Le rassemblement contre le baptême de la place Jean Paul II durement réprimé

mardi 12 septembre 2006.
 

Baptiser Place Jean Paul II, le coeur géographique du pays d’où sont comptés toutes les distances, mètre à mètre, vers Lille, Rouen, Brest, Nantes, Bordeaux... ne pouvait être accepté sans réaction d’humeur dans un pays comme la France. Mais pourquoi donc réprimer les récalcitrants comme s’il s’agissait de graves délenquants ? Aussi, il nous a paru utile de mettre en ligne ce récit d’Aline Pailler.

Même si on voulait oublier le poids que prit l’Opus Dei sous le pape Jean-Paul II ainsi que sa bienveillance envers les régimes d’extrême-droite d’Amérique du Sud, comme celui du sinistre Pinochet, la répression des Parisiens venus protester pacifiquement ce dimanche 3 septembre sur le parvis de Notre-Dame contre l’inauguration de la « place Jean Paul II » a rappelé de sinistres époques !

En effet, des Parisiens s’étaient rassemblés à l’appel d’organisations comme : L’UFAL (l’Union des Familles Laïques) Act-Up, Brigade des Clowns, Les Soeurs de la perpétuelle indulgence, les Verts, Panthères Roses...Ils ont été systématiquement chassés des lieux, arrêtés et emmenés dans des bus, molestés, insultés. Certains policiers repéraient au faciès ceux qu’ils allaient arrêter : « Tiens le mec à la chemise rose, c’est un client pour nous, on va le serrer ». Il me semble qu’il s’agit de propos homophobes, à moins que le maire de Paris ait donné des ordres pour interdire la couleur rose en-dehors du Parti Socialiste !

Porteurs de chemise rose, parapluie couleur arc en ciel et autres signes que les policiers interprétaient comme signes manifestes de l’homosexualité de la personne, étaient repoussés loin du parvis et arrêtés s’ils protestaient.

Un clown professionnel, qui travaille habituellement dans ce quartier hautement touristique, a même été arrêté car pris pour un militant de la « Brigade des Clowns » ! Pour ma part, alors que, pendant les applaudissements qui accueillaient le début du discours de Bertrand Delanoé, maire de Paris, je protestais en huant (car je ne sais pas siffler), je me suis fait ceinturer, ballonner par la main puissante d’un « supplétif » de la police et traîner par deux autres hors du parvis.

N’écoutant pas mon épaule droite, ni mes côtes meurtries, je tentai deprotester contre ces brutalités. J’ai été alors à nouveau « prise en main » et menacée d’être embarquée dans le bus surchargé où la présidente de l’UFAL venait d’être brutalement conduite au motif qu’elle avait un badge sur la poitrine. Il faut dire que tout badge, tout tract même dans un sac ou t.shirt suspect (le Che par exemple) empêchait d’approcher du parvis .

Une heure avant mon arrestation musclée et totalement disproportionnée, j’ai été contrôlée sur le parvis au motif que je parlais (sans doute depuis trop longtemps) avec trois autres personnes qui se trouvaient être journalistes à « La Vie » et au « Parisien ».

J’ai alors demandé la carte de police à l’homme en civil qui nous demandait d’ouvrir nos sacs et de nous disperser (sic !). En guise de réponse à ma question légitime, l’homme ouvrit le côté gauche de sa veste coquille d’oeuf pour me montrer son arme. J’ai pris cela comme une menace et j’ai protesté en redemandant sa carte. Il m’a alors montré un talkie-walkie et j’ai encore protesté. Alors seulement, un autre homme en civil a sorti sa carte puis un second et un troisième qui venaient nous encercler. Je précise qu’à ce moment-là nous ne faisions que discuter, la journaliste de « La vie », prenait quelquesnotes et la cérémonie n’était pas encore commencée. Nous venions pourtant d’être fouillés comme tous les gens qui avaient passé le barrage. Il s’agissait bien de nous empêcher de parler et de nous impressionner alors que nous disions que nous étions journalistes !

Ces hommes en civil, pour certains armés, d’autres porteurs de talkie-walkie, n’étaient visiblement pas des policiers car incapables de sortir leur carte contrairement à leurs collègues.

Nous les avons vus arriver en renfort : une colonne d’une quarantaine d’hommes particulièrement costauds aux allures de caïds, avançant en rangs pour prendre les talkie-walkie et les consignes données par des gradés de la police, avant de se disperser dans la foule par groupe de deux ou trois.

Le recours à ces « supplétifs » pose un sérieux problème de démocratie et de sécurité pour les citoyens. La menace précise que j’ai eue comme réponse à ma demande de carte pour « accepter » d’être fouillée et tenue par le bras montre bien à quel point ils peuvent être imprévisibles, car aucun des policiers à qui j’ai fait la même demande n’a eu cette réaction d’une grande violence psychologique. Je vais donc saisir la commission de déontologie pour qu’une enquête soit menée et que la lumière soit faite sur ces pratiques et ces recrutements sauvages !

Seul point positif pour ceux qui se reconnaissent dans les principes laïques, les partisans de ce baptême du parvis de Notre Dame n’étaient pas si nombreux que prévus. Quelques religieux en tenue, quelques familles brandissant des drapeaux que l’on retrouve dans les manifestations intégristes ou d’extrême-droite, des touristes italiens, polonais, des curieux et des croyants inquiets de « voir un pays catholique menacé par l’islam qui tenait à rester catholique » (sic !).

Tout ce monde était bien protégé (de quoi, de qui ?) par un déploiement impressionnant de CRS, de policiers en civil , le tout parqué derrière des barrières.

Il est évident que les catholiques n’avaient pas fait le déplacement, ce qui est assez logique quand on sait combien ce pape était contesté de son vivant pour ses positions réactionnaires notamment sur les moeurs. Peut-être même, les catholiques progressistes, attachés à la laïcité, ont-ils pris cette décision rapide du maire de Paris comme un coup de poignard dans le dos, une manoeuvre électoraliste.

Grand regret aussi, le manque de mobilisation des partis politiques opposés à cette OPA religieuse ainsi que des grandes associations ou mouvements laïques qui feraient bien de ne pas désarmer face à la montée des revendications religieuses de plus en plus précises en Europe !

Aline Pailler


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