Manuel Valls, de la MNEF à Barcelone

jeudi 19 mars 2009.
 

- E) Espagne : Manuel Valls prend une déculottée à Barcelone
- D) Valls à Barcelone : Susana, sa compagne prend la parole
- B) Manuel Valls prépare la prise de Barcelone par la droite
- A) Manuel Valls, de l’ombre de la MNEF aux coulisses du PS

E) Espagne : Manuel Valls prend une déculottée à Barcelone

Décidément, Manuel Valls est irréconciliable... avec les électeurs ! L’ex-Premier ministre français a échoué à prendre la mairie de Barcelone, selon les résultats des élections municipales en Espagne.

À quelques jours du scrutin, il gonflait le torse dans La Vanguardia : « Je suis un leader. J’ai des défauts, mais j’ai gagné toutes les élections directes auxquelles je me suis présenté ». Manuel Valls ne peut désormais plus le dire car il vient de perdre les municipales de Barcelone, qui se déroulaient ce dimanche 26 mai en même temps que les élections européennes.

Sa liste, « Barcelona pel Canvi » (« Barcelone pour le changement »), termine en quatrième position, avec 13,20 % des voix, envoyant 6 élus dans un conseil municipal qui en comporte 41. L’alliance qui se profile au sein de cette instance, soit de gauche, soit entre indépendantistes, exclut toutes chances pour Manuel Valls d’entrer dans le gouvernement de la ville.

Cette ville, il l’a pourtant quadrillée ces derniers mois. Taxé d’« opportuniste », il a dépensé son énergie à montrer qu’il était un « vrai » Barcelonais – un emblème de Barcelone pour logo, réseaux sociaux inondés de ses sorties dans les rues, autobiographie titrée Barcelona, vuelvo a casa (« Barcelone, je rentre à la maison »). Pendant ce temps, ses adversaires mettaient le focus sur les épisodes de son passé français qui l’affaiblissaient (baromètres d’opinion défavorables, affaire Leonarda, vidéo des « quelques blancs, quelques whites, quelques blancos » d’Évry...).

Il fallait s’attendre à un tel ressentiment. Car en arrivant, Manuel Valls a martialement voulu diviser la ville entre « populistes » (les Podemos catalans) et indépendantistes d’un côté, « constitutionnalistes » (défenseurs de l’unité de l’Espagne) de l’autre. C’était oublier toutes les nuances – catalanistes modérés, autonomistes – pouvant exister au milieu. C’était aussi surestimer sa capacité de rassemblement, et sous-estimer les réalités locales du paysage politique barcelonais.

Son projet de liste « transversale », qui voulait unir de la droite conservatrice (Parti populaire) à la gauche socialiste, a échoué. Seul le parti Ciudadanos, né centriste mais de plus en plus porté à droite, l’a appuyé. Dans une ville qui vote historiquement à gauche, l’ancien Premier ministre français s’est retrouvé isolé, avec des soutiens et des marqueurs de campagne – l’ordre, la sécurité, la fermeté – identifiés à droite.

Valls Manque de vista

Le poids de l’actualité nationale lui a ensuite joué des tours. Ciudadanos s’est résolu à faire chuter le président socialiste Pedro Sánchez, quitte à s’allier avec la formation d’extrême droite Vox, comme en Andalousie. Manuel Valls s’est retrouvé coincé : comment représenter un parti qui veut la peau des socialistes à Madrid, quand on a besoin d’eux pour gagner à Barcelone ? Un piège... et une erreur d’appréciation, car la radicalisation de Ciudadanos était visible et documentée avant son arrivée en Catalogne. Mais quand on lui soumettait la remarque, il répondait en parlant de « propagande ».

Ses chances se sont définitivement éteintes avec la victoire de Pedro Sánchez aux élections générales d’avril. « L’effet Sánchez » a donné des ailes aux autres candidatures socialistes, dont celle de Jaume Collboni. Ce dernier est devenu l’incarnation du vote utile anti-indépendantiste, dérobant ce statut à Manuel Valls. Jaume Collboni arrive finalement troisième, devant lui.

Et maintenant ? L’ancien maire d’Évry a promis de « rester, quoi qu’il arrive ». Il jure de ne pas refaire de carrière politique. Comme il jurait, il y a quelques mois, de ne pas être intéressé par Barcelone. Seule certitude : son implication dans le débat national va se poursuivre. Pour le reste, cela dépendra sans doute de l’évolution du paysage politique espagnol. « Quand on a été ministre, Premier ministre, candidat à une présidentielle, se contente-t-on d’un poste au conseil municipal ? », nous glisse, rieur, l’un de ses soutiens.

Par Daryl Ramadier, à Barcelone

Source : https://www.marianne.net/monde/espa...

D) Valls à Barcelone : Susana, sa compagne prend la parole - Le Billet de Charline (septembre 2018)

https://www.youtube.com/watch?v=26_...

B) Autres articles sur Manuel Valls

Manuel Valls : Le reniement implacable... (Jacques Serieys)

Le quarteron Valls, Le Guen, Cambadélis, Borgel mène le PS à la baguette

Valls : deux ans déjà !

Selon Manuel Valls : le bonheur est dans la « pré-distribution »

VALLS DEMISSION ! (13 articles)

Manuel Valls : l’homme qui ne prend pas les roses qu’on lui offre...

