1968 1998 Un autre monde est possible (Ignacio Ramonet)

jeudi 15 janvier 2015.
 

L’architecture politique, sociale, culturelle qu’édifie le néolibéralisme est-elle modifiable ? Les citoyens sont-ils condamnés à demeurer enfermés dans l’actuel périmètre de l’horreur économique sans possibilité de réagir ? Existe-t-il d’autres pistes à explorer pour que l’humanité retrouve le sens du bien commun ?

De plus en plus de personnes, au Nord et au Sud, estiment que trop, c’est trop. Que ce monde qu’édifie une économie devenue inhumaine n’est plus vivable. Que le déferlement des égoïsmes sape les fondements de l’éthique. Après l’Etat-nation et l’Etat-providence, c’est la citoyenneté elle-même qui est menacée de démantèlement au nom des impératifs du marché. L’entreprise de démolition s’attaque en fait à l’ensemble de la civilisation sociale bâtie au cours des XIXe et XXe siècles. Un sursaut collectif devient indispensable.

Après la nécessaire période d’observation et d’identification des problèmes actuels, accentués par la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique, la critique s’est esquissée puis accentuée (description de la « pensée unique », des régimes « globalitaires », de la financiarisation de l’économie, du largage du Sud, de la précarisation généralisée, des manipulations des esprits, etc.). Des informations de première importance, occultées par les grands médias, ont ainsi pu parvenir à un large public. Mais la critique, aussi constructive qu’elle soit, ne peut être permanente. Au risque de paraître répétitive et vaine. L’heure d’esquisser des propositions est venue. Elle coïncide avec l’anniversaire de quelques événements fondateurs qui eurent, en leur temps, une énorme puissance prospective : la parution, en janvier 1848, du Manifeste du parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels, la révolution de février 1848 en France puis le « printemps des peuples » en Europe, enfin le formidable chapelet de révoltes de 1968 (à Paris, Berlin, Rome, Prague, etc.).

Comme alors, des citoyens ressentent la nécessité d’un contre- projet global pouvant être opposé au modèle dominant. Il flotte dans l’air comme un besoin d’utopie. Est-ce raisonnable ? Les précédentes utopies n’ont-elles pas, pour la plupart, sombré dans la dictature, la répression et le mensonge ? Rien n’y fait. Contre tous les discours qui prônent la nécessité de s’adapter, beaucoup de citoyens demeurent à la recherche d’un « agir ensemble » et souhaitent, pour commencer, introduire une pincée d’humanité dans les rouages de la machine néolibérale.

Ignacio Ramonet Directeur du Monde diplomatique de 1990 à 2008.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message