine à adhérer. Entre-temps, l’OTAN est passée à 26 membres, et son élargissement s’est fait concomitamment avec l’élargissement de l’Union Européenne, en accord avec elle mais en réalité en l’affaiblissant.

L’adhésion de la République Tchèque, de la Pologne et de la Hongrie a abouti à la mise en œuvre d’un programme d’établissement de bases anti-missiles dans ces pays, et l’on sait que la CIA a établi des prisons secrètes en territoire européen en avant-goût de la prison de Guantanamo, et ce dans le plus grand laisser-faire des autorités européennes.

De nouveaux prétextes à faire la guerre et à contrôler des territoires

Ayant constamment élargi ses missions, l’OTAN justifie aujourd’hui son maintien par l’existence de menaces « modernes », comme les conflits ethniques, l’approvisionnement énergétique ou le terrorisme. Autant de fondements à des interventions militaires visant des intérêts économiques avant tout. En particulier, les attentats du 11 septembre 2001 servent de fondement à l’accroissement des activités militaires de l’OTAN, en particulier en Afghanistan, dans lesquelles l’Armée française est investie et davantage encore depuis que Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République.

Déjà soumis à George Bush, Nicolas Sarkozy en rajoute avec l’élection de Barack Obama. Celui-ci a demandé à la France de s’investir en Irak, ce que Nicolas Sarkozy a accepté de faire comme l’a signifié son récent déplacement en Irak, première visite d’un Président français depuis l’invasion américaine que la France avait fortement récusée.

C’est donc une véritable rupture avec la position historique de la France que la décision, par Nicolas Sarkozy, de réintégrer le Commandement intégré de l’OTAN. Cette adhésion complète à la stratégie belligène des Etats-Unis est un grave risque pour la France. Les risques de se voir embarquer dans un conflit armé lié, par exemple, à l’approvisionnement énergétique, mettons en Géorgie ou en Ukraine, ne sont pas imaginaires.

Un soutien de taille : le Traité de Lisbonne.

Malgré le danger, il est notable que la soumission à l’OTAN et aux Etats-Unis est pourtant à l’ordre du jour au niveau de l’Union Européenne également. Bien que six pays de l’UE ne fassent pas partie de l’Otan ( Autriche, Chypre, Finlande, Irlande, Malte et Suède), le Traité de Lisbonne, qui fort heureusement est pour l’instant caduc grâce au vote NON des Irlandais, prévoyait, comme ceux qui l’ont précédé, une référence explicite à l’OTAN. En effet, l’article 42.2 du Traité sur l’Union Européenne serait amendé par le Traité de Lisbonne pour stipuler que : « La politique de l’Union [..] respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». Tout est dit. Rien ne pourrait justifier qu’un Etat membre tire des traités européens le fondement à une politique de sécurité et de défense indépendante de l’OTAN.

Le 3 avril prochain, Angela Merkel traversera le Pont de l’Europe à Strasbourg pour franchir la frontière allemande et entrer en France pour saluer Nicolas Sarkozy qui l’attendra de l’autre côté du pont. Cet acte éminemment symbolique d’amitié franco-allemande se fera pourtant dans le cadre des célébrations des 60 ans de l’OTAN. Alors que la ville sera totalement assiégée par l’appareil militaire US, les deux présidents les plus importants de l’UE feront les marioles avant de se prosterner devant Barack Obama et le Général Craddock.

Une saine réaction citoyenne

Alors que les Sommets de l’OTAN se réunissent presque chaque année, ce Sommet ne passera pas inaperçu. La volonté de vouloir affirmer de façon ostentatoire la pérénité de cette organisation militaire par une célébration eu coeur de l’Europe, sur territoire français, est une provocation, puisque la raison montre que cet anniversaire n’aurait jamais du avoir lieu. Il y aura donc, parallèlement, une contre-offensive citoyenne d’ampleur européenne. On connaît, depuis Seattle, les contre-sommets de l’OMC. On connaît les contre-sommets du G-7 (ou du G-20). Et que dire du FMI qui a soulevé des mobilisations dans tant de pays en crise. C’est désormais l’OTAN qui prend la foudre citoyenne. Dans le cadre du contre-sommet, le Parti de Gauche organisera le vendredi 3 avril, à Illkirsh, une grande conférence sur le Traité de Lisbonne et l’OTAN. Avec Die Linke (Tobias Pflüeger) et le Collectif du NON de Gauche irlandais (Michael Youlton), nous affirmerons la nécessité de refuser le Traité de Lisbonne car il est contraire à l’objectif de paix. Alors que le Gouvernement français est passé en force pour faire valider, au Parlement, la réintégration de la France au commandement intégré de l’OTAN, nous refuserons la force et nous exprimerons pacifiquement en citoyens conscients et libres.