Manuel Valls peut être stoppé (Jean-Luc Mélenchon, 2013)

C) Manuel Valls prépare la prise de Barcelone par la droite

13 août 2018 Par Ludovic Lamant

Source : https://www.mediapart.fr/journal/in...

L’ex-premier ministre s’est entouré de conseillers et multiplie les dîners à Barcelone, en vue des municipales de mai 2019. Face aux indépendantistes, Manuel Valls veut être le « candidat de l’ordre ». Mais il retarde sa décision, conscient du risque d’échec. Issu de la droite dure, l’un de ses conseillers crispe.

Barcelone (Espagne), envoyé spécial.– Il répète qu’il n’a pas pris sa décision. « Je me donne encore quelques semaines de réflexion », a fait savoir Manuel Valls au quotidien El País le 19 juillet. L’ancien premier ministre français a prévu de dire, en septembre ou octobre, s’il se lançait dans la course à la mairie de Barcelone, en vue des élections du 26 mai 2019.

Il est en tout cas très « motivé », selon le mot d’Inés Arrimadas, la figure montante de Ciudadanos en Catalogne. Ce parti de la droite libérale, allié de LREM en France, a proposé à l’ancien premier ministre d’être son candidat pour Barcelone. « Il doit prendre la décision, qui n’est pas seulement politique mais personnelle, de se lancer dans une aventure qui serait fantastique et inédite », s’est enthousiasmée Arrimadas mi-juillet.

Durant l’été, Valls consulte à tout-va. L’ancien socialiste enchaîne les dîners dans la capitale catalane, rencontre des chefs de parti, des patrons de presse et des entrepreneurs. Avec un groupe d’une quinzaine de conseillers qui militent pour sa candidature et l’alimentent en fiches, Valls tente d’ébaucher une stratégie pour remporter la deuxième ville d’Espagne, où il est né en 1962 avant d’emménager, très jeune, en France.

À peine lâchée l’hypothèse d’un parachutage Valls, des figures de la politique locale se sont préparées à la bataille. « Certains ont l’air désespéré au point de chercher des noms de célébrités », a ironisé la maire de Barcelone, Ada Colau, une ancienne activiste pour le droit au logement. Elle a aussi critiqué les positions « réactionnaires » de Manuel Valls sur les questions migratoires, ajoutant : « Ce qui m’interpelle, c’est qu’il ne vit pas à Barcelone. » Le candidat socialiste, Jaume Collboni, a lancé quant à lui : « Barcelone ne peut pas être un simple prix de consolidation pour les carrières politiques empêchées. »

Du côté du monde indépendantiste, le ton est plus rude, face à ce qu’on appelle dans le football espagnol un « fichaje galáctico », un « transfert phénoménal ». Pour le conservateur Xavier Trias, ancien maire de la ville (de 2011 à 2015), Valls est tout simplement « un facho », en référence à sa défense arc-boutée de « l’unité de l’Espagne ». Quant à Alfred Bosch, candidat à la mairie pour l’ERC, la gauche républicaine indépendantiste, il déclare : « Barcelone n’est pas une piste d’atterrissage pour parachutés. »

Cet accueil glacial n’a semble-t-il pas découragé le Franco-Espagnol. Citant des sources internes à Ciudadanos, La Vanguardia, le quotidien le plus influent de Barcelone, donnait début juillet Valls partant à « 96 % ». Dans les QG des partis catalans, qui préparent déjà la campagne de l’an prochain, les spéculations vont bon train. « J’ai l’impression qu’il sera candidat, il multiplie les prises de contact avec des gens de premier rang, dans de nombreux secteurs, son agenda est très étudié », assure à Mediapart Ramón Luque, un dirigeant écolo-communiste qui travaille à la réélection d’Ada Colau.

« Il a franchi un certain nombre d’étapes précises qui me donnent l’impression qu’il va se présenter », renchérit Carlos Prieto, le directeur de campagne du PSC, les socialistes catalans. « En mai dernier, il avait 80 % de chances de l’emporter. Maintenant, avec l’arrivée des socialistes au pouvoir à Madrid, cela s’annonce plus difficile », tempère, sous le sceau de l’anonymat, un politique catalan qui a proposé ses services à Valls. « Cela me semblait plus probable il y a trois mois qu’aujourd’hui », évalue de son côté l’éditorialiste vedette de La Vanguardia, Enric Juliana.

« Il existe une certaine attente, dans une partie du monde entrepreneurial et dans l’establishment. Ces secteurs sont orphelins de l’ancien parti Convergència [le parti de Jordi Pujol, longtemps majoritaire – ndlr], qui s’est radicalisé ces dernières années dans sa défense de l’indépendance. Il y a là un électorat déçu à reconquérir et Valls a les moyens d’occuper cet espace politique de l’ordre, analyse le journaliste Roger Palà, du site d’enquête catalan El Crític. Ici, on aime les choses pittoresques. Qu’un Français, ancien premier ministre, et qui en plus parle catalan, débarque, ça nous occupe. Après, c’est autre chose de savoir si cela va fonctionner… »

Valls, candidat de « l’ordre », face à la « populiste de gauche » Ada Colau ? Le député français s’est imposé dans le débat public espagnol en pleine tempête indépendantiste. Il est devenu, en décembre 2017, l’une des voix les plus fermes à l’encontre du « Procès » (vers l’indépendance) de Carles Puigdemont et de ses alliés. Ses interventions musclées en défense de « l’unité de l’Espagne » ont marqué les esprits, dans une émission télé très suivie (l’Espejo Público de Susanna Griso), dans des conférences avec des élus, de gauche comme de droite, ou encore des meetings organisés par la Societat Civil Catalana (SCC), une plateforme qui rassemble les adversaires de l’indépendantisme catalan.

