3 millions de manifestants le 19 mars. Aujourd’hui, une course contre le vide politique (éditorial national du Parti de Gauche)

mardi 24 mars 2009.
 

Plus de trois millions de manifestants dans toute la France. Le succès numérique du 19 mars est incontestable. Il est même considérable : ces chiffres sont ceux des plus grandes mobilisations qu’ait connues notre pays.

Outre l’importance des cortèges, il faut souligner leur composition. Par rapport au 29 janvier, on y compte plus de jeunes, plus de salariés du privé, plus de non syndiqués et même une proportion significative de travailleurs qui manifestaient pour la première fois. Alors que plusieurs semaines séparaient les deux dates, la mobilisation s’est significativement élargie. Elle a franchi un seuil.

Ce succès est d’autant plus révélateur que la crise est encore loin d’avoir produit tous ses effets. Et que cette manifestation ne s’appuyait pas sur une revendication unificatrice comme les journées d’une ampleur similaire qui l’ont précédée dans notre histoire sociale (CIP, loi Fillon de 2003 sur les retraites...). C’est aussi une grande différence avec la mobilisation des Antilles. Celle-ci rassemblait la population autour d’une question centrale, la vie chère, à laquelle répondaient deux séries de mots d’ordre : baisse des prix et hausse des salaires. Le 19 mars, les revendications étaient innombrables. Elles n’épargnaient aucun compartiment de l’action gouvernementale et portaient bien plus largement sur la réponse à la crise. S’il faut chercher un mot d’ordre unifiant, celui qui a été le plus largement porté par les manifestants était le « casse-toi pov’con » arboré dans tous les cortèges. Un autocollant « grenat » signale le journaliste du Monde qui ne pousse pas ce souci de la précision jusqu’à indiquer qu’il était édité et signé par le Parti de Gauche.

« Casse toi pov con », ce mot d’ordre est fort peu « syndical ». Il montre que la mobilisation cherche une issue politique. Les manifestants réclament un changement complet de perspective politique. Quel sera l’outil de ce changement ? Trois jours seulement après le 19, le rassemblement-concert organisé par le Parti socialiste au Zénith a connu un échec fracassant. Un millier de personnes, 1500 selon Martine Aubry, dans une salle qui peut en contenir plus de 6000 (nous en savons quelque chose puisque nous avons rempli le Zénith le 8 mars pour lancer le Front de Gauche !). Lugubre. Grandes eaux pour la mobilisation sociale, basses eaux pour le principal parti à gauche. Deux mondes étanches l’un à l’autre. C’est proprement sidérant. Alors que le mot d’ordre des millions de manifestants était le départ de Sarkozy, on pouvait penser qu’une portion d’entre eux se tournerait vers le principal parti à gauche, celui de « l’alternance » et du « vote utile ». Mais la mobilisation sociale ne produit aucun mouvement vers le PS. Rien, pas un adhérent de plus, pas un participant de plus à ses initiatives. C’est même l’inverse, comme si l’intensité de la mobilisation sociale achevait de démobiliser les rangs socialistes. Cet encéphalogramme plat n’est pas une bonne nouvelle pour la gauche. Car si nous ne disposons pas des outils politiques pour la battre aussi dans les urnes, la droite a les moyens de tenir tête longtemps au mouvement social.

C’est pourquoi le succès du Front de Gauche est vital. Certes le Front de Gauche est moqué dans les superstructures. Le Zénith vide du PS fait cent fois plus de bruit dans les médias que celui plein à craquer du Front de Gauche. Bien des directions nationales des partis nous regardent de haut. Celle du MRC vient de refuser de rejoindre le Front de Gauche. Ce n’est pas une surprise après les déclarations provocantes de Chevènement se déclarant favorable au rassemblement de la gauche « de Mélenchon à Bayrou ». La grande majorité des dirigeants nationaux des Alternatifs ont défendu l’alliance avec le NPA ou la non participation aux élections. Malgré cela, l’option du Front de Gauche n’a été écartée que d’une dizaine de voix. Près d’un tiers des structures locales des Alternatifs ont en effet voté pour la participation au Front de Gauche.

C’est ce mouvement à la base qui compte. Or tous les échos de terrain concordent. Quand les directions nationales renâclent, des structures locales rejoignent le Front de Gauche. Dans les manifestations du 19 mars, nos points fixes ont reçu un accueil extraordinaire. Lors de la seule manifestation parisienne, plus de 2500 signatures ont été recueillies pour le comité de soutien au Front de Gauche ! La repolitisation de la société soumet les choix de chacun au jugement populaire. Un nombre croissant de citoyens analyse le soutien du PS au Manifesto ou se penche sur les raisons pour lesquelles le NPA a refusé l’unité. Le raisonnement du Front de Gauche fait son chemin dans ces consciences éclairées. Bien sûr cette dynamique doit être confortée. Nos forces sont naissantes. La division de l’autre gauche peut encore tout faire voler en éclats. Mais dans le vide politique à gauche, le Front de Gauche est la seule perspective d’avenir qui émerge. La situation n’invite pas à mégoter. Il y a un point d’appui politique, il faut tout faire pour le renforcer.


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