Quand le Parlement européen vote l’alignement sur l’OTAN

Le 19 février, dans une résolution sur « le rôle de l’OTAN dans l’architecture de sécurité de l’UE", les euro-députés affirmaient "qu’un consensus réel, global et démocratique entre l’Union européenne et l’OTAN est un aspect essentiel de la mise en oeuvre de cette stratégie, fondée sur un consensus sécuritaire entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique". Le texte, qui revendique un « partenariat encore plus étroit » entre l’UE et l’Otan dans « des domaines tels que le terrorisme international (...), la criminalité organisée, les cybermenaces, la dégradation de l’environnement, les catastrophes naturelles et autres » a été adopté de justesse, notamment grâce aux voix du PSE, et en dépit la bataille livrée par la GUE et notre ami Tobias Pflüger. Le Parlement européen en appelle aussi à un grand marché transatlantique à l’horizon 2015, dans une résolution du Parlement européen votée le 25 mars. Les députés européens français consultés dans leurs commissions respectives avaient voté pour (de droite, verts, et sociaux-démocrates).

Thibault Grac

C’est dans le texte

Extraits du Traité de l’Atlantique Nord signé à Washington le 4 avril 1949.

Article 5 : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord ».

Cet article est le fondement du caractère « automatique » de l’alliance militaire. C’est un véritable engrenage. Par exemple, si la Géorgie adhérait, (le principe de son adhésion a été validée au Sommet de l’OTAN de Bucarest en avril 2008), et était attaquée par la Russie, ce serait comme si la France était attaquée par la Russie. Dès lors, la France devrait automatiquement mettre en œuvre son droit à la légitime défense, y compris armée.

La grande trouvaille de l’OTAN, après les attentats du 11 septembre 2001, fut de considérer l’attaque des Twin Towers comme une « attaque armée » au sens de l’article 5. Pourtant, jamais cet article n’avait été soulevé face aux attentats de l’IRA en Irlande du Nord, de l’ETA en Espagne ou du PKK en Turquie, ou de l’extrême-droite américaine à Oklahoma City. Depuis, le terrorisme est devenu la justification de toute forme d’agression armée de la part des Etats-Unis. C’est ce que l’OTAN appelle la « Nouvelle ère de sécurité ».

Préambule, alinéa 2 : « [Les Etats parties], Déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit »...

L’Europe et l’Amérique du Nord ont un héritage commun, une civilisation commune, que l’OTAN doit sauvegarder. Les rédacteurs pensaient à l’URSS, mais alors que l’URSS a disparu et que partout le capitalisme s’est répandu, l’OTAN a aujourd’hui comme mission de sauvegarder la civilisation « Occidentale ». La Théorie du Choc des civilisations est vraiment la meilleure justification de toute entreprise guerrière. A l’heure de la crise du capitalisme, l’absurdité d’une alliance militaire destinée à le sauvegarder saute aux yeux.

Quelques brèves...

*La veille du Sommet de l’OTAN, pour amuser la galerie, le Comité militaire de l’Union Européenne, dont le président est le général d’armée français Henri Bentégeat, amènera une délégation de journalistes à un entraînement militaire près de Prague, les troupes slovaques et tchèques en question ayant été „mises à disposition" de l’UE par ces Etats. Ne vous étonnez pas si vous voyez les images au 20 heures, il s’agit de démontrer que tous les pays de l’Est qui ont adhéré à l’OTAN sont en réalité sous influence française et européenne. On y croit.

*Abordé lourdement par l’OTAN pour qu’il adhère, le Président arménien Serzh Sargsian a déclaré : « Notre politique depuis 10 ans a consisté à chercher un équilibre entre les intérêts des USA, de la Russie, et de l’OTAN. Il est très attractif d’essayer de profiter des contradictions entre ces forces, mais cela peut aussi s’avérer très dangereux. [..] Nous coopérons avec l’OTAN, [..], mais nous ne voulons pas en être membre. Il pourrait être extrêmement dangereux de créer de nouvelles lignes de séparation dans cette région. C’est la leçon de la guerre en Géorgie ». Bien vu.

* Les USA sont bien entendu les plus gros financeurs de l’OTAN, avec (en 2000), plus de 40% des apports au budget des opérations militaires. Ensuite vient l’Allemagne, avec 27%. La France, elle, ne participait pas du tout à ces frais en 2000, pour ne concentrer son apport qu’au budget civil. L’engagement supplémentaire de la France aura donc un coût qui sera en tout état de cause toujours insuffisant pour se dégager de la coupe des Etats-Unis. Ajoutons qu’en cette période de crise la France a bien mieux à faire des deniers publics que de créer des dépenses militaires nouvelles.


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