Point d’orgue de cette Blitzkrieg menée contre les partis indépendantistes – et qui n’a pas fonctionné dans les urnes –, Valls est intervenu devant une salle comble, le 16 décembre, aux côtés d’Albert Rivera, le leader de Ciudadanos ou encore de Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature aux positions très conservatrices (vidéo ci-dessous). D’après un article d’El Mundo, des responsables de la SCC approchent Valls dès ce 16 décembre pour lui parler d’une éventuelle candidature à la mairie. À l’époque, « il les regarde bouche bée et rejette l’offre ».

Valls, depuis, hésite manifestement à se lancer. En délicatesse sur la scène française, éclipsé par le surgissement d’Emmanuel Macron, l’ancien maire d’Évry sait que Barcelone, ville-monde, serait une formidable occasion pour lui de se relancer. À ses yeux, ce serait « un engagement dans un autre pays, au nom de l’idéal européen », bref, une manière de « symboliser l’Europe par la preuve ». Mais il est aussi conscient qu’un échec en Espagne, après la victoire poussive – et largement contestée – dans sa circonscription d’Évry aux législatives de 2017, compliquerait un peu plus la suite de sa carrière politique.

Mais ces prises de contact ne doivent pas cacher l’essentiel : Valls s’appuie avant tout sur des réseaux de droite – et même de la droite dure – pour échafauder son plan. « Valls va construire un récit autour d’une Barcelone néolibérale, contre la “populiste” Ada Colau... Il va personnaliser la bataille, comme étant le seul capable de battre Ada Colau. Ce qui va re-polariser les enjeux autour d’un axe droite-gauche plus traditionnel, loin des débats sur l’indépendance : ce seront les néolibéraux avec Valls contre la gauche de Colau », prévoit l’écolo-communiste Ramón Luque, qui se frotte les mains par avance.

Manuel Valls s’est rapproché d’un groupe d’entrepreneurs trentenaires, Twenty50, où l’on retrouve notamment Xavier Cima, un ancien élu de Convergència parti dans le privé, également connu à Barcelone pour être marié à Inés Arrimadas, de Ciudadanos. Valls travaille aussi avec des réseaux du Parti populaire, même si le PP catalan a obtenu à peine plus de 4 % aux élections de 2017.

Outre le soutien de Ciudadanos, Valls compte surtout sur la machine de guerre de la SCC, la Societat Civil Catalana. Là encore, c’est un pari risqué, tant cet attelage est hétéroclite. Sous couvert d’opposition à l’indépendance, la SCC brasse large, depuis l’extrême droite « espagnoliste » et nostalgique de Franco à des composants conservateurs plus modérés, déstabilisés par le virage indépendantiste de la Catalogne ces dernières années.

Le quotidien madrilène El Mundo a présenté le premier président de la SCC, Josep Ramon Bosch, comme le cerveau de « l’opération Valls ». À en croire le journal, c’est Bosch qui construit l’agenda de Valls à Barcelone depuis avril, lui fait rencontrer entrepreneurs et journalistes, et tente de le convaincre de se lancer. Or Josep Ramon Bosch est loin d’être un inconnu à Barcelone. Avant de présider la SCC, Bosch, dont le père militait au Frente Nacional, le principal parti d’extrême droite en Espagne après la mort de Franco, a cofondé en 2011 Somatemps, un collectif d’extrême droite qui défend « l’identité hispanique de la Catalogne » et qui fut l’un des membres fondateurs, des années plus tard, de la SCC.

A) Manuel Valls, de l’ombre de la MNEF aux coulisses du PS

Source : http://www.mediapart.fr/journal/fra...

par Laurent Mauduit, Mediapart

L’histoire de Manuel Valls, qui croise celle de Cambadélis et de Le Guen, donne tout autant à voir sur la nécrose qui a gagné le PS. Elle donne à réfléchir sur ce parti qui s’est coupé des milieux populaires ; ce parti de technocrates hautains ou de professionnels de la politique n’ayant jamais travaillé de leur vie, ou si peu de temps, et qui sont souvent mobilisés autour d’une seule cause : la leur... C’est le point commun entre Cambadélis et Valls : ils n’ont pas de légitimité universitaire, n’ayant fait que de maigres études. Ils n’ont pas de légitimité professionnelle puisque leur ascension, c’est d’abord à d’obscures et dérisoires manigances dans les coulisses du Parti socialiste qu’ils la doivent. (…)

Si ces nouveaux promus ont un passé commun, ils sont aujourd’hui des alliés : c’est Manuel Valls qui a personnellement insisté pour que Le Guen entre au gouvernement, lequel Le Guen a tout fait pour que son vieil ami Cambadélis décroche le poste de premier secrétaire du PS. Les trois associés pourraient bien aussi nourrir des desseins identiques, comme tourner une bonne fois pour toutes la page du socialisme. Et conduire le parti vers d’autres horizons. Ou d’autres abîmes...

Le premier témoignage sur le parcours de Manuel Valls, c’est un ancien militant de l’OCI, Michel Assoun, qui me l’a fourni dans le cours de mon enquête. La scène se passe au beau milieu du mois d’août 1980 au siège du bureau national de l’UNEF, où il est de permanence. Les locaux sont déserts, comme de coutume en cette période de l’année. Et pourtant, ce jour-là, il se passe un événement anodin mais exceptionnel dans la vie du syndicat étudiant : un lycéen sonne à la porte et dit au responsable de l’UNEF qu’il est venu pour adhérer, en prévision de son inscription à l’université à l’automne. Événement microscopique mais étrange : de mémoire de syndicaliste étudiant, il n’était jamais arrivé auparavant qu’au creux de l’été un lycéen fasse spontanément une telle démarche ; ce n’est vraisemblablement jamais arrivé depuis.

Selon Michel Assoun, qui en parle les jours suivants à d’autres dirigeants de l’UNEF, l’affaire est entendue : cette adhésion hors norme ne peut s’expliquer que parce que ce lycéen leur a été « envoyé ». Ce lycéen qui se nomme Manuel Valls.

L’Unef et de très longues années universitaires

Par qui aurait-il donc été « envoyé » ? À l’époque, la direction de l’OCI a dépêché comme « sous-marins » certains de ses militants dans de nombreuses organisations rivales. Il y a eu ainsi des trotskistes infiltrés à la direction de l’UNEF rivale – dite UNEF-Renouveau –, dont Paul Robel ; il y en a eu d’autres dans le COSEF, le syndicat étudiant socialiste, parmi lesquels Jean-Marie Grosz ou Carlos Pieroni, évoqué précédemment ; il y en a eu en pagaille dans les rangs du Parti socialiste, jusqu’au sommet, dont Lionel Jospin.

Tout un temps, la rumeur circule donc dans les rangs étudiants de l’OCI selon laquelle ce jeune lycéen venu spontanément adhérer à l’UNEF, et dit être rocardien, a peut-être, lui aussi, les mêmes attaches secrètes. Cependant rien ne viendra confirmer cette hypothèse. À ma connaissance, elle a seulement été évoquée par Denis Pingaud, dans son ouvrage La Gauche de la gauche. Bon connaisseur du monde de la communication, pour avoir travaillé à Matignon sous Laurent Fabius, et avoir entretenu longtemps des relations avec Stéphane Fouks, l’intéressé donne pour certain le fait que Manuel Valls a eu des attaches secrètes avec le lambertisme. Il ne fait que l’affirmer, sans en apporter de preuve.

Quoi qu’il en soit, il existe déjà à l’époque un noyau d’étudiants rocardiens qui a opéré le mouvement vers l’UNEF, et qui a participé au congrès de réunification de Nanterre au mois de mai précédent. Ils sont peu nombreux, sans doute guère plus d’une dizaine au plan national. Mais l’OCI, qui a besoin de montrer que ce congrès de l’UNEF est un événement historique pour la vie universitaire, les a accueillis à bras ouverts. En outre, comme les fausses cartes circulent à foison (il y a plus d’adhérents à l’UNEF à Strasbourg que d’étudiants inscrits à l’université !), l’OCI déroule le tapis rouge à ces jeunes rocardiens qui donnent du crédit au mouvement de réunification.

Dans les semaines qui précèdent le congrès de réunification, d’âpres négociations se déroulent dans les cafés voisins du bureau national de l’UNEF, situé rue de Hanovre (dans des locaux qui appartiennent à la confédération FO), à deux pas de l’Opéra, entre la direction du syndicat étudiant et ce courant des étudiants rocardiens, dont les deux chefs de file sont Stéphane Fouks (futur dirigeant de l’agence de communication Euro-RSCG, rebaptisée Havas) et Alain Bauer (futur grand maître de la principale loge maçonnique, le Grand Orient de France).

Négociations surréalistes... Régulièrement, Fouks suspend les tractations en prétendant qu’il va téléphoner à Michel Rocard pour le consulter, alors que l’ancien leader du PSU et rival de François Mitterrand ignore tout de ce qui se trame dans les arrière-cuisines de l’UNEF. Ces suspensions interviennent alors que l’OCI veut devancer les désirs de ces étudiants rocardiens et leur accorder des positions syndicales importantes, même dans des villes où ils ne pèsent rien. Plusieurs associations générales d’étudiants de l’UNEF, en province, leur sont offertes avant même que ne se tienne le congrès de Nanterre, en mai 1980, à l’issue duquel Fouks et Bauer font leur entrée au bureau national du syndicat. Encore lycéen en mai 1980, Alain Bauer rate le premier jour du congrès parce qu’il doit se rendre en cours. (…)

De ce noyau d’étudiants rocardiens, c’est Stéphane Fouks le plus âgé et celui qui a le plus d’expérience politique. Fils d’un ancien résistant juif communiste, qui a été dans les maquis du Jura puis a rompu avec le PCF après la guerre pour basculer vers le mendésisme, il a adhéré au Parti socialiste à l’âge de quinze ans, en 1975, alors qu’il était encore lycéen. Il militait au sein de la section socialiste de Charenton-le-Pont, où il a fait la connaissance de l’une des figures de proue du rocardisme, Yves Colmou. Devenu étudiant, il a adhéré à un petit syndicat, le Mas, où se côtoyaient des rocardiens et des militants de la Ligue communiste révolutionnaire. C’est avec cette expérience qu’il participe au congrès de réunification de l’UNEF, au printemps 1980, et fait cause commune avec un autre jeune rocardien, Alain Bauer. (…)

De son côté, Manuel Valls fait un choix : la politique et le Parti socialiste, où il bascule vite et s’investit. Sa première section d’accueil est celle de Paris-I ; il rejoint le comité directeur quand Fouks lui cède sa place. Il y bascule si vite qu’il néglige ses études. Plus de trente ans plus tard, sa biographie, postée sur le site Internet de Matignon, affiche fièrement ce parcours d’études d’histoire dans ladite université : « Études d’histoire à l’université Paris-I », sans préciser quels diplômes l’étudiant aurait pu décrocher. Sur le site Internet du ministère de l’Intérieur, peu avant, son cursus universitaire était présenté de manière encore plus énigmatique : « Ancien élève en histoire à l’université Paris-I. » Et pour cause. À l’époque, il n’en décroche aucun d’importance. Au terme d’« un parcours universitaire chaotique », selon la formule de son ami Bauer, il obtient tout juste une licence d’histoire, s’il faut en croire sa biographie sur Wikipédia.

Michel Rocard sur ses gardes

Dans leur livre Manuel Valls, les secrets d’un destin, les deux auteurs Jacques Hennen et Gilles Verdez indiquent ce qu’ils sont parvenus à reconstituer du cursus universitaire du jeune rocardien : « Sa présence est notée pour la première fois en 1980 en DEUG de droit première année et pour la dernière fois en 1987. » Les deux auteurs citent alors Manuel Valls lui-même : « Je fais une première année de droit qui se termine par un désastre absolu. Je bifurque vers l’histoire. Mon diplôme, c’est la licence d’histoire, je l’assume, mais je suis happé totalement par la vie politique et mes vrais diplômes sont politiques. » Et les deux auteurs reprennent leur récit : « De fait, il obtient le DEUG en trois ans, puis décroche la licence et ne mène pas sa maîtrise à son terme. » (…)

Sans légitimité universitaire, Manuel Valls s’immerge dans la vie interne du courant rocardien. Ce serait excessif de dire qu’il ne s’y fait que des amis. Dès le début de son cheminement, il suscite même l’étonnement ou l’agacement tant il paraît pressé de se faire une place. L’un des cadres dirigeants du mouvement rocardien de l’époque se souvient d’avoir vu débarquer Valls dans son bureau en 1980 – un « jeune angelot venu de nulle part » que lui avait recommandé un ami, à la veille du congrès de la fédération de Paris du Parti socialiste. Pensant être bienveillant, le dirigeant socialiste propose à son jeune camarade de le parrainer pour entrer à la commission exécutive fédérale. À sa grande surprise, l’intéressé fait la fine bouche et rétorque : « Non ! Je pense que l’on pèse trois places... » Le dirigeant rocardien enregistre la réponse mais n’y donne pas suite, estimant que le jeune homme est un peu trop pressé.

Quand arrive le congrès fédéral, les dirigeants rocardiens sont donc persuadés que leur jeune recrue s’est fait une raison et qu’il se satisfera de ce siège à la commission exécutive, dont la composition a fait l’objet de longues et délicates tractations avec les autres sensibilités du parti. Quand le vote a lieu, il réserve une surprise : Manuel Valls entre bel et bien à la commission exécutive, mais il a aussi arraché à l’insu de la direction des rocardiens les deux autres postes qu’il convoitait pour des proches. « J’ai tout de suite compris qu’il n’était pas étouffé par l’idéologie et que, pour arriver à ses fins, il avait passé secrètement un accord avec d’autres courants que le nôtre », raconte ce dirigeant qui dit s’être depuis toujours profondément défié de Manuel Valls.

Pendant de longues années, la carrière du jeune homme ne décolle guère. Tout juste devient-il l’attaché parlementaire du député Robert Chapuis, un ancien du PSU. Constamment flanqué de ses deux compères, il affiche ses ambitions mais suscite aussi des inimitiés au sein de son propre courant, tant il apparaît à tous un peu trop pressé. Michel Rocard s’en amuse, et s’en méfie aussi.

Au siège de la mouvance rocardienne, située au 226 du boulevard Saint-Germain, à Paris, le trio est à l’origine, en 1986, d’une violente et mystérieuse fâcherie entre Rocard et lui. Ce jour-là, une dizaine de permanents ou de cadres dirigeants de la sensibilité rocardienne sont présents dans les lieux. Subitement, ils sont conviés à une réunion imprévue, à la demande expresse de Michel Rocard. Quand tout son petit monde est assemblé, Rocard désigne du doigt le trio Valls, Bauer et Fouks, les sommant de quitter les lieux sur-le-champ, au motif qu’ils sont exclus.

La petite assemblée assiste au départ du trio, sans que quiconque demande à Michel Rocard de dévoiler les raisons de cette fracassante exclusion. Que s’est-il passé ? Dans cet étrange microcosme qu’est le rocardisme, la parole du patron est parole d’évangile et nul ne se sent autorisé à lui demander des explications. Curieusement, l’exclusion, qui a été présentée comme définitive et irrévocable, ne dure guère : à peine dix jours plus tard, les membres du QG rocardien voient revenir les trois trublions, triomphants, sans que quiconque ose, cette fois encore, demander à Rocard les raisons de sa mansuétude.

J’avoue n’être pas parvenu à percer cette énigme. L’incident m’a été confirmé par deux personnalités proches de l’ancien Premier ministre, mais toutes deux m’ont avoué n’avoir jamais pu connaître les causes de cette fâcherie. Tout juste Michel Rocard a-t-il évoqué auprès de l’un d’eux des faits graves. Selon mon second témoin, c’est l’épouse de Michel Rocard, Michèle, influente et présente dans le courant, qui aurait mal pris le fait que des intellectuels rocardiens aient été malmenés par le trio et aurait exigé une sanction.

Si Manuel Valls aime à rappeler qu’il a débuté en politique dans la mouvance rocardienne, il y a pourtant entre lui et le patron du courant, nommé Premier ministre en 1988, une relation qui n’est pas toujours confiante. Et de cela, Rocard donne de nombreux signes. Lorsqu’il accède à Matignon, il hésite sur la conduite à tenir vis-à-vis du trio Valls-Fouks-Bauer. Mais après quelque temps de réflexion, il lâche à plusieurs de ses proches, lors d’une réunion : « Écoutez camarades ! On ne peut pas les laisser en liberté ; il faut en prendre un... » Cependant, Michel Rocard est tout à fait opposé à ce que Manuel Valls entre à son cabinet. Pour une raison de fond : le Premier ministre ne veut pas d’un collaborateur qui n’ait pas de métier, et qui ne soit qu’un apparatchik. Rocard recommande donc à Manuel Valls de poursuivre ses études. « Cette position est dans l’ADN du rocardisme : la politique, c’est quelque chose qui se fait en plus, ce n’est pas un métier », se souvient l’un des lieutenants de l’époque du Premier ministre. Il ajoute : « Une grande partie de la désespérance actuelle, c’est que la politique professionnelle a pris le pas sur tout. »

Or, Manuel Valls est précisément déjà un politique professionnel : il grenouille dans les coulisses du Parti socialiste depuis déjà presque huit ans et n’a aucun autre enracinement professionnel. Apprenant le veto de son patron, Jean-Claude Petitdemange, bras droit de Michel Rocard, respecte la consigne et ne fait rien pour intégrer Valls dans l’équipe de Matignon. Seulement l’intéressé parvient à forcer la porte, en défendant sa candidature auprès du directeur de cabinet, Jean-Paul Huchon, qui finit par l’imposer.

Administrateur de la MNEF

Manuel Valls devient alors l’un des adjoints de Guy Carcassonne, qui au cabinet de Michel Rocard s’occupe des relations avec le Parlement. Valls a en charge les relations avec l’Assemblée nationale tandis qu’une autre militante, Catherine Le Galliot, s’occupe du Sénat. Assez vite, les choses se passent mal. Est-ce Guy Carcassonne qui trouve sa petite main un peu trop encombrante ? Est-ce la petite main qui n’apprécie guère d’être placée sous tutelle ? Toujours est-il que Jean-Paul Huchon est contraint de trouver une nouvelle affectation pour son protégé : il sera chargé au sein du cabinet de suivre les questions liées à la jeunesse et à la vie étudiante.

En 1989, nouvelle anicroche : Valls, qui voudrait bien que sa carrière décolle, aimerait que Michel Rocard le parraine pour être en position éligible sur la liste socialiste aux élections européennes. Peine perdue. Rocard estime que son poulain a les dents qui rayent le parquet, et y oppose son veto.

Pendant toutes ces années où il est membre du cabinet de Rocard à Matignon, de nombreux signes attestent pourtant que Valls entretient toujours des liens serrés avec ses deux plus proches amis, Fouks et Bauer, ainsi qu’avec le clan qui s’est constitué à la fin des années soixante-dix autour de l’UNEF et de la MNEF, c’est-à-dire Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Marie Le Guen et Olivier Spithakis. C’est une lettre pour le moins embarrassante, retrouvée plus tard dans les archives de la MNEF, quand la justice s’est saisie de l’affaire, qui en porte témoignage. Lisons ce qu’en dit le journaliste Éric Decouty dans Le Parisien, le 13 septembre 2000 :

« Cette fameuse lettre, parfaitement authentifiée, en date du 21 décembre 1990, à en-tête du Premier ministre, est donc signée de Manuel Valls, alors chargé de mission de Michel Rocard à Matignon et chef de file des jeunes rocardiens. Dans ce courrier adressé au “Président et Cher Ami” de la MNEF, Dominique Levêque, il regrette amèrement qu’“un des points dont nous avions convenu n’ait pas été mis à l’ordre du jour. [...] Emmanuel Couet, vice- président de l’UNEF-ID, n’est pas rentré au conseil d’administration” de la mutuelle. En conséquence, Manuel Valls présente sa démission de ce conseil et annonce une éventuelle mesure de représailles. “Je me réserve [...] la possibilité de réunir d’autres administrateurs afin d’étudier en commun leur propre retrait de cette instance.” En clair, si son exigence n’est pas satisfaite, Manuel Valls menace de faire partir tous les rocardiens de la MNEF, avant de conclure : “Je suis sûr que tu trouveras, en accord avec Olivier Spithakis [n.d.l.r. : le directeur général et véritable patron], les moyens de résoudre ce que je veux considérer comme un incident.” »

Le Parisien poursuit : « Mais la lettre de Manuel Valls recèle une autre étrangeté. “Depuis des années, écrit-il en préambule au président de la MNEF, nos relations sont basées sur la confiance et le respect des dispositions arrêtées en commun avec moi-même et Alain Bauer.” Ce dernier, qui fut comme Manuel Valls rocardien avant de devenir jospiniste, a toujours entretenu des liens étroits avec la MNEF, au point d’être nommé par Spithakis, au milieu des années quatre-vingt-dix, à la direction d’une filiale. Souvent cité dans les affaires de la mutuelle sans jamais avoir été inquiété, Bauer a été élu, en fin de semaine dernière, à la tête du Grand Orient, la première organisation maçonnique. Quelles étaient donc les mystérieuses dispositions arrêtées entre Manuel Valls, Alain Bauer et l’équipe d’Olivier Spithakis ? Si le nouveau grand maître du Grand Orient était, hier, injoignable, l’actuel porte-parole de Lionel Jospin a accepté de commenter cette lettre dont il nous a d’abord affirmé de ne pas se souvenir. » Et pour finir, le quotidien livre donc les explications emberlificotées de Manuel Valls qui, visiblement excédé, n’admet qu’une maladresse mineure selon lui : “La seule maladresse que j’ai commise est d’avoir écrit ce courrier sur du papier à en-tête du Premier ministre.” »

Avec le recul, le document revêt une grande importance car il vient confirmer la proximité qu’entretiennent ceux que François Hollande promeut au lendemain de la débâcle des municipales de 2014. La génération MNEF a pris le pouvoir.

Même si cette lettre recèle un mystère sur ces énigmatiques « dispositions » entre le patron de la MNEF et les trois jeunes rocardiens, elle vient confirmer que Valls fait partie de la bande Cambadélis et Le Guen. Même bande, ou même clan : le terme n’est pas trop fort. Même bande qui a longtemps eu l’UNEF pour vitrine et la MNEF, la richissime MNEF, pour véritable quartier général.

La lettre vient aussi mettre au jour une autre réalité : administrateur de la MNEF pendant de longues années, Valls a aussi été le témoin de la tumultueuse vie interne de la mutuelle, même s’il n’a jamais voulu s’exprimer là-dessus. La « dérive affairiste », mise au jour par la justice, il en a donc été au moins le témoin. Que sait-il ? Qu’a-t-il vu ou entendu ? On se perd en conjectures. A-t-il été un administrateur incompétent et aveugle, qui n’a rien su de ces dérives pourtant connues de tous ? Au contraire, s’il a eu connaissance de ces dérives, pourquoi n’en a-t-il jamais parlé ?

Ces questions revêtent d’autant plus de sérieux que, selon les informations que j’ai pu recueillir, Manuel Valls obtient gain de cause grâce à sa lettre comminatoire. Il ne met pas sa menace de démission à exécution et continue de siéger au sein du conseil d’administration de la MNEF, au moins jusqu’en 1992. Les « dérives affairistes » qui s’accélèrent au début des années quatre-vingt-dix, il en est donc forcément le témoin. Selon mes sources – que je n’ai pu vérifier auprès de lui puisqu’il a refusé de répondre à mes questions –, il apparaît même que Valls a continué de siéger au sein du conseil de la MNEF encore plus longtemps. Après avoir été membre du conseil d’administration jusqu’en 1992, en qualité de représentant du collège étudiant, il y aurait été reconduit, environ deux ans de plus, en qualité de personnalité qualifiée.

Cette proximité avec la direction de la MNEF, on en trouve trace dans un article du Monde, daté du 2 mars 2006. Le quotidien rend compte du procès des emplois fictifs de la MNEF, qui a débuté la veille, et donne la parole à l’un des prévenus, Olivier Spithakis. Là encore, le patron de la MNEF vient confirmer que Manuel Valls fait bien partie de la galaxie des jeunes socialistes qui a gravité autour de la mutuelle étudiante. « Des personnes ont été rémunérées en toute légalité, comme les députés de Paris Cambadélis et Le Guen, d’autres ont siégé bénévolement à la MNEF, tels le député (PS) Julien Dray et les ex-rocardiens Manuel Valls, député et ex-porte-parole de M. Jospin à Matignon, Stéphane Fouks, coprésident d’Euro-RSCG France, ou Alain Bauer [grand maître du Grand Orient de France de 2000 à 2003]. Elles étaient des actionnaires idéologiques de la MNEF. Moi, j’étais là pour garder la maison. » (…)

L’aide discrète de Hollande pour les primaires

Revenons au parcours de Manuel Valls. Après environ dix-sept années pendant lesquelles il vivote dans les coulisses du Parti socialiste, n’obtenant qu’un mandat de seconde zone, celui de membre du Conseil régional d’Île-de-France, il profite enfin d’un marchepied inespéré pour sortir de l’ombre. Au lendemain des élections législatives de 1997, qui suivent la dissolution prononcée par Jacques Chirac, Lionel Jospin s’installe à Matignon. Manuel Valls insiste pour entrer à son cabinet. Dans un seul souci : obtenir une circonscription et une légitimité grâce au suffrage universel. Problème : comment fait-on pour devenir conseiller du Premier ministre lorsque l’on ne dispose pas de la légitimité technicienne d’un haut fonctionnaire, ni de la légitimité de l’expérience ?

Valls trouve la parade : c’est le poste de conseiller à la communication qu’il brigue avec insistance auprès de Lionel Jospin. Dans les faits, il n’a pas plus de légitimité en ce domaine, mais son ami Stéphane Fouks l’incite vivement dans cette voie. Jacques Séguéla accepte même d’intervenir auprès du Premier ministre pour le convaincre que c’est le bon choix. Après plusieurs jours d’hésitation, Jospin finit par accepter.

Pour Stéphane Fouks et Manuel Valls, cette cooptation marque sans doute le tournant de leur carrière. Même s’il n’a pas accès à Lionel Jospin, qui préfère le tenir à distance, le premier passe sans cesse rue de Varenne et, du secrétariat du service de presse, adresse aux PDG avec lesquels il a des rendez-vous des fax à en-tête de Matignon, dans le genre : « Pardon ! J’aurai un peu de retard, je suis en réunion avec le Premier ministre. » C’est le moment où il prend une importance croissante au sein d’Euro-RSCG et dans les milieux de la communication d’influence. Ayant désormais l’ascendant sur Jacques Séguéla, en grande partie grâce à ce GIE qu’il forme avec son correspondant et ami de Matignon. La bataille de communication qu’il conduira pour aider la BNP à réussir son OPA sur Paribas, en 1999, finira peu après à l’installer comme un personnage incontournable du microcosme du capitalisme parisien.

Quant à Valls, s’il ne connaît strictement rien à la communication, il a assez d’habileté et d’entregent pour en comprendre les ficelles et se faire une place dans l’équipe de Matignon.

À l’époque, c’est d’Aquilino Morelle (qui, quinze ans plus tard, sera expulsé de l’Élysée, après les révélations de Mediapart sur ses liens avec un laboratoire pharmaceutique) que Manuel Valls est le plus proche. Tous deux font équipe et cherchent à gagner de l’influence en reprochant régulièrement à Lionel Jospin d’être trop dans la main des « technos » de son cabinet, emmené par Olivier Schrameck. Valls appuie aussi les propositions sulfureuses du ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn. C’est en somme la constitution d’un étrange GIE, qui va perdurer les années suivantes. Valls et Fouks s’appuient mutuellement dans leurs entreprises ; le même Valls envoie de son côté des signes de sympathie à Dominique Strauss-Kahn, dont les principaux soutiens au sein du parti sont Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Marie Le Guen, épaulé pour sa communication par Stéphane Fouks. Et dans les années suivantes, tout ce petit monde ne va cesser de se rendre des services mutuels.

Fouks va de proche en proche offrir un refuge dans son agence à certains des amis du groupe informel : à Aquilino Morelle, et à quelques autres. De son côté, Anne Hommel, l’assistante de Cambadélis, qui a fait ses classes à l’OCI, va passer elle aussi par Euro-RSCG, avant de devenir la chargée de communication de Dominique Strauss-Kahn. C’est elle qui se distinguera plus tard dans les turbulences de l’affaire Cahuzac en lâchant : « La vérité, ce n’est pas mon sujet ! »

La « génération MNEF » élargie, deux décennies plus tard.

Manuel Valls profite de son passage au cabinet de Jospin comme d’une rampe de lancement. (…) Fort de ces années à Matignon, il peut ainsi devenir le maire d’Évry en 2001, et être enfin élu député de l’Essonne en 2002.

La suite est connue. Cherchant systématiquement à prendre des positions décalées, non pas dans une logique de conviction, mais de communication ou de marketing politique, il ne rate aucune occasion de se distinguer et jouer de la provocation, dans le but de se faire un nom. Se positionnant de plus en plus à droite, le voici qui brocarde les trente- cinq heures en usant des mêmes arguments que ceux de l’UMP ; le voilà qui part en guerre contre la retraite à soixante ans. Le tout dans un seul souci, se démarquer et se faire entendre.

Manuel Valls profite aussi d’un ultime coup de pouce du destin. Et, plus précisément, d’un coup de pouce de François Hollande. Incapable de réunir les parrainages en nombre suffisant pour se présenter à la primaire socialiste, Valls reçoit l’aide discrète de Hollande, qui demande à des élus proches d’apporter leur soutien au maire d’Évry pour contrebalancer l’influence d’Arnaud Montebourg.

C’est ainsi que Manuel Valls, à force de ténacité et d’intrigues dans les coulisses du pouvoir, est devenu, contre l’avis des électeurs des primaires de 2011 qui l’ont crédité de moins de 6 % des suffrages, l’improbable Premier ministre d’un gouvernement en perdition. Quelle est sa légitimité ? Disons-le franchement : aucune. Ni légitimité universitaire : il n’est qu’un professionnel des arcanes socialistes. Ni véritable légitimité politique : la seule fois où il a brigué nationalement les suffrages des électeurs de gauche, il a été balayé.

Ainsi va la gauche : elle confie son avenir à celui qui proposait en 2009 d’abandonner le nom même de Parti socialiste.